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Milan, Italie : Plus de 20 voitures sabotées en solidarité avec Adriano et Gianluca

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Milan, 15 décembre. Plus de 20 voitures de Enjoy ont été endommagées. Enjoy est un service de car sharing imaginé par ENI [l’équivalent italien de Total, NdCI] en partenariat avec Trenitalia, Frecciarossa et Fiat.
Cette action est solidaire de Gianluca et Adriano et de tou-te-s les anarchistes prisonnier-e-s.

Rovereto, Italie : Le centre Telecom attaqué en solidarité avec les prisonnier-e-s

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Le 13-12-2014, le centre Télécom de Rovereto a été attaqué. Les caméras ont été déviées et des engins incendiaires placés en différents points. Les compagnies téléphoniques, au-delà des dégâts environnementaux qu’elles créent, sont surtout des alliées de l’État pour le contrôle et la sécurité. Telecom, en particulier, est l’une des responsables de la vidéoconférence imposée aux détenus en Italie.

En solidarité avec Adriano et Gianluca a qui cette vidéoconférence a été imposée, avec Maurizio Alfieri a qui elle a été imposée pour ses luttes en prison, à Monica et Francisco et aux derniers arrêtés de la dite « affaire Pandora ». Un salut aux 11 arrêtés à Barcelone. A Alfredo et Nicola pour avoir revendiqué l’attaque de l’un des responsables de la mort nucléaire. Aux détenus No TAV parce que les compagnies téléphoniques ont eu un rôle fondamental dans la répression. A Tamara Sol accusée d’avoir tiré sur un vigile de banque. En souvenir de Sebastián Oversluij, Rémi tué par la police et tous ceux qui, partout dans le monde, affrontent l’autorité.

Pour l’action directe. Pour l’anarchie.

Italie : Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò condamnés à 3 ans et 6 mois

Après deux heures de réunion en chambre de conseil, la Cour d’Assise du Tribunal de Turin a condamné Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò à 3 ans et 6 mois chacun, les reconnaissant coupables d’avoir saboté le chantier de la Grande Vitesse, mais les relaxant du chef d’accusation principal, celui d’attentat terroriste, grâce auquel le Parquet avait demandé une peine totale de 9 ans et demi.

19.00 – Manifestation dans les rues de Bussoleno

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“Nous sommes No TAV / Nous arrêter est impossible / La vallée qui résiste… et ne s’arrête pas !”

18.00 – Rassemblement de solidarité à Brescia sur la Piazzetta Bella Italia, à l’angle de Piazza della Loggia

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18.00 – L’accusation de terrorisme est tombée, les sites internet du Parquet et du Tribunal de Turin tombent eux aussi, grâce à une attaque informatique d’Anonymous.

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“Le terroriste, c’est l’Etat qui dévaste. LIBERTE POUR LES NO TAV”

17.00 – A Florence, un cortège de solidarité défile dans les rues du quartier de Rifredi, dans les environs du chantier de la Grande Vitesse.

14.00 – Un groupe de personnes solidaires bloque l’autoroute Turin-Fréjus à la hauteur de la galerie de Giaglione, interrompant la circulation.

13.00 – Un train régional venant de Milan vers Turin est arrêté par la police ferroviaire à la gare de Novara, avec à bord 30 No TAV qui avaient très justement refusé de payer leur billet.

Une interview téléphonique (en italien) d’un compagnon présent au tribunal sur Radio Blackout, et un commentaire plus articulé (toujours en italien) sur Radio Onda Rossa.

Entretemps, Francesco et Graziano, arrêtés en juillet avec Lucio pour les mêmes faits que les quatre condamné-e-s d’aujourd’hui, ont été transférés dans la section de Haute Sécurité de la prison de Ferrara. Le transfert est une conséquence directe de l’accusation « d’attentat à finalité terroriste » que le Parquet de Turin a porté contre eux il y a une semaine. Leur nouvelle adresse est donc :

Graziano Mazzarelli

Francesco Sala

c/o C.C. via dell’Arginone, 327 – 44100 Ferrara

Celle de Lucio reste pour le moment la même :

Lucio Alberti

c/o C.C. via Cassano Magnago 102 – 21052 Busto Arsizio (Varese)

17 décembre, Macerie

Italie : Lettre de Francesco Sala depuis la prison de Crémone

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Il n’y a pas de temps à perdre

La seule chose à propos de laquelle tous étaient certains en ce qui concerne le procès du « compresseur », c’est qu’il ferait cas d’école.
Les docteurs de la loi en étaient sûrs, eux qui auraient eu d’autres sentences de Cassation à citer dans leurs raisonnements pour conforter leurs propres thèses.
Les avocats en étaient sûrs, eux qui n’avaient jamais affronté une accusation aussi créativement formulée.
Et puis les journalistes (et la chose est vraiment notable), qui ont été les premiers à utiliser le mot terrorisme dans un contexte aussi populaire que l’est le mouvement No TAV.
Avec autant de nouveautés, on comprend bien comment on est en train d’assister à Turin, au-delà d’un procès, à une expérience répressive de grande portée.

Que les recours avancés par les mouvements soient déclassés par le Pouvoir en place vers de simples questions d’ordre public, il n’y a là rien de nouveau en soi… Depuis Spartacus, il n’a pas été de subversif qui n’aie été traité en tant que criminel.
Mais le glissement conceptuel vers une idée de terrorisme englobant tout que cette enquête veut mettre en place mérite, je crois, une certaine attention.

Aujourd’hui, dans les nouvelles formes de l’économie globale des flux, l’État a perdu tout résidu de cet adjectif « social » qu’il avait souvent utilisé, lors des décennies précédentes, comme contre-poids de la répression. Son rôle se réduit à celui de gendarme d’une société toujours plus fragmentée et toujours moins gérable. Mais un Pouvoir qui sait gouverner seulement à travers l’instrument jacobin de la peur est pris de panique pour chaque petite virgule ne se trouvant pas bien à sa place et qui pourrait menacer son ordre. Et c’est pour cela qu’il a une faim incessante d’outils répressifs toujours plus nombreux.
Au sein de la société de la communication, la forge de ces outils réside dans le discours de la Peur véhiculé par les médias.
Lentement, mais constamment, les manifestations, les recours, les idées, les actions et n’importe quel acte qui mette en lumière une alternative à l’existant se teinte d’une inquiétante couleur criminelle-offensive qui met en danger sa sécurité.

Et voilà que, lentement, on fait tomber des affirmations toujours plus infamantes et effrayantes, jusqu’à en arriver au terrorisme ; mot qui, après le 11 septembre, a fait enregistrer beaucoup de ventes aux journaux, prêts à l’utiliser au moindre soupçon. On sait en effet que rien ne vend plus que les émotions et le sensationnalisme. Et le terrorisme réussit à faire confluer les deux sous un unique terme.

Jusqu’à il y a quelques années seulement, le « terrorisme » était un terme que l’on associait uniquement à des attentats aveugles contre la population civile (dont la plus célèbre, comme c’est étrange, fut orchestrée à l’usage et au bénéfice de ceux qui voulaient un tournant réactionnaire…). Mais nous voyons toujours plus souvent comment le terme est utilisé avec désinvolture par les soi-disant organes d’informations et, parallèlement, toujours plus souvent, comment les héroïques appareils de l’Antiterrorisme sont voués à élargir leur champ d’action, jusqu’à inclure récemment les expulsions de maisons occupées.
Comme on l’a dit, en ces temps incertains et de crise, le moindre signe d’insubordination doit être sévèrement réprimandé, et toute hypothèse d’organisation alternative de la vie, par rapport à celle en vigueur, devient immédiatement scandaleuse. Et, comme on l’a vu, la réponse du Pouvoir face à tout cela est hystérique, décomposée et vindicative.

Un comportement semblable de la part d’une institution est le signe le plus évident d’à quel point celle-ci a peu à offrir à ses sujets, sinon l’incessante reproduction d’elle-même.
Celles et ceux qui ont à cœur l’émancipation humaine et croient en des communautés tenues ensemble par la solidarité mutuelle et par les affects personnels, ont peu à partager avec ceux qui croient à une société d’individus rangés et tenus ensemble par la peur du prochain et par des liens économiques de convenance.

Terrorisme et Victimisme (son double spectaculaire) sont des concepts utiles pour ceux qui veulent gouverner, avec le peu de moyens encore à disposition, le marasme social qu’est devenu la société grâce à l’action incontestée d’un capitalisme de vol et de pillage.
Le paradigme économique libéral a créé la (triste) organisation sociale actuelle, qui a besoin d’une violence quotidienne contres les exclus des bénéfices de son économie pour se perpétuer, ainsi que d’un permanent sens de l’incertitude (qu’il a lui-même contribué à créer) qui rende les gens plus disponibles à l’obéissance.

Voilà ce que nous offre l’existant.

Celles et ceux qui pensent que l’économie est un moyen pour pourvoir aux nécessités matérielles et non un outil d’enrichissement par expropriation, celles et ceux qui pensent que l’affectivité dépasse les schémas rigides de la famille, celles et ceux qui pensent qu’une horloge n’est pas un outil pour découper le cadavre de journées toujours égales, et en définitive celles et ceux qui croient en l’alternative scandaleuse de l’émancipation humaine, doivent sentir l’urgence de s’organiser pour donne vie aux rêves qui les alimentent et pour créer une alternative réelle qui puisse résister à l’écroulement des ruines d’une réalité misérable.

Commençons dès aujourd’hui.

Amor y Rabia

Fra

Crémone, 30/11/2014

Francesco Sala
Casa Circondariale

via Palosca 2 – 26100 Cremona, Italie

Italie, NoTAV : Graziano, Francesco et Lucio eux aussi accusés de terrorisme

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A exactement un an des arrestations de Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò, et à un peu plus d’une semaine des réquisitions énoncées contre eux, l’accusation de terrorisme est désormais aussi portée contre Lucio, Francesco et Graziano. En prison depuis juillet, les trois n’étaient accusés jusqu’ici “que” de détention et de transport d’armes de guerre, de dégradations par incendie et d’autres délits mineurs, auxquels s’ajoutent ce matin les articles 280 et 280bis : l’attentat à finalité terroriste. Cette déplaisante surprise a été accompagnée de la perquisition de leurs cellules, avec mise sous scellés de diverses choses, le tout incluant aussi le blocage des parloirs. Un parent et une amie autorisé-e-s de façon régulière ont en effet été repoussé-e-s ce matin, et informé-e-s qu’ils devront requérir de nouvelles autorisations. Nous ne savons pas encore si, comme cela a été le cas pour les 4, les parloirs seront bloqués pour un certain temps, ou s’il s’agira dans ce cas seulement d’une brève suspension. Sur le moment, il n’est pas non plus possible de prévoir où et quand les trois seront transférés, puisque l’accusation de terrorisme prévoit un régime de détention de Haute Sécurité.

Pour sortir, enfin, de ce qui ce passe dans les salles des tribunaux et dans les instituts pénitentiaires, plusieurs centaines de personnes ont parcouru et bloqué les routes de Val Susa ces derniers jours, pour les libération des sept compagnon-ne-s en prison. Dans la nuit de dimanche, un long et bruyant cortège a traversé la ville de Susa, en s’arrêtant en particulier devant l’hôtel Napoleon où, à l’aide de fumigènes et de bruits de métal, a été dérangé le repos des forces de l’ordre qui y sont logées. Le jour suivant, le 8 décembre, anniversaire de la bataille de Venaüs en 2005, deux groupes de manifestant-e-s ont tenté d’atteindre la zone du chantier depuis deux endroits distincts. Un groupe s’est retrouvé à Giaglione et est parvenu, par les sentiers, à contourner les barrages des forces de l’ordre et à rejoindre le chantier, où tout le monde a battu sur les grilles. Le groupe qui s’était donné rendez-vous à la Centrale de Chiomonte s’est trouvé face à un blocage des forces de l’ordre sur le pont en face du portail de la Centrale et a donc décidé de remonter vers la nationale 24, qui a été bloquée durant plusieurs heures. D’autres gens se sont dirigés vers la gare la plus proche, où le passage d’un TGV a été bloqué par l’occupation des voies. A la fin de l’après-midi, un gros groupe de manifestant-e-s est retourné vers la Centrale, où a commencé un long battage de métal, qui n’a cependant pas trouvé de succès auprès des forces de l’ordre, qui ont répondu avec des canons à eau et des lacrymogènes.

La journée s’est achevée comme ça, et tout le monde s’est donné rendez-vous le 17 décembre, jour du rendu du procès.

A 09 heures dans l’Aula Bunker pour saluer Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò et, dans l’après-midi, à 17h30, sur la place du marché de Bussoleno pour décider quoi faire après le verdict de la Cour d’Assise.

Macerie, 9 décembre 2014

Lyon/Turin – Terzo Valico, Italie : Le sabotage est compagnon de celles et ceux qui luttent

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Ci-dessous, la traduction du texte d’un tract distribué lors de la manifestation du 21 novembre contre le Terzo Valico :

Mêmes intérêts, même police, une seule lutte.

Du 14 au 22 novembre, le Mouvement No TAV a appelé a une semaine de mobilisation en solidarité avec Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò, accusés de terrorisme pour le sabotage d’un engin sur le chantier de la grande vitesse de Chiomonte dans la nuit du 13 mai 2013. Les procureurs de Turin Andrea Padalino et Antonio Rinaudo ont récemment requis contre eux des peines de 9 ans et 6 mois de prison.

Conscients du fait que le Terzo Valico entre Ligurie et Piémont et la grande vitesse en Val di Susa sont deux parties du même projet de dévastation et d’exploitation du territoire, toutes deux conséquences de l’actuel modèle de développement et utiles à ce que les intérêts d’un petit nombre prévalent à ceux de l’ensemble, nous pensons que la meilleure façon d’exprimer notre solidarité envers nos compagnon-ne-s et leurs pratiques est de continuer la lutte.

La course continue vers ce progrès qui nous fait tant déchanter, et dont le seul effet est l’incessante destruction de la planète, nous est présenté comme étant l’unique scénario imaginable, sans possibilité de choix. En réalité, ce n’est pas le cas : nous choisissons de lutter avec tous les moyens que chacun jugera nécessaires.

Mais les formes de protestation qui se cantonnent aux limites définies par l’État n’ont aucune efficacité. Les dernières inondations l’ont démontré : les manifestations de mépris et d’indignation des années précédentes tout comme les plus actuelles n’ont servi qu’à vendre plus de papier imprimé sans incommoder le moins du monde ceux qui sont aux commandes. Une fois la situation d’urgence terminée, tout redevient comme avant, avec quelques votes en plus que ceux qui ont été capables de montrer le plus d’indignation et d’empathie dans le malheur auront gagné. En attendant un autre désastre.

La même chose vaut pour le Terzo Valico, par rapport auquel les diverses manifestations contre les chantiers ne sont pas parvenues le moins du monde à en gêner l’ouverture, et ont même au contraire été enveloppées de l’indifférence de la plus grande partie des gens qui semblent tout accepter de bon cœur, avant de s’étonner ensuite que le terrain sur lequel travaillent les entreprises pour réaliser ces grands travaux se détériorent.

Il est aujourd’hui plus que jamais fondamental de dépoussiérer ces pratiques qui causent de réels dommages aux intérêts du Capital et de ceux qui en sont les complices conscients, des pratiques qui ont toujours été le patrimoine commun des exploités.

C’est justement pour cette raison qu’il nous enchante de savoir que l’illustre pratique du sabotage est sortie de Val Susa et est apparue à Gênes au sein de la lutte contre le Terzo Valico, à travers les sabotages d’une vingtaine d’engins des chantiers de Trasta, d’Erzelli et de la zone de Castagnola, et plus récemment au cours de la grève générale du 14 novembre, quand d’anonymes travailleurs ont tranché les câbles à l’intérieur du centre d’opération de l’AMT, empêchant la communication entre les transports publics et la centrale : de Chiomonte à Gênes, le sabotage est compagnon de celles et ceux qui luttent.

Cette splendide nuit de mai, nous étions tou-te-s là, et nous avions tou-te-s bien en tête que le sabotage des engrenages du TAV est possible.

Solidarité avec toutes les personnes arrêtées et sous enquête
Solidarité avec celles et ceux qui s’opposent et luttent contre la dévastation et l’exploitation des territoires !

Venise, Italie : Perquisitions et accusations de terrorisme pour avoir repeint un tribunal

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Venise – Dans les premières heures de la matinée du mardi 2 décembre 2014, les forces répressives ont perquisitionné l’ex-Ospizio Occupato Contarini pour une action No TAV ; l’accusation contre X est celle de 270sexies : l’accusation de terrorisme.

Ce matin, 2 décembre 2014, vers 10 heures 30, une quarantaine de Digos et de carbinieri en civil ont arrêté deux compagnons à l’extérieur de l’Ex Ospizio Contarini Occupato, à Santa Marta. Ils ont donc procédé, après plusieurs intimidations, à fouiller les deux compagnons, soustrayant par la force les clés de la maison occupée à l’un des deux.

Les flics sont donc entrés pour perquisitionner les locaux de l’espace, ont emporté des bombes de peinture et des pots de peinture qui reconduiraient à une action de solidarité No TAV ayant eu lieu le 16 novembre dernier, durant laquelle la façade du Tribunal de Venise a été repeinte de peinture rouge et de tags. Cette perquisition a pour motif la proximité toujours ouvertement démontrée envers le mouvement No TAV et, nous ne le découvrons qu’après, par le tristement célèbre délit de 270 sexies (actes à finalité de terrorisme), cette fois-ci dirigé contre des inconnus.

Le même délit pour lequel Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia sont en prison depuis le 9 décembre dernier pour avoir participé à une action de sabotage sur le chantier de Chiomonte !
La façon dont la magistrature de Venise cherche à utiliser les mêmes armes juridiques que celle de Turin apparaît clairement, avec ses manies de protagonisme et de recherche de carrières faciles, et ce afin de frapper, au-delà des No TAV directement impliqués dans des actions de sabotage, toutes les manifestations de solidarité vouées à faire s’écrouler cet infâme, autant que grotesque, château d’accusations.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le délit 270 sexies, introduit dans le code pénal en 2005 après les attentats de Madrid, crée un flou juridique dans lequel toute conduite vouée à « pervertir les institutions » (lire : toute protestation qui sorte, même un tout petit peu, des limites de la revendication démocratique) est potentiellement accusable de terrorisme, depuis le sabotage d’un compresseur à, à partir d’aujourd’hui, de la peinture sur un Palais de Justice.

Nous prenons acte du total manque de sens du ridicule de la procureur Francesca Crupi, de la Digos et des carabinieri vénitiens dans leur façon de procéder à une perquisition pour terrorisme en cherchant comme preuves des sprays et de la peinture liées à une opération de recouvrement de façade mais, en ces temps de chasse aux sorcières, plus rien ne nous étonne.

Nous réaffirmons avec force notre solidarité envers nos compagnon-ne-s arrêté-e-s et les prochains rendez-vous de lutte contre la Haute Vitesse, à partir des 7 et 8 décembre* en Val di Susa.

Les occupants et les occupantes de l’ex Ospizio Contarini


* (Note de Contra Info) : 7 décembre à 20h30 :MARCHE AUX FLAMBEAUX A SUSA, départ devant l’hôpital

8 décembre à 14h : RASSEMBLEMENT A CHIOMONTE (portail de la centrale), et pour ceux qui ont des bonnes jambes AU CHANTIER DE CLAREA

Rome : Compte-rendu de deux journées anticarcérales en solidarité avec Maurizio Alfieri

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Vendredi 28 et samedi 29 novembre : deux journées contre le système carcéral, sa brutalité et sa normalité.
Nous avons été poussé-e-s par une affaire mise en lumière par Maurizio Alfieri, détenu dans la prison de Spoleto, qui il y a quelques semaines nous faisait parvenir la nouvelle d’un énième homicide d’État, celui d’un prisonnier qui a trouvé la mort en prison le 25 juin 2013, dans la maison de redressement de Terni.

Nous avons pensé que nous ne pouvions pas laisser cette dénonciation de Maurizio rester lettre morte, lui qui s’est en plus exposé dans cette affaire, comme dans d’autres, personnellement, en faisant sortir encore une fois les noms et prénoms des responsables directs.

Mais de cette mort, comme de toutes les autres morts des otages de l’État dans ses prisons, dans ses casernes, dans les cellules de ses tribunaux, c’est le système entier qui en est responsable.

Vendredi après-midi, nous nous sommes rendu-e-s près du siège central du DAP (département de l’administration pénitentiaire) de Rome, avec pour but d’interrompre la routine de leur travail habituellement non dérangé.
Devant l’entrée du bâtiment, revêtus de leur équipement anti-émeute, un groupuscule de flics (trois camionnettes et un blindé) aux ordres d’un grand nombre de DIGOS, et aux fenêtres ceux qui estiment peut-être n’être que de « simples » employés… A tous ceux là a été adressé le cri d’ASSASSINS, répété pendant presque trois heures d’affilée, et interrompu seulement par les voix amplifiées de qui a voulu rendre hommage, avec toute sa haine, à l’infâme occupant de ce bureau.

Du DAP et de ses « simples » employés dépendent les vies des détenus et des détenues, et donc leur mort aussi. Et tout ce qui se passe entre les deux.
A la différence de ce à quoi nous nous attendions nous aussi, cette initiative a également représenté un certain intérêt auprès des gens qui se retrouvaient à passer par là ce vendredi après-midi, et qui y passent peut-être tous les jours. Des histoires de vie qui s’entrecroisent, des récits inattendus de vies recluses, des souvenirs de souffrance et des désirs de vengeance qui ont fait que nous ne nous sommes pas senti-e-s seul-e-s face à ce lieu et aux pontes du système de répression italien. Des phrases peintes sur les murs d’enceinte étaient également là pour rappeler aux passant-e-s que ceux qui travaillent au DAP sont des ASSASSINS.

Samedi après-midi, la direction prise a été celle de la prison de Spoleto, où Maurizio est détenu dans la section d’isolement, à cause de son insubordination.
La présence devant cet institut de peine en solidarité avec les détenus a aussi été l’occasion de soutenir la révolte qui avait porté en septembre dernier à la publication d’un document signé par 77 détenus de cette prison pour dénoncer à l’extérieur les conditions de vie auxquels ils sont contraints (dans lequel ils se considèrent « traités pire que des animaux »).
Durant tout le rassemblement, on a également battu contre le portail de la prison. Les interventions au micro ont reçu des réponses de l’intérieur, et probablement même des sections en régime 41 bis – la prison dure en Italie – grandement peuplée dans cette prison.

Comme conclusion au rassemblement, les murs de Spoleto ont été les protagonistes d’une série de tags qui disaient en gros :
FEU AUX PRISONSSOLIDARITE AVEC LES DETENUS ET LES DETENUES EN LUTTEAVEC MAURIZIO ALFIERINON AU 41BIS

Quelques ennemi-e-s de l’autorité

Italie : Communiqué de solidarité contre les expulsions à Milan

sgombero-corvetto-milano-scontriCeux qui gouvernent légitiment leur pouvoir à travers des outils qu’ils ont eux-mêmes inventé afin de raidir et d’uniformiser. Ceux qui gouvernent veulent que toute personne s’en remette à eux pour trouver le bonheur, parce qu’ils ont besoin que chaque action, que celle-ci soit sociale ou individuelle, ait pour caractéristique d’être « utile » à l’État. Ceux qui gouvernent nomment l’imposition de cette injustice « légalité », « majorité », « bien commun », « sécurité ». Ce n’est pas un hasard si sur de nombreux territoires, l’autogestion et l’autodétermination sont devenues pour les institutions synonymes d’« association délictueuse ». Parce que l’autogestion et l’autodétermination exproprient les nécessités, les besoins et les désirs des individus des critères de soumission et des logiques de suffocation.

Cependant, un peu partout ces derniers mois, l’occupation de logements désaffectés, et le conséquent enracinement de pratiques solidaires à l’intérieur des quartiers populaires, mine à la base cette hiérarchie sociale qui, jusqu’à présent, a garanti le pouvoir aux institutions locales et nationales.

Dans de nombreuses villes, l’énième montage policier, supervisé avec art par les médias et les politicards en recherche d’approbation, a trouvé en travers de sa route des luttes partagées et déterminées qui ont partiellement détruit la structure propagandiste, née dans les chambres du Parti Démocratique et élargi à tout l’appareil politique institutionnel. En effet, à Milan, les quartiers de Corvetto, Giambellino ou San Siro n’ont pas plié face à la violence des forces de l’ordre, ni face aux campagnes médiatiques. Ces dernières semaines, le quartier de Corvetto a en effet subi l’énième attaque policière, aboutissant à l’expulsion de quelques logements et de deux espaces occupés : le “Corvaccio” et la “Rosa Nera”, tous deux en première ligne dans la lutte pour l’occupation des maisons dans le quartier. Suite à ces actions policières, pilotées depuis certains sièges de parti, cinq compagnons ont également été arrêtés, puis relâchés le jour suivant. Le quartier ne s’est néanmoins pas laissé intimider et s’est resserré autour des arrêtés, de façon solidaire et compacte, en ne tombant pas dans le piège policier habituel qui voudrait diviser celles et ceux qui manifestent entre “bons” et “méchants”. Après une matinée d’affrontements et de barricades, une réponse a pris forme dans la soirée sous la forme d’une ballade dans les beaux salons de la ville ; ballade qui aurait voulu pouvoir aller saluer les cinq compagnons enfermés à San Vittore, mais qui a été dispersée par une chasse à l’homme conduite au son des charges et des lacrymogènes.

En somme, le Plan Logement montre son vrai visage : propagande politique d’un côté, répression de l’autre ; un moyen de faire taire toutes ces réalités qui, à travers l’autogestion et l’autodétermination, cherchent à éviter une “normalisation” toujours plus répressive et qui assume partout les caractéristiques d’un ultimatum : ou tu te soumets, ou tu te fais matraquer et poursuivre.

Le Plan Logement est donc l’énième réceptacle propagandiste d’un nouveau modèle autoritaire à administrer au doigt et à l’œil et qui, s’il n’est pas directement attaqué et saboté, fera partie de ce qui sanctionnera le passage définitif d’un principe sommaire de liberté élaboré du haut vers le bas, à l’instauration d’un plan préventif de sécurité sociale. Nous nous déclarons donc complices et solidaires de tous les occupants “abusifs” et de tous les compagnons qui subissent les actions répressives directement sur la peau.

UNE BARRICADE A CHAQUE EXPULSION !

AUTOGESTION DIFFUSE PARTOUT !

Des anarchistes de via bonomelli (Bergame)

Milan : Nuit de vengeance Trans, une église prise pour cible

reverseLe 20 novembre est le jour de mémoire pour les personnes assassinées parce qu’elles étaient trans. Cette année, ce sont 226 personnes qui ont trouvé la mort dans le monde pour cette raison. Nous avons décidé d’attaquer une église catholique en tant que symbole de l’oppression anti-trans. La violence vécue par les personnes trans est la conséquence de leur morale et de leurs règles de genre.

La nuit du 20 novembre, nous avons pris la basilique San Paolo pour cible, au 2 de la via Vismara. Nous avons collé les serrures de plusieurs portes, lancé de la peinture rose sur la façade et écrit : “20/11 NUIT DE VENGEANCE TRANS” sur la porte d’entrée.

ATTAQUONS LES EGLISES ! LA VENGEANCE AU-DELA DU SOUVENIR !

Orte (Viterbo), Italie : Libération de lapins et d’animaux destinés à l’abattoir

cornUne fois, un activiste de la libération animale de longue date a écrit que ces vingt dernières années, le nombre de personnes végétariennes et vegans à incroyablement augmenté, mais que le nombre d’activistes est resté le même. Cela nous a fait réfléchir, et il nous a semblé juste de faire revenir la libération animale à son sens véritable : libérer les animaux. Une nuit de novembre, nous avons rendu visite à un petit élevage d’Orte (dans la province de Viterbo), avons ouvert les portes des cages qui retenaient une dizaine de lapins, pour leur offrir la liberté. Nous avons ensuite ouvert le poulailler et emmené avec nous une dizaine de dindes et d’autres volatiles. Dédié à celles et ceux réellement actifs dans la réalité, avec les moyens et les formes que chacun-e préfère, et non pas sur les réseaux sociaux virtuels !

Turin, Italie : Procès contre Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò

no-tav-4-1024x1024Dans la salle Bunker de la prison des Vallette, il aura fallu à Rinaudo et Padalino quatre heures abondantes de réquisitions pour confirmer la structure d’accusations contruite contre Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò. Attentat a finalité terroriste, attentat terroriste avec engins pouvant causer la mort et explosifs, détention et transport d’armes de guerre, dégradation par incendie et violence contre personne dépositaire de l’autorité publique sont donc les délits qui, en appliquant les règles de l’arithmétique pénale, ont amené les deux procureurs à requérir des peines de 9 ans et 6 mois pour chacun des quatre compagnons. En ce qui concerne les parties civiles, LTF (Lyon Turin Ferroviaire) demande la somme “symbolique” de 50.000 euros pour l’action de sabotage contre le chantier de Chiomonte. Les demandes du SAP et du Barreau seront entendues plus tard.

Tandis que ces chiffres sortaient dans la salle Bunker, une longue manofestation a traversé les rues de Turin : une “grève sociale” qui a vu manifester des milliers de personnes dans plus de 20 villes. En plus des tags, des slogans et des interventions qui s’en prennent aux politiques du gouvernement Renzi sur l’école, le travail et le logement, de nombreux autres étaient dédiés à la lutte No TAV, à la solidarité avec Chiara Niccolò, Claudio et Mattia et au rappel des prochains rendez-vous en vue de la sentence de leur procès le 17 décembre.

Depuis macerie.

Milan, Italie : DAB et autos de luxe attaqués en solidarité avec les prisonnier-e-s No TAV et anarchistes

Dans la nuit du merc (sic) 12 novembre, nous avons attaqué 5 distributeurs de billets à coups de marteau et vandalisé quelques autos de luxe (pneus crevés et vitres cassées), un tout petit geste de révolte individuelle contre un système capitaliste qui exploite et dévaste. Nous dédions cette action aux compagnons et à la compagnonne accusé-e-s de l’attaque du chantier du TAV en mai 2013, et à tous les prisonniers anarchistes. Nous ne pouvons pas rester là à regarder tandis que nos compagnons se voient enterrés sous des années de prison, ou nous limiter à des actes symboliques qui ne provoquent aucune gêne.

La seule solidarité, c’est l’attaque !

Trentin, Italie : Impressions de novembre

Au rassemblement de trois jours et trois nuits né à Marco di Rovereto pour bloquer les carottages liés au projet du TAV participe également un groupe de jeunes du coin. L’un d’entre eux, au cours d’une partie de cartes, dit : « Ce rassemblement sauve en partie le climat de merde qui s’était créé ici à Marco contre les réfugiés ». En juillet, à partir du prétexte d’une tentative de viol, presque tous les politiciens, du maire du Partito Democratico à la Ligue du Nord, de la circonscription aux fascistes,  s’étaient exprimés pour la clôture du camp de réfugiés. Les discussions qu’on entendait un peu partout, sur les places et dans les bars, avaient l’odeur impossible à confondre du lynchage. S’il avait existé une présence fasciste organisée à Marco, il n’est pas exclu que nous aurions pu assister à une sorte de “chasse au nègre” réalisée avec la participation ou avec le consentement d’une partie de la population.

En octobre, dans toute l’Italie, et aussi dans le Trentin, les clérico-fascistes de Sentinelle in piedi  [Sentinelles debout] étaient durement contestés. La “loi contre l’homophobie” présentée par le centre-gauche est gelée après une interview de Bressan au journal “Vita Trentina”, dans laquelle l’archevêque de Trente compare l’homosexualité à la pédophilie.

Même à Trente la démocrate, les rafles contre les immigrés privés de papiers se déroulent. L’opération s’appelle “Mos maiorum”, c’est-à-dire “les mœurs des ancêtres”. La police aime bien le latin. Il y a deux ans, la DIGOS [police politique] avait nommé “Ixodidae” (“tiques”)* une opération contre 43 anarchistes pour “association subversive à finalité terroriste”, qui s’était conclue par l’absolution des mis en cause. Mais les “mœurs” restent. Le 5 novembre, à Trente, au terme d’un débat sur les groupes fascistes qui s’était tenu dans la faculté de sociologie, trois patrouilles de police (de celles qui tournent en ville pour les contrôles « anti-dégradations » voulus par le démocrate Andreatta) tentent d’interpeller et de fouiller une quarantaine de compagnons, qui s’en vont en cortège pour éviter l’encerclement. Dans l’effervescence du moment, l’un des flics en perd son latin et hurle « Arrêtez-vous, les tiques ! ».

Tandis qu’en Italie la société est divisée entre les journées institutionnelles contre les violences contre les femmes et une violence sexiste qui marque tragiquement la vie quotidienne de milliers de femmes, les femmes kurdes de Kobane défendent les armes à la main leur propre parcours d’émancipation des assauts assassins des mercenaires de l’État Islamique. La morale démocrate défend les femmes en tant que “victimes”. Lorsque les femmes prennent les armes pour se défendre elles-mêmes, la morale démocrate s’en remet à la police (globale).

Selon Renzi, il est criminel d’affirmer que les intérêts des travailleurs et ceux des propriétaires sont différents. C’est le vieux rêve du Capital, et c’est aussi le sien. Mussolini l’appelait corporatisme. Mais aucune politique au monde n’a jamais pu réussir à effacer complètement la réalité de la lutte de classe. Les matraquages des ouvriers de Terni, tout comme les œufs et les émeutes qui accueillent le président du Conseil un peu partout sont, peut-être, les signaux d’un retour à la réalité après des années du mensonge organisé qu’est la paix entre les classes.

Et c’est justement ce retour à la réalité que démocrates et fascistes veulent conjurer, en remettant sans arrêt au goût du jour les “urgences sociales” par lesquelles faire dévier les exploités. Des lames fascistes à la matraque de la police, la politique parle la langue de l’ordre. Même le fleuve Adige, qui risque de déborder de ses rives cimentées à terme, se retrouve désigné comme étant “surveillé spécial par les patrouilles de la Commune et de la Province”par un journaliste.

Du 14 novembre au 17 décembre, le mouvement No TAV de Val Susa invite à la mobilisation diffuse sur les territoires, en solidarité avec les quatre compagnons accusés de terrorisme pour un sabotage du chantier de la Haute Vitesse à Chiomonte.

Tandis que plus de 700 personnes ont participé à la campagne d’achat collectif d’un terrain pour résister au TAV dans le Trentin, et tandis que l’on se lève tous les jours à l’aube pour se retrouver sur les zones des prochains carottages, faisons en sorte que la solidarité envers les compagnons en prison ne nous reste pas en poche.

Il a raison, ce jeune de Marco. Seules les luttes sauvent nos vies du climat réactionnaire qui nous assaillit de la droite comme de la gauche.
Assez de lamentations ou de pleurnicheries. Organisons la contre-offensive.
Contre les fascistes, bien sûr, mais aussi contre le monde qui les arme et qui les protège.

Quelques anarchistes
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*zecche” (“tiques”), est le sobriquet que les fascistes donnaient aux communistes, anarchistes et autres “rouges” sous le régime mussolinien. (Note de Contra Info)

Prison de Spoleto : Lettre du prisonnier en lutte Maurizio Alfieri

La lettre que nous publions et que nous appelons à diffuser autant que possible (sites, radios de mouvement, situations de lutte, etc.) est un courageux acte d’accusation contre la prison de Terni et contre toute l’administration pénitentiaire. Nous ne faisons aucune illusion sur une enquête menée par la magistrature, mais nous ne pouvons pas laisser Maurizio seul. C’est un homme droit qui n’a jamais eu peur de se mettre en jeu. Le DAP (département de l’administration pénitentiaire) et les matons doivent savoir que nous sommes tou-te-s aux côtés de Maurizio pour leur hurler que ce sont des assassins.

Très chèr-e-s compagnon-ne-s

Avant tout, je dois vous dire quelque chose que j’avais gardée en moi et qui me faisait mal… mais la faute n’est pas uniquement la mienne, et vous pourrez comprendre et commenter la situation dans laquelle je me suis retrouvé et qui est à présent rendue publique.

L’année dernière, à Terni, alors que j’étais soumis au 14bis (l’isolement), deux jeunes sont arrivés. Je les entendais hurler qu’ils voulaient être transférés parce que les gardes avaient tué un de leurs amis… Je me fais alors raconter toute l’histoire, et ils me disent qu’un de leurs amis, qui avait 31 ans, avait été tabassé parce qu’ils l’avaient pris en train de faire passer une montre (à 5 euros) par la fenêtre à l’aide d’une cordelette. Ils lui ont dit de descendre et ont commencé à le frapper en lui disant qu’ils lui retiraient aussi le travail (c’était le barbier). Il a alors menacé de se pendre s’ils l’enfermaient. Ils l’ont alors envoyé dans la section, et il a essayé de se pendre, mais les détenus l’ont sauvé en tranchant la corde. Ces bâtards l’ont alors rappelé une nouvelle fois en bas et lui ont mis des baffes en lui disant que s’il ne se pendait pas, c’était eux qui allaient le tuer. Le pauvre est alors remonté, a préparé une autre corde, ses amis s’en sont rendu compte et ont averti les gardes, mais l’inspecteur était monté entretemps, car c’était l’heure de fermeture. L’agent a commencé à fermer les cellules, il n’en restait que trois à fermer, dont celle de ce pauvre homme. Les deux témoins criaient à l’inspecteur qu’il était en train de se pendre, mais ils ont pour toute réponse été menacés de prendre un rapport parce qu’ils refusaient de rentrer dans leur cellule. Eux aussi ont fini par rentrer, parce qu’ils avaient peur, après avoir vu que leur ami roumain s’était laissé tomber du tabouret avec la corde au cou. Et ces bâtards ont enfermé tout le monde et ne sont revenus qu’une heure plus tard avec le médecin pour constater le décès et prendre des photographies du mort…

Ces jeunes m’ont écrit un témoignage quand ils sont descendus en isolement, puis le commandant Fabio Gallo les a appelés, pour leur dire qu’ils les transféreraient là où ils les voudraient s’ils ne disaient rien… ils sont venus me voir en pleurant, m’implorant de ne pas dénoncer la chose et de leur rendre ce qu’ils avaient écrit. Dans un premier temps, j’ai refusé, et une perquisition a eu lieu dans ma cellule à la recherche du témoignage. Mais ils ne l’ont pas trouvé. Le jour suivant, les deux garçons ont été transférés, puis ils m’écrivirent que si je publiais la chose, ça les condamnerait à mort. Je leur ai alors confirmé qu’ils pouvaient avoir confiance en moi. Les faits remontent à juillet 2013, et il ne leur manquait plus qu’un an à tirer avant de pouvoir sortir, ils sont donc aujourd’hui dehors. Le témoignage est en sécurité à l’extérieur, avec un autre qui parle du tabassage d’un détenu que j’ai défendu et qui dit de très belles choses sur moi. Voilà pourquoi ils m’ont tout de suite transféré de la prison de Terni !

Maintenant, nous pouvons faire ouvrir une enquête, et il faudrait que vous vous mobilisiez à l’extérieur pour me soutenir, parce qu’à présent ils vont essayer de me le faire payer. Mais je n’ai pas peur d’eux.

Pardonnez-moi si je n’ai rien dit tout ce temps, mais je l’ai fait pour ces deux garçons qui étaient terrorisés … maintenant, il faut une enquête pour faire interroger tous ceux qui étaient présents dans la section, il faut un rassemblement devant le DAP de Rome pour qu’ils ne puissent rien me faire.

Nous ne pouvons pas laisser cette instigation au suicide impunie… ils doivent payer.

A présent, je me sens en paix avec ma conscience, je me suis senti très mal en pensant à la maman de ce pauvre garçon qui travaillait et envoyait 80 euros à sa famille pour manger. Ces deux jeunes étaient terrorisés, et je n’ai rien voulu faire avant qu’ils ne sortent, mais maintenant, pour rendre justice, il faut que nous commencions à nous mobiliser… je suis certain que vous comprendrez les raisons de mon silence jusqu’à aujourd’hui.

Je vous embrasse fort, avec affection et beaucoup d’amour.

Prison de Spoleto, 20 septembre 2014

Maurizio Alfieri (a-cerclé)

[Grèce/Italie] Interview d’Alfredo Cospito par la CCF

Des prisons grecques au module AS2 de Ferrara. Quatre mots en “liberté”.

Interview de moi-même par la CCF.

Avant de répondre à vos questions, je voudrais souligner le fait que ce que je dirai est ma vérité seulement. L’un des nombreux points de vue, sensibilités et nuances individuelles à l’intérieur de cet entrecroisement de pensée et d’action qui prend forme sous le nom FAI-FRI. Fédération informelle qui, en refusant toute tentation hégémonique, représente un outil, une méthode d’une des composantes de l’anarchisme d’action. Anarchisme d’action qui, seulement à partir du moment où il se fait informel, sans se renfermer dans des structures organisées (spécifiques, formelles, de synthèse) et quand il n’est pas à la recherche de consensus (et donc refuse la politique), peut être reconnu dans un plus vaste univers chaotique du nom d’« internationale noire ». Pour mieux nous comprendre, la FAI-FRI est une méthodologie d’action que seule une partie des sœurs et des frères de l’internationale noire pratiquent, pas une organisation, et encore moins une simple signature collective. Seulement un outil qui tend vers l’efficacité, et qui a pour objectif de renforcer les noyaux et les individualités des compagnon-ne-s d’action à travers un pacte de soutien mutuel sur trois points : solidarité révolutionnaire, campagnes révolutionnaires, communication entre groupes et individus :

SOLIDARITÉ RÉVOLUTIONNAIRE : Chaque groupe d’action de la Fédération Anarchiste Informelle s’engage à donner sa propre solidarité révolutionnaire à d’éventuels compagnons arrêtés ou en fuite. La solidarité se concrétisera surtout à travers l’action armée, l’attaque contre les structures et les hommes responsables de la détention du compagnon. Qu’il ne subsiste pas l’éventualité du manque de solidarité parce qu’on verrait moins les principes sur lesquels le vivre et le sentir anarchiste se basent. Par soutien en cas de répression, nous ne parlons bien évidemment pas de celui qui a un caractère d’assistance technico-légal : la société bourgeoise offre suffisamment d’avocats, d’assistantes sociales ou de prêtres pour que les révolutionnaires puissent s’occuper d’autre chose.

CAMPAGNES RÉVOLUTIONNAIRES : Une fois lancée une campagne de lutte à travers des actions et les communiqués correspondants, chaque groupe ou individu sera suivi par les autres groupes et individus de la Fédération Anarchiste Informelle selon leurs propres temps et modalités. Chaque individu ou groupe peut lancer une campagne de lutte autour d’objectifs particuliers en « promouvant » simplement le projet par une ou plusieurs actions accompagnées de la signature du groupe d’action spécifique auquel vient ajouté la signature de la Fédération dans le sigle. Si une campagne n’est pas partagée, et si cela est jugé nécessaire, la critique se concrétisera à travers les actions et communiqués qui contribueront à corriger le tir ou à le mettre en discussion.

COMMUNICATION ENTRE LES GROUPES ET INDIVIDUS. Les groupes d’action de la Fédération Anarchiste Informelle n’ont pas à se connaître les uns les autres, il n’y en a aucun besoin lorsque cela mènerait plutôt à prêter le flanc à la répression, à créer des dynamique de leaderisme des individus et à la bureaucratisation. La communication entre les groupes et individus se fait essentiellement à travers les actions elles-même, et à travers les canaux d’informations de mouvement sans nécessité de connaissance réciproque.
(extrait de la revendication de l’attentat du 21 décembre 2003 contre Romano Prodi, à l’époque président de la Commission Européenne, extrait de « Il dito e la luna », pages 15-16)

Ce pacte de soutien mutuel dépasse de fait l’assemblée, ses leaders, les spécialistes de la parole, de la politique et les mécanismes autoritaires qui s’amorcent aussi dans les milieux anarchistes lorsque l’assemblée devient un organe décisionnel. Ce que l’internationale noire devrait pouvoir faire dans les prochaines années serait de reconstituer ce « fil noir » qui s’était étiolé depuis longtemps. Un fil qui rattache l’anarchisme d’hier, qui pratiquait la « propagande par le fait », fille du Congrès International de Londres de 1881, à l’anarchie d’action d’aujourd’hui, informelle, auto-organisée, nihiliste, anti-civilisation, antisociale. Nicola et moi, les uniques membres du « noyau Olga », ne connaissons pas personnellement les autres frères et sœurs de la FAI. Les connaître voudrait dire les voir enfermés entre les quatre murs d’une cellule.

Nous nous sommes convaincus de l’utilité de la FAI-FRI grâce aux mots (revendications) et aux actions des frères et sœurs qui nous ont précédé. Leurs mots, toujours confirmés par l’action, nous ont offert l’indispensable constance sans laquelle n’importe quel projet se réduit, à l’ère du virtuel, en inutiles et stériles paroles lancées au vent. Nous avions besoin d’une boussole pour nous orienter, d’un outil pour reconnaître et démasquer ceux qui ont fait de l’anarchie un simple terrain de jeu pour beaux-parleurs, un filtre pour distinguer les mots creux de ceux porteurs de réalité. Nous avons trouvé dans cette « nouvelle anarchie », dans ses revendications et les campagnes révolutionnaires qui y étaient liées, une perspective d’attaque réelle, qui amplifie nos potentiels destructifs, sauvegarde notre autonomie d’individus rebelles et anarchistes et nous donne la possibilité de collaborer, de frapper ensemble, sans nous connaître directement. Aucun type de coordination ne peut être inclus dans notre façon de nous projeter. La « coordination » présupposerait nécessairement la connaissance réciproque, le fait de s’organiser entre les sœurs et les frères des différents noyaux. Une telle coordination tuerait l’autonomie de chaque groupe et individu. Le groupe le plus « efficient », le plus préparé, le plus courageux, le plus charismatique aurait inévitablement le dessus, reproduisant les mêmes mécanismes délétères que l’on retrouve en assemblée. A la longue, on verrait ressurgir des leaders, des idéologues, des chefs charismatiques, on irait vers l’organisation : l’idée même de la mort de la liberté. On pourrait répondre à cela que dans les groupes d’affinité, dans les noyaux de la FAI pourrait aussi renaître un leader charismatique, un « chef ». Dans notre cas, les dégâts seraient toutefois limités, parce qu’il n’y a pas de connaissance directe entre les noyaux. La gangrène ne pourrait pas s’étendre. Notre façon d’être anti-organisatrice nous préserve de ce risque. Voilà pourquoi il faut se fier aux « campagnes révolutionnaires », qui excluent la connaissance entre groupes et individus, tuant de fait tout balbutiement d’organisation. Il ne faut jamais confondre les campagnes et la coordination. C’est l’informalité, c’est l’essence, selon moi, de notre projectualité opérative. Qu’il soit bien clair que lorsque je parle de groupes d’affinité ou de noyau d’action, je peux me référer à un seul individu comme à un groupe plus nombreux. Pas la peine d’en faire une histoire de nombres. Il est clair qu’une action spécifique est planifiée par les différents membres du groupe, et on ne peut pas parler de coordination à ce moment-là, et cette planification ne doit jamais s’étendre aux autres groupes FAI-FRI. En-dehors du groupe en tant que tel, il faut se « limiter » à ne communiquer qu’à travers les campagnes révolutionnaires et les actions qui en découlent. Notre connaissance de la FAI-FRI doit toujours rester la plus partielle possible, limitée à nos propres affinités. De la FAI-FRI, on ne doit connaître que les morsures, les griffures, les blessures infligées au pouvoir. Il serait mortel de créer quelque chose de monolithique ou de structuré, et chacun de nous doit éviter les équivoques ou les phantasmes hégémoniques. L’organisation limiterait énormément nos perspectives, en inversant le processus qualitatif vers le quantitatif. A travers l’action de l’un, la volonté de l’autre se renforce, par l’inspiration qu’elle lui a donné. Les campagnes se diffusent en tâches de léopard. Mille têtes contre le pouvoir rendent furieux, car il est impossible des les trancher toutes. Ce sont justement ces actions, et les mots qui les accompagnent (les revendications), qui nous permettent à coup sûr d’exclure les purs théoriciens amants des beaux discours, et nous donnent la possibilité de nous rapporter uniquement à qui vit dans le monde réel, en se salissant les mains, en risquant sa propre peau. Ces mots-là sont les seuls qui comptent vraiment, les seuls qui nous permettent de grandir, d’évoluer. Les campagnes révolutionnaires sont l’outil le plus efficace pour entailler, pour frapper là où cela fait le plus mal. En nous donnant la possibilité de nous répandre dans le monde comme un virus porteur de révolte et d’anarchie.

CCF : Pour nous connaître, dis-nous quelque chose de ta situation actuelle.

Alfredo : Il y a peu à dire. Nous avons été arrêtés pour la jambisation d’Adinolfi, administrateur délégué d’Ansaldo Nucleare. Par inexpérience, nous avons fait des erreurs qui nous ont coûté cette arrestation : nous n’avons pas couvert la plaque de la moto que nous avons utilisé pour l’action, nous l’avons garée dans un endroit trop proche du lieu et, surtout, nous n’avons pas vu une caméra de surveillance qui était sur un bar, une erreur extrêmement grave, que nous payons aujourd’hui. Nous avons revendiqué notre action en tant que noyau « Olga FAI-FRI ». J’ai été condamné à 10 ans et 8 mois, Nicola à 9 ans et 4 mois. Dans les mois qui viennent, nous aurons un nouveau procès pour association subversive. Voilà plus ou moins notre actuelle situation juridique.

CCF : Les prisonniers anarchistes et la prison. Quelles sont vos conditions dans les sections spéciales, comment se comportent les matons et quels sont vos rapports avec les autres prisonniers ?

Alfredo : En Italie, l’État démocratique veut nous isoler en utilisant les circuit de la Haute Sécurité, qui comportent de nombreuses restrictions, en nous reléguant dans des sections complètement séparées du contexte général de la prison. Aucun contact n’est possible avec les autres prisonniers, nous n’avons pas la possibilité de sortir, seulement deux heures par jour dans une petite cour de ciment. La censure contre moi et Nicola a toujours été renouvelée, nous recevons donc difficilement, et en retard, notre courrier et les journaux. Les choses les plus intéressantes nous sont confisquées à l’entrée et à la sortie. En ce moment, nous sommes enfermés dans une section AS2, c’est-à-dire une section de haute sécurité spécifique aux prisonniers anarchistes. Les « rapports » entre nous et les matons est un rapport d’indifférence réciproque et d’hostilité naturelle. Que pourrais-je dire de plus ? De mon point de vue, les protestations « civiles » à l’intérieur et à l’extérieur des prisons sont inutiles, l’aspect « vivable » de l’intérieur est une simple question de rapport de force. De la prison, il faut en sortir, et c’est à qui s’y trouve de s’en donner les moyens… Continue reading [Grèce/Italie] Interview d’Alfredo Cospito par la CCF

[Suisse/Italie] Petite mise à jour sur le cas de Silvia, Billy et Costa

L’Italie incrimine Silvia, Billy et Costa une seconde fois pour les évènements suisses.

Dans un précédent communiqué de mise à jour de notre situation, nous avions écrit à propos de la clôture de notre cas en Suisse, où la succession de recours sur les machinations des divers appareils de sécurité italiens et de la confédération helvétiques n’avaient mené à rien, a part à confirmer le fait qu’en matière de répression, la collaboration policière est toujours forte, surtout si les sujets concernés sont des opposants à leur démocratie d’oppression.

Dès le moment de notre arrestation en Suisse, sous l’accusation d’avoir voulu attaquer le nouveau centre de recherche (alors en construction) d’IBM et de la Polytechnique de Zürich, fleuron de la recherche en nanotechnologie au niveau mondial, à l’aide d’explosifs, l’Italie avait fait partir une enquête en étroite collaboration avec la police helvétique, dans le but de démontrer l’existence d’une organisation subversive avec finalité terroriste sur le sol italien et possédant des ramifications jusqu’en Suisse.

De fait, scénario déjà connu, cela a mené, pendant nos années d’incarcération, à une intense activité d’espionnage, en premier lieu du réseau de solidarité qui s’était créé entretemps, puis à l’encontre des milieux écologistes radicaux les plus actifs dans les différentes batailles ayant cours à l’extérieur pour suivre notre cas et pour faire ressortir des questionnements comme celui des nanotechnologies que l’on aurait voulu passer sous silence ou réduire derrière un seul son de cloche, de préférence celui de leurs promoteurs.

La magistrature de Turin, apparemment non contente du succès suisse qui nous a condamnés pour le fait spécifique mais n’a pas retenu l’importation de matériel explosif et, vexée de n’avoir trouvé aucune organisation, ni en Italie ni ailleurs, a récemment clos l’enquête articulée autour de l’article 270 bis (association subversive à finalité terroriste), pour demander au lieu de ça de nous renvoyer tous trois en jugement sur la base des accusations suivantes : « art.110, 280 c.p. … parce qu’en concours entre eux, au nom de l’ELF-Earth Liberation Front, mouvement inspiré de l’écologie radicale, avec finalité terroriste, ils accomplissaient des actes dirigés à l’endommagement de propriétés mobiles ou immobiles d’autrui, au moyen de dispositifs explosifs ou pouvant en tout cas causer la mort, art.110, 81, 61 c.p. … parce qu’en concours entre eux, au travers de plusieurs actions exécutées au sein d’un même dessein criminel … ils détenaient illégalement et emportaient dans des lieux publics, de par le transfert entre Valchiusella et Bergamo, et donc en Suisse, le matériel explosif suivant, prêt à l’emploi… art 110, 648 c.p. … parce qu’en concours entre eux … en ayant conscience de leur provenance délictueuse, ils recevaient de sujets restés inconnus le matériel pour la confection d’explosifs … provenant de leur soustraction illicite aux dépends d’une des entreprises, non identifiée, possédant une autorisation pour l’usage d’explosifs ». Toutes les accusations contiennent l’aggravant de la finalité terroriste.

Nous pensions trouver face à nous, comme partie civile offensée, les techno-nazis d’IBM. Et en fait, la Suisse se présente à travers son excellence en recherche : l’Institut Polytechnique de Zürich, depuis toujours engagé dans les recherches nocives, desquelles les nanotechnologies ne sont que la pointe de l’iceberg.

En attendant que soit prochainement fixée l’audience préliminaire qui nous voit passer de la position de suspects à celle de mis en cause, nous réaffirmons la nécessité de nous mobiliser et de construire une opposition à ces frontières de la techno-science qui utilisent le monde comme une excroissance de leur laboratoire.

En vue du procès, nous nous voyons contraints d’assumer de nombreuses dépenses légales, et nous demandons à tous et à toutes un support, avec l’organisation d’évènements de soutien et de donations au compte courant postal au nom de Marta Cattaneo, code Iban IT11A0760111100001022596116, en spécifiant la clause : solidarietà a Silvia Billy Costa

Pour contacts : info@resistenzealnanomondo.org
resistenzealnanomondo.org, silviabillycostaliberi.noblogs.org

Italie – Prisonnier-e-s NO Tav : Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò revendiquent le sabotage du chantier de Chiomonte

Turin – 24 septembre 2014

En attente de plus amples informations, nous apprenons des compagnons présents lors de l’audience du procès contre Chiara Zenobi, Claudio Alberto, Mattia Zanotti et Niccolò Blasi que les quatre, très en forme, la tête haute et souriants, ont revendiqué leur participation au sabotage advenu en mai 2013 sur la chantier du TAV de Chiomonte. En prenant la parole, ils sont partis à l’assaut du château d’accusations et de théorèmes que l’investigation essaye de superposer à une réalité beaucoup plus simple, en rejetant la catégorie de « terrorisme » superposée aux techniques de résistance No TAV, libérant ainsi le champ du langage et de la sémantique de la répression et de la domination.

Sur Macerie, les voix de Mattia, Niccolò, Claudio et Chiara lisant leur déclaration au tribunal.

Vive la résistance No TAV !

Ci-dessous, les déclarations lues au procès :

Je connaissais la Maddalena et la Val Clarea avant que n’y soit implanté le chantier de la grande vitesse. J’ai marché dans ces bois, j’y ai dormi, j’y ai mangé, chanté et dansé. Dans ces lieux, j’ai vécu de précieux fragments de vie aux côtés d’amis qui ne sont plus là aujourd’hui, et que je porte dans le cœur.

Je suis retourné là-bas de nombreuses fois au cours des années.

De jour, de nuit, le matin comme le soir ; en été comme en hiver, en automne et au printemps. J’ai vu cet endroit changer à mesure que le temps passait, les arbres tomber, abattus pas dizaines pour faire de l’espace aux haies d’acier barbelé. J’ai vu le chantier grandir et une partie du bois disparaître, de nombreux phares surgir hors de terre et l’armée arriver pour surveiller un terrain lunaire et désolé, avec les mêmes engins qui patrouillent dans les montagnes afghanes.

Et ainsi, je suis retourné une fois de plus en Val Clarea, pendant cette désormais célèbre nuit de mai.

Beaucoup de choses, trop, ont été écrites et dites sur cette nuit et ce n’est pas à moi, et cela ne m’intéresse d’ailleurs pas, de dire comment ce geste se transcrit dans la grammaire du code pénal.

Ce que je peux dire, c’est que cette nuit-là, j’étais moi aussi présent.

Que je n’aie pas été là dans le but de provoquer la terreur chez d’autres, voire pire, n’importe quelle personne peut le comprendre, pour peu qu’elle soir dotée d’un minimum de bon sens et ayant une idée même lointaine de ce qu’est la nature de la lutte No TAV et du cadre d’éthiques qui se coordonnent à l’intérieur duquel cette même lutte exprime sa résistance depuis plus de vingt ans.

Que j’aie été là pour manifester une fois de plus ma radicale inimitié envers ce chantier et, si possible, en saboter le fonctionnement, je vous le dis moi-même.

Et si nous avons décidé aujourd’hui de prendre la parole avant que ce procès ne s’aventure dans la jungle des expertises et des contre-expertises vocales, c’est tout simplement pour affirmer une vérité simple : ces voix sont les nôtres.

Là-dessus, l’accusation a construit son histoire.

Une histoire selon laquelle des téléphones deviennent les preuves de l’existence d’une chaîne de commandos, voire même d’une planification paramilitaire, mais la vérité – comme cela arrive souvent – est beaucoup plus simple et moins grandiose.

Il existe une devise en Val Susa, qui est entrée depuis des années dans le bagage commun de la lutte NoTAV et en oriente en pratique les actions contre le chantier.

Cette devise est : « Si parte e si torna insieme » [On part ensemble, on revient ensemble]. Ce qui signifie que dans cette lutte, tout bouge ensemble. On part ensemble, et on revient ensemble.

Personne n’est abandonné sur la route. C’est à cela que servaient les téléphones cette nuit-là, c’est à cela que se sont prêtées nos voix.

Parler au lieu de ça de chefs, d’organigrammes, de commandos, de stratèges, signifie vouloir projeter sur cet évènement l’ombre d’un monde qui ne nous appartient pas et pervertir notre propre façon d’être et de concevoir l’agir en commun.

En ce qui me concerne, je laisse aux enthousiastes spéculateurs à grand vitesse le triste privilège de n’avoir aucun scrupule vis-à-vis de la vie des autres, et je leur abandonne aussi le culte de la guerre, du commando et du profit à tout prix.

Nous gardons près de nous les valeurs de la résistance, de la liberté, de l’amitié et du partage, et c’est à partir de ces valeurs que nous chercherons à porter de la force partout là où les conséquences de nos choix nous mèneront.

Mattia.

*

La nuit du 13 au 14 mai, j’ai pris part au sabotage du chantier de la Maddalena à Chiomonte. Voilà le voile levé sur le mystère.

Je ne suis pas surpris du fait que les enquêteurs, dans leur tentative de reconstruire les faits, utilisent des mots tels qu’« assaut, attentat terroriste, groupes paramilitaires, armes létales ». Qui est habitué à vivre et à défendre une société fortement hiérarchisée ne peut comprendre ce qu’il s’est passé ces dernières années en Val di Susa. Pour le décrire, il ne pourra que puiser dans sa culture empreinte de termes belliqueux. Il n’est pas dans mon intention de vous ennuyer avec les raisons pour lesquelles j’ai décidé de m’engager dans la lutte contre le TAV et sur ce que signifie la défense de cette vallée. Je veux simplement souligner que tout ce qui peut avoir un rapport avec la guerre ou les armées me répugne.

Je comprends l’effarement de l’opinion publique et de ses affabulateurs par rapport à la réapparition de cet illustre inconnu, le sabotage, après qu’ils se soient tant démenés pour l’enfouir sous des quintaux de mensonges.

La lutte contre la train à grand vitesse a le mérite d’avoir dépoussiéré cette pratique, d’avoir su choisir quand et comment l’employer, et d’être parvenue à distinguer le juste du légal.

C’est aussi à elle qu’incombe la grande responsabilité de maintenir la foi et les espoirs que de nombreux exploités mettent en elle, et de faire savourer de nouveau le goût savoureux de la libération.

Je me permets de retourner quelques accusations à l’envoyeur. Nous sommes accusés d’avoir agi dans le but de toucher des personnes, ou en tout cas d’être totalement insensibles à leur présence, comme si nous éprouvions un profond mépris envers la vie des autres. S’il y a bien quelqu’un qui démontre un tel mépris, ce sont les les militaires qui exportent la paix et la démocratie aux quatre coins du monde, les mêmes qui président le chantier de la Maddalena avec dévotion et professionnalisme. En ce qui concerne l’accusation de terrorisme, je n’ai pas l’intention de me défendre. La solidarité que nous avons reçue depuis le jour de notre arrestation jusqu’à celui d’aujourd’hui démonte suffisamment bien une incrimination aussi hardie. S’il y avait derrière cette opération la tentative, pas tellement dissimulée, de régler son compte à la lutte NoTAV une bonne fois pour toutes, je dirais que cette tentative a misérablement échoué.

Claudio.

*

Les motifs qui m’ont poussé en Val di Susa à prendre part à cette lutte sont nombreux ; les motifs qui m’ont poussé à rester et à continuer sur cette voie sont bien plus.

Il y a là-dedans un parcours de maturation collective, d’assemblées publiques et privées, de campements et occupations, de confrontations et d’affrontements. Là-dedans, ce qu’il y a, c’est la vie, celle de tous les jours, celle des aubes naissantes et des nuits blanches, de la gorge sèche sur les pentes rocheuses et des repas frugaux, des petits engagements et des grandes émotions.

A travers ce parcours, ceux qui luttent ont appris la précision du langage, à nommer les choses telles qu’elles sont, et non par l’emballage formel sous lesquelles elles se présentent, comme un chantier qui auparavant était un fortin et se transforme maintenant en forteresse. Des mots capables de restituer la portée émotive et l’impact de certains choix de l’adversaire sur nos propres vies, de qui a décider de s’embourber dans cette grande œuvre. Des mots dépoussiérés d’un lexique qui paraissait antique et qui se redécouvrent en fait dans toute leur puissance et leur simplicité par la description de nos propres actions.

Une finesse de langage dont je me rends compte qu’elle n’est pas si répandue que ça dans le monde qui m’entoure, lorsque je lis à propos d’improbables « commandos » qui, selon une certaine reconstruction, reprise entre autres par les journaux, auraient attaqué le chantier la nuit du 13 mai. Un mot ô combien malheureux, non seulement du fait de son appel à l’acte de commander mais aussi pour son allusion au mercenariat, inacceptable, par qui serait capable d’utiliser n’importe quel moyen afin d’atteindre ses fins.

Par qui lutte et a appris à canaliser avec intelligence jusqu’aux passions les plus fortes et impétueuses qui naissaient de tous les coups reçus lorsqu’un ami perdait un œil à cause d’un lacrymogène ou qu’un autre était en fin de vie.

En ce qui me concerne, la Val Clarea m’est amie depuis le moment où, en 2011, nous relancions la terre à mains nues dans les trous creusés par les pelleteuses pendant les agrandissements du chantier.

Je me souviens que d’entre les tentes de ce campement résonnait une chanson, parmi toutes celles qui avaient été inventées pour s’amuser et pour se donner de la force, sur l’air d’un vieux chant partisan. Le premier vers disait « Nous descendrons unis des bois de Giaglione ». Ces dernières années, ces mots ont de nombreuses fois été suivis, repris et relancés, et quelqu’un a décidé de le faire de nouveau cette nuit de mai, avec autant de conviction, et j’en faisais partie. L’une des voix derrière les téléphones est la mienne. Mais se focaliser sur une responsabilité personnelle pour en tisser plus ou moins les éloges n’est pas à même de restituer ce sentiment collectif qui a mûri dans les maisons de tant de familles, en vallée comme en ville, ou dans une discussion et un verre partagé dans un bar, sur les places et dans les rues, dans les moments conviviaux comme dans ceux les plus critiques. Un sentiment qui a su s’exprimer dans l’un des slogans les plus criés après nos arrestations et qui décrit bien ce à quoi appartient réellement ce geste : « dietro a quelle reti c’eravamo tutti » [derrière ces grilles, nous y étions tous]. Un slogan qui nous renvoie directement dans une assemblée populaire tenue à Bussoleno en mai 2013, lors de laquelle le mouvement dans son ensemble saluait et accueillait ce geste, en le nommant de son nom de sabotage.

Et si nous étions tous derrière ces grilles, un bout de chaque personne a su nous soutenir et nous donner de la force derrière ces barreaux. Pour cela, encore ici, quelles que soient les conséquences de nos actions, nous ne serons pas seuls à les affronter.

Niccolò.

*

Vous ne trouverez pas dans cette salle les mots pour raconter cette nuit de mai.

Vous utilisez la langue d’une société habituée aux armées, aux conquêtes, aux vexations.

Les attaques militaires et paramilitaires, la violence aveugle, les armes de guerre appartiennent aux États et à leurs émules.

Nous, nous avons lancé notre cœur au-delà de la résignation.

Nous avons jeté un grain de sable dans l’engrenage d’un progrès dont le seul effet est l’incessante destruction de la planète sur laquelle nous vivons.

J’étais présente cette nuit-là, et la voix féminine qui a été interceptée est la mienne.

J’ai traversé une partie de ma vie aux côtés de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui, depuis plus de vingt ans, opposent un non sans appel à une idée qui dévaste le monde. J’en suis fière, et heureuse.

Chiara.

Traduit de l’italien depuis Informa-azione

Italie : Lettres d’anarchistes Chiara Zenobi et Michele Garau depuis la prison

JE L’AI VU

Prison des Vallette (juillet 2014)

Il serait extrêmement long et difficile de s’exprimer sur chacune des innombrables choses dites et faites en solidarité à notre égard. Il est plus facile de regrouper les suggestions, les pensées légères et celles plus lourdes, un peu de douce nostalgie, une once de perplexité et reverser le tout sur ces feuilles.

Une continue et impressionnante succession de messages publics et privés, d’initiatives, de prises de positions et d’actions, individuelles et collectives, ont marqué ces mois. Ce flux d’affect nous a toujours réchauffé le cœur et rempli l’estomac de papillons, des sensations pour lesquelles manquent les mots lorsque l’on cherche à les décrire. Aucun d’entre nous ne s’est jamais senti « à plat » ou brisé par la détention. La prison est le même court-circuit de la logique et de l’humanité pour quiconque y a affaire, et presque tous l’affrontent, à la différence de ce qu’il se passe pour nous, privés de tout soutien affectif, économique et légal, et sans que personne ne se relève publiquement les manches.

Nous ne nous sommes pas sentis être des victimes, à aucun moment, même si les mains de quelques-uns (incroyablement peu, en vérité) nous ont naïvement décrits comme tels, s’adressant à la presse ou même jusqu’à la politique, auxquels il n’a jamais été dans nos intentions de dire ou de demander quoi que ce soit. (Par cohérence et par honnêteté, je ne peux pas faire moins que de préciser que j’éprouve une méfiance totale envers les journalistes et les politiciens de toutes les formes et de toutes les couleurs. Pour ceux-ci, l’unique intérêt est de vendre leur petit produit commercial et l’asservissement à la recherche du consensus, se débrouillant pour la plupart pour se poser comme porte-paroles de la mauvaise conscience d’autrui. Et tous ceux-ci, au besoin, peuvent revêtir le masque du subversif, du sincère démocrate ou du bourreau selon le temps et le lieu où ils s’expriment. Les journalistes qui ne se reconnaissent pas dans ces lignes sont probablement au chômage, ou le seront bientôt, ou bien sont relégués dans les marges de la diffusion publique des nouvelles. Dans tous les cas, ils ne pourront qu’admettre qu’ils partagent leur toit, et souvent leur pain, avec les je-m’en-foutistes, les vautours et les chacals).

Choisir de s’opposer à la folie du statut quo peut être grave de conséquences. Dont est loin d’être la moindre celle d’être identifiés en tant qu’ennemis de l’humanité : malfaiteurs, provocateurs, violents. Terroristes. Ne pas se sentir victime ne signifie clairement pas d’accepter ces définitions, mais reconnaître qu’une hypocrisie aussi assumée et complice gouverne ce monde. La même qui réussit à nommer « développement » la destruction progressive et continue des sources de vie de toute espèce vivante, qui est prête à envoyer à la potence ceux qui réduisentt en miettes les vitrine de quelque géant de l’exploitation (humaine et environnementale), mais qui « ignore » la dévastation que l’ENI [Entreprise Nationale d’Hydrocarbures en Italie, NdT], au nom du peuple italien, apporte partout où elle pose ses sales pattes. Que l’on s’indigne et qu’on relève la poitrine si un dépositaire de l’ordre (et des privilèges) s’égratigne un genou, mais que l’on plonge la tête dans le sable lorsque quelqu’un est défiguré pour toujours ou termine sa vie dans une caserne ou dans une prison.
Eccetera, eccetera.

La réalité sans voile est triste et terrible. Mais à force de bien la regarder, il arrive aussi de s’énamourer d’un rêve de liberté, d’autodétermination, de justice sans le mensonge de la Loi, et de le chercher partout où il se manifeste à l’improviste.

Moi, je l’ai vu. Dans un centre de rétention en flammes. Dans la fuite précipitée d’un huissier qui, Code Civil à la main, voulait jeter quelqu’un à la rue. Dans l’affront à l’un des symboles de l’inégalité sociale. Dans une phrase peinte sur les murs des « précieuses » rues du centre.

Et je l’ai vu sur un échangeur d’autoroute, au coucher de soleil, après trois jours passés à partager la rage et la peur pour la vie d’un frère suspendu à un fil à cause de la diligence des serviteurs du TAV. Des milliers de personnes qui savent seulement ne pas vouloir partir de là. Quelqu’un prépare une soupe, d’autres enflamment une barricade. Et pas seulement pour la police, il est assez difficile de voir et de comprendre qui fait quoi. Ils finissent par arriver. Une mer de casques bleus. Un long jeu de poussées commence. Nous, en montée, les visages découverts, désarmés. Je cherche, parmi les autres, les visages de mes compagnons. Aucun d’entre nous n’aurait jamais choisi d’être aussi vulnérables : à un examen de guérilla urbaine, nous aurions reçu un beau zéro. Mais nous nous regardons en souriant. Autour de nous, des centaines de personnes chantent que « La Val Susa n’a pas peur ». Ce n’est pas de l’inconscience, tout le monde sait bien comment tout cela finira. Mais le temps se fait dense, les corps se dilatent, se fondent, et personne ne voudrait être ailleurs.

Allez donc le leur expliquer, après tout ça, à quelques pauvres types de basse stature morale que ce n’est pas à l’intérieur d’une loi qu’ils trouveront les mots pour raconter cette beauté. Et la détermination, et la ténacité.

Mais il semble bien qu’ils ne nous font pas peur avec leur mots. Le concept de terrorisme ne sert qu’à se foutre des idiots et des hommes de mauvaise volonté. Voilà ce qui est véritablement arrivé au travers de nos arrestations. Ce ne sont pas les habituels subversifs têtus qui renvoient les accusations à l’envoyeur. Il y a cette fois énormément de gens qui flairent l’arnaque et qui comprennent où tout cela mène : l’as dans la manche du terrorisme (dont l’usage n’est pas nouveau pour réprimer qui lutte contre l’oppression, l’exploitation et la dévastation) à appliquer aux luttes sociales, et voilà. Mais la Magistrature, ou quelqu’un pour elle, a mal fait ses comptes. Elle pense préparer un terrain sur lequel il lui sera facile de marcher. Elle pense jouer dans l’anticipation et arrive en fait trop tard. Il n’y a désormais plus aucune chance que des individus portant un NON de plus de vingt ans, entêté et encastré dans les têtes, se fassent avoir par quelque malin bavard. Et si l’accusation de terrorisme est déjà naufragée sur le plan symbolique, elle pourrait même ne pas passer d’un point de vue légal. Et c’est une bonne chose que l’État ne se pourvoie pas aussi facilement que ça en outils pour terroriser de nombreuses luttes et ceux qui y participent. Il n’est cependant pas possible de raisonner trop longtemps sur ce qu’il se passe à l’intérieur des salles des tribunaux. Nous ne nous attendons certainement pas à une tape dans le dos.

Mais la revendication collective qui s’est déployée incroyablement autour de cet acte de sabotage remplit de force. Parce que nous sommes allés bien au-delà du simple fait de dire que ce sont eux les terroristes. Nous en sommes arrivés à dire que sous ces capuche, à l’ombre de cette lune de mai, il y avait les visages de tous les hommes et de toutes les femmes qui ne veulent pas de ce maudit train. Les catégories d’innocence et de culpabilité disparaissent et ne deviennent plus que miettes pour les grattes-papier et les comptables. « Quella notte c’eravamo tutti » (Cette nuit-là, nous y étions tous). Rien ne pourrait nous faire nous sentir plus libres que cette phrase.

Chiara

*

MICHELE EN ISOLEMENT

Prison d’Asti, 11 juillet 2014

Salut à tous,

Je me trouve en isolement disciplinaire pour une semaine. Ils voulaient me mettre en isolement dans une cellule « lisse » (sans rien), mais je me suis attaché à la porte avec une ceinture et ils n’ont pas voulu m’emporter de force. Je reste donc dans la section, avec la porte blindée fermée. Je voulais savoir pourquoi on me refuse la rencontre avec Andrea, mais surtout revendiquer que celui-ci soit transféré dans la section au lieu de demeurer dans la zone de « transit » (PTB). Les « Transits » sont faits pour y rester deux ou trois jours maximum et donc, excepté les moments où il y a de nouvelles arrestations, ils sont complètement vides et comportent assez logiquement, lorsque l’on y reste pendant longtemps, une solitude presque pérenne.

Ils m’appellent au bureau de surveillance, après trois jours d’insistance, et me disent ne me devoir aucune explication et me menacent de sanctions disciplinaires. Alors je leur hurle au visage et ne rentre pas en cellule. Un peu de temps passe et je suis envoyé chez le sous-intendant en chef, lequel utilise des tons inacceptables. Je l’insulte lourdement, très lourdement. Il dit « isolement », je m’assois dans le couloir des bureaux, sur le sol, et dis que je ne bougerai pas si je ne peux pas prendre mes affaires en personne. Une fois remonté en cellule, je prépare mes affaires puis leur dis d’appeler des renforts, parce que je n’irai pas de mon plein gré, avant de m’attacher de nouveau au même endroit. Des heures et des heures d’attente. On aurait dit qu’ils avaient à me trimballer dans une autre prison. Je finis par savoir par des voies détournées qu’Andrea viendra en section. Je me délie donc et attends. Le soir, ils me communiquent que je resterai en isolement pour une semaine. Nous verrons le conseil disciplinaire, et pour le moment il y a un rapport dans lequel on trouve l’accusation de résistance. L’air, je le crée moi-même dans un très petit couloir aux murs très hauts.

Michele

*

Pour écrire aux gens qui sont encore en prison :

Andrea VentrellaMichele Garau
C.C. Strada Quarto Inferiore, 266 – 14030, località Quarto d’Asti (Asti), Italie

Paolo MilanToshiyuki Hosokawa
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Fabio Milan
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Niccolò Blasi
C.C. San Michele strada Casale, 50/A – 15121 Alessandria, Italie

Chiara ZenobiAlberto Claudio
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Italie : Lettres de Marianna Valenti, Francesco Di Berardo et Nicolò Angelino

Lettre de Marianna
Depuis la prison de Vercelli – 12/06/2014

Et si la peur changeait de camp ?

Qui est-ce qui étouffe chaque jour la liberté de circuler dans les rues du quartier ?

J’habite à Porta Palazzo et je croise inévitablement les rondes interarmées qui font la chasse aux sans-papiers à encager dans un centre de rétention, je tourne, j’arrive sur la place et je vois un groupe de flics municipaux qui font démonter les petits stands des vendeurs de menthe à la sauvette, ils font fuir les dames avec leurs chariots remplis de pain, de msemen et de botbot. Je monte sur le bus 4 pour arriver rapidement jusqu’à Barriera, et les voilà, les contrôleurs agressifs qui traquent et qui poussent dehors ceux qui n’ont pas l’argent pour le ticket. Il faut donc prendre le 51, qui est lent, moins fréquent et blindé de monde.

Qui menace et effraie les gens jour après jour?

Les patrons font chanter : soit tu acceptes d’être exploité.e, soit du boulot, t’en auras pas. Qui n’ a pas envie d’être exploité.e, tente le vol, un braquage, l’arnaque, ce qui fait planer sur chacun de ses gestes l’ombre d’une cellule de prison.

Toujours plus fréquemment les sous pour payer le loyer manquent, et toujours les proprios et petits patrons apparaissent pour menacer les locataires retardataires de les envoyer valser, ensuite la police pour défoncer la porte et jeter les valises sur le trottoir, pour qu’enfin arrivent les assistants sociaux et leurs menaces d’enlever les enfants aux parents considérés tellement malavisés d’avoir décidé non pas de payer un proprio, mais de manger. Et si la peur changeait de camp ?

C’est ainsi que des possibilités se créent, à partir des besoins partagés, des soucis communs dialoguant entre eux. Qui a déjà vécu des luttes et qui est agité.e. a une suggestion à la bouche. S’organiser.

D’un coté, la densité des expulsions locatives entre Porta Palazzo et Barriera augmente et il est toujours plus difficile pour ceux et celles qui peuplent ces quartiers de récupérer de l’argent ; d’autre part, les processus de requalification nettoient et chassent : les immeubles sont rénovés et les loyers augmentent dans ces mêmes coins de la ville.

Pour défendre les maisons des expulsions locatives, des piquets devant les portes sont organisés en attendant l’huissier pour lui arracher un délai, avec l’implication de la famille, des voisin.e.s et des ami.e.s.

C’est le lieu où on se rencontre et où on se connaît, où se tissent et se resserrent les ententes et les complicités entre et autour de celles et ceux qui sont expulsables, là où débute un réseau d’aide mutuelle capable de se tenir debout tout seul.

Une assemblée se forme pour s’organiser au niveau logistique, pour affronter les problèmes et les peurs, pour discuter des propositions, en se partageant les tâches et les responsabilités, les voix qui y prennent la parole sont toujours plus nombreuses. « Qui savait déjà lutter » laisse la place aux personnes directement concernées, il n’y a pas de spécialiste en « résolution d’expulsions locatives », ni l’envie d’avoir le rôle d’un organisme d’assistanat. On veut lutter ensemble, en tendant vers la réciprocité dans les rapports.

J’ai connu les rues du quartier à travers la lutte. J’ai découvert comment m’orienter, quel raccourci prendre, en vivant ces rues, en courant vers une maison menacée d’expulsion, en y retournant en marchant, en faisant des manifs joyeuses après avoir arraché un long délai, énervées quand quelqu’un était jeté.e à la rue.

En plus de connaître vers où mes pieds m’amenaient sur le bitume, j’ai appris à reconnaître les visages amicaux et les lieux solidaires. Dans la chaleur de relations réelles, la lutte a grandi, en envenimant en même temps les inimitiés envers ceux qui veulent contrôler ce bout de la ville et ceux qui sont à leur service. On prend un café dans le bar à côté de la barricade, on écoute les histoires denses de vie ouvrière de Barriera racontées par la dame derrière le comptoir, émigrée du Friuli Venise Giulia dans les années ’50 ; peu après, en passant devant le serrurier qui n’arrête pas de collaborer avec la police et les proprios, on lui lance une insulte et on lui fait la gueule.

On a préféré ne rien demander à la mairie, on savait qu’elle avait peu à offrir et qu’elle aurait utilisé ce peu pour nous diviser. Certain.e.s ont essayé tout de même, ils n’ont rien obtenu, à part le conseil de créer une asso d’expulsé.e.s.

Pour satisfaire directement le besoin d’un toit qui n’était plus là, on a occupé des maisons vides qui sont aussi devenues des lieux d’habitation et de rencontre, carrefour d’histoires, vedettes sur le quartier. Et bien oui, en s’organisant pour faire face à n’importe quelle éventualité, en élargissant et en approfondissant les rencontres, on déployait une force.

On n’était plus tout le temps en échec, on réussissait à respirer plus aisément en vivant comme il nous fallait, en commençant à parler de désirs. Dans un monde à l’envers où les proprios ne reçoivent pas de loyer, où la police ne fait pas peur, où l’Etat est de trop.

Le 3 juin, la police fait irruption dans de nombreuses maisons, perquisitionne et procède à des arrestations. 111 personnes sous enquête, tou.te.s luttent contre les expulsions locatives à Turin. 12 sont en prison, 5 assigné.e.s à domicile, 4 avec obligation de résidence, 4 avec l’interdiction du territoire dans la commune de Turin et 4 avec l’obligation de signer tous les jours. Continue reading Italie : Lettres de Marianna Valenti, Francesco Di Berardo et Nicolò Angelino

Turin : nouvelles vagues de répression

Mesures préventives et intervention des flics à l’Asilo Occupato et rue Lanino.
Traduit de informa-azione (3/6/2014)

Dans les premières heures de ce matin, 3 juin 2014, s’est lancée une opération policière orchestrée par les procureurs Pedrotta et Rinaudo, contre différents milieux anarchistes. Pour l’instant, les nouvelles sont floues, mais il y aurait 25 perquisitions à Turin et région Piemontaise comprise parmi lesquelles l’Asilo Occupato et le squat d’habitation de la rue Lanino, auxquelles s’ajoutent la notification et l’exécution de diverses mesures préventives : 11 [10] personnes en prison, 6 assignés à résidence sans permission de sortie, 4 en obligation de rester sur le territoire, et 4 en interdiction de territoire.

Il y aurait en tout 111 personnes impliquées avec des chefs d’inculpation allant de « dévastation et saccage » à « offense envers la nation » , en passant par « incitation à l’insurrection armée contre l’Etat », « séquestration de personnes », « dégradation », et résistance à agents détenteurs de l’autorité publique, occupation illégale de bâtiments ; le choix stratégique des inquisiteurs ne prévoit pas d’instruments comme les délits d’association, mais de « participation » dans le fait d’avoir commis ces dits délits.

Fondamentalement, il s’agit d’une enquête menée avec la prétention de plaire aux grands pouvoirs de la ville. Banquiers, bétonneurs, et le Parti Démocrate, qui notoirement à Turin, s’amassent et se mélangent sans stratégie commune.

Les accusations portées contre les compagnon/e/s regarderaient principalement les pratiques de résistance aux expulsions locatives (des blocages aux occupations des bureaux des huissiers), les manifestations spontanées et les attaques des locaux du Parti Démocrate de ces derniers mois. Cela, dans l’intention de calmer à coup de mesures préventives ceux qui, dans différents quartiers de la ville, sont en train de promouvoir l’auto-organisation des exploité/e/s et des expulsé/e/s, la réappropriation d’espace d’habitation, la lutte contre la gentifrication, contre la spéculation immobilière et contre les acteurs politiques et financiers qui saccagent partout nos existences.

Mise à jour : après des heures de résistance sur le toit, les flics lachent finalement l’Asilo Occupato et même l’occupation de rue Lanino reste aux mains des occupant/e/s et des familles qui l’habitent.

Vous êtes invité/e/s à passer au 12 rue Alessandria pour contribuer à nettoyer la dévastation laissées par les sbires en uniformes.

Assemblée ouverte à 17h30à l’Asilo Occupato, suivie d’un repas bénéfit en soutien aux personnes arrêtées et impliquées.

* * *

Pour écrire aux personnes incarcérées, voir ici [mise à jour : 23 juin].

Marianna Valenti
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Daniele Altoè
C.C. Piazza Don Soria, 37 – 15121 Alessandria, Italie

Paolo Milan
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Toshiyuki Hosokawa
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Giuseppe De Salvatore
C.C. via dei Tigli, 14 – 13900, Biella, Italie

Francesco Di Berardo
C.C. via Roncata, 75 – 12100, Cuneo, Italie

Michele Garau
C.C. Strada Quarto Inferiore, 266 – 14030, località Quarto d’Asti, Asti, Italie

Fabio Milan
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Nicolò Angelino
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Andrea Ventrella
C.C. Via Port’aurea, 57 – 48121 Ravenna, Italie

(prisonnier/e/s No Tav)

Niccolò BlasiMattia Zanotti
C.C. San Michele strada Casale, 50/A – 15121 Alessandria, Italie

Chiara ZenobiClaudio Alberto
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Notes à chaud sur les arrestations.
Traduit de macerie (4/6/2014)

Après l’effervescence de la journée d’hier, passée à chercher à comprendre ou ont été envoyés les divers incarcérés, essayons d’esquisser quelques réflexions à propos de cette dernière enquête, qui, un peu pour son grand nombre d’inculpé-e-s (111) et de personnes soumises à des mesures judiciaires, un peu pour la particularité des chefs d’inculpation mérite une analyse plus approfondie.

Comment faire entrer dans une même enquête autant d’inculpé-e-s ?

La réponse est relativement simple : de ne plus seulement mettre les noms déjà connus à la préfecture de police de Turin.

Dans les 200 pages de ce qui compose le dossier d’accusation, nous retrouvons une part de la ville, celle des quartiers Porta Palazzo, Barriera di Milano et Aurora.

Nous retrouvons les noms et les visages de celles et ceux qui, ne pouvant plus se permettre de payer un loyer, ont décidé ces dernières années de s’organiser pour s’aider réciproquement. Des nombreu-x-ses, italien-ne-s et étrangèr-e-s, qui se sont barricadé-e-s derrière les bennes à ordures pour résister, qui ont attendu avec anxiété et détermination l’arrivée de l’huissier, et qui, une fois la maison perdue, ont décidé d’occuper.

Ce qui frappe immédiatement, c’est qu’il ne s’agit pas d’un délit associatif, mais plutôt à la fusion de délits singuliers en un seul fil qui suit toute l’enquête.
Le délit le plus cité est violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, mais l’on trouve aussi des inculpations plus spécifiques comme la séquestration, délit déja utilisé contre Giobbe, Andrea et Claudio. Selon la procureure cette fois les séquestrés seraient les huissiers, qui, encerclés de participant-e-s aux piquets, se voyaient contraints à concéder un report du sfratto.

Les mesures judiciaires ne sont pas tant justifiées par la gravité des épisodes singuliers que par leur réitération, retenue cohérente avec un cadre théorique que les procureurs identifient dans les tracts distribués aux piquets et des textes publiés dans la revue invece et sur ce blog (voir ici, ndt).

Mais venons en au fond : “l’effet de la multiplication d’ actions d’opposition concertés a été, substantiellement, de priver d’autorité et de force exécutives les décisions judiciaires […], avec l’intention d’empêcher, dans un contexte d’intimidation programmée, aujourd’hui et dans le futur, l’exécution des décisions de justice.”

Ce qui est touché, donc, est la volonté de satisfaire immédiatement un besoin comme celui d’avoir un toit au-dessus de la tête sans le mendier, sans attendre de meilleures politiques de logement par la mairie.

A Porta Palazzo et Barriera, pendant plus d’un an, les sfratti qui rencontraient une resistance n’etaient pas executés. On a parlé d’un moratoire de fait.

C’est justement cela qui est resté au travers de la gorge des propriétaires et des politiciens de tous bords habitués à recevoir demandes et révérences. Au contraire, ces seigneurs se sont vus arracher des mains renvois sur revois, obtenus sans aucun type de médiation.

Qu’est-ce qui distingue un moratoire comme celui là d’une concession de l’administration publique ? La seconde sert à adoucir le bâton et à tempérer les cœurs, confirmant les hiérarchie existantes. La première en revanche cherche à s’étendre et à se généraliser afin d’éliminer ces hiérarchies, en se rencontrant de manière différente, en étant dans la rue, en s’organisant.

Ce n’est pas pour rien que Davide Gariglio, peu d’heures après les arrestations, s’est dit satisfait de l’opération de la police, pour répondre à la situation d’illégalité diffuse qui s’était créée dans ces rues. Et ce n’est pas un hasard si c’est un des porte-voix du Parti démocratique (PS italien, ndt) qui parle. Le parti au pouvoir en ville, le parti du “plan maison”, le parti des banques et des sfratti, le parti avec le plus de dégradations de permanences ces derniers mois.

[Italie] Une nouvelle publication anarchiste : Blasphemia

[…]
Ce journal naît de l’intolérance aux sectarismes qui semblent être en expansion même là où on les attendait le moins, il a la prétention de stimuler des réflexions, qui amènent à se rencontrer mais pas sur une affinité réduite à la familiarité qui nous relierait seulement par une présence escomptée.
[…]
Ceux qui écrivent se sont rencontrés et ont eu l’impulsion de mettre tout en discussion, de ne rien donner pour acquis, de recommencer à réfléchir et à suivre leur profond désir de détruire le monde. Pour faire ça, il faut du courage, des projets, des théories et des actions, des connaissances et des irrévérences, des perspectives et de la recherche d’affinité là où c’est possible. Il est nécessaire de recommencer à oser dans la pensée et l’action. Sans attente, sans délai, sans églises.

Ceux¬ci sont quelques¬uns des sujets que nous chercherons à affronter et à approfondir dans les pages qui suivront, convaincus de la nécessité pour les compagnons, au delà des frontières territoriales, de se rencontrer, se confronter, de discuter, de faire des projets, d’agir.

Dans ce sillon de pensée s’insèrent les motifs pour lesquels nous avons décidé de ne pas faire circuler sur internet le journal que vous avez entre les mains. La manière par laquelle se répand une idée fait partie intégrante du parcours de lutte, surtout si cette idée ne fait qu’un avec la pratique, raison pour laquelle elle ne peut pas être confiée à un instrument de communication qui est non seulement invention et propriété de l’ennemi, mais qui peut aussi être responsable de la création de réalités fictives.

C.P. 116
Piazza Matteotti
80133 Napoli, Italie
blasphemia@autistici.org

[Espagne] Un point sur la situation de Gabriel Pombo Da Silva

Le 13 juin 2012, après différentes opérations contre d’autres compagnons, l’Etat italien lançait une vague de répression contre des dizaines d’anarchistes, dénommée Ardire, portant à 40 perquisitions, 24 mises en examen et 8 incarcérations. Cette fois-ci, il entendait même lui donner une dimension supplémentaire, en inculpant aussi des compagnons déjà incarcérés dans plusieurs pays européens, comme la Grèce, la Suisse et l’Allemagne. Comme d’habitude, l’Etat prétend voir sa gueule autoritaire dans le sourire de ses ennemis irréductibles, en construisant par exemple des rôles de chefs, d’exécutants et de coordinateurs au sein d’une énième “association terroriste”, là où il y a des affinités, des correspondances avec les prisonniers, des luttes et des volontés d’en découdre. C’est ainsi que Gabriel Pombo da Silva et Marco Camenisch, incarcérés depuis de longues années, se retrouvent dans cette enquête suite à une grève de la faim internationale menée en décembre 2009, traités de “symboles et points de référence d’un nouveau projet subversif”, dont ils seraient “les idéologues et les propulseurs”.

Après 20 années passées dans les geôles espagnoles (dont 14 en régime FIES) qu’il parviendra à fuir, Gabriel est arrêté en 2004 suite à un contrôle et à une fusillade avec des flics en Allemagne. Il refera 9 années supplémentaires dans ce pays. Extradé vers l’Espagne le 25 février 2013 en vertu du Mandat d’arrêt européen lancé par ce pays dix ans plus tôt pour qu’il finisse de purger la peine qui l’y attendait, Gabriel est convoqué deux mois plus tard devant l’Audiencia Nacional de Madrid, cette fois pour se voir notifier un mandat d’arrêt européen lancé contre lui par l’Italie en mars dans le cadre de l’opération “Ardire” ! Gabriel a bien sûr refusé d’être envoyé “volontairement” là-bas. En janvier 2014, la justice anti-terroriste espagnole a donc dû requérir auprès de ses homologues allemands l’autorisation de le livrer à l’Italie, parce que comme ils disent dans leurs codes féroces, Gabriel n’avait pas renoncé au “principe de spécialité”.

Le 17 janvier, dans le volet de l’opération “Ardire” géré à Pérouse, l’inquisitrice Comodi a finalement demandé le “non lieu” pour l’accusation d’ “association terroriste”, tandis que dans le volet principal transféré à Milan, le tribunal a levé le 8 avril toutes les mesures restrictives (obligation de pointer, assignation à résidence, interdiction de sortir du territoire) contre les compagnons. Après un cirque qui a coûté un an de vie pour certaines, et même plus pour d’autres, ce même tribunal a donc également levé le 18 avril le Mandat d’arrêt européen italien contre Gabriel.

Toutes ces péripéties du terrorisme d’Etat européen et de ses larbins en toges ne doivent pas nous faire oublier que Gabriel reste incarcéré en régime FIES depuis son transfert dans la prison d’A-Lama (Galice) en août 2013. Sa correspondance est toujours soumise au seul bon vouloir des matons (aussi bien au départ qu’à l’arrivée), les activités sont de même restreintes à leur arbitraire le plus total, le tout dans une taule réputée pour son nombre élevé de “morts subites”… tal apareció muerto dans leur jargon obscène. Pour finir, face à sa demande de connaître la date de fin de peine, la justice et l’administration pénitentiaire continuent de jouer leur petits jeux mesquins de la torture à petit feu, changeant régulièrement leurs calculs de bourreaux. Pour l’instant, elle est fixée à…2023.

En réalité, ces différentes mesures sont un avertissement lancé contre tous les révoltés. Il s’agit à la fois d’un acharnement particulier contre un de nos compagnons* (“toujours trop dangereux”, comme ils disent, d’un anarchiste que 29 années passées derrière les barreaux n’ont pas fait plier), mais aussi d’un châtiment trop banal contre ceux qui ne se soumettent pas. Parce que les têtes doivent rester baissées, les bouches bâillonnées et les yeux fermés, dedans comme dehors. Sauf si…

A bas tous les Etats, l’enfermement, les flics et les tribunaux,

Liberté pour toutes et tous !

Des anarchistes solidaires,
18 mai 2014

Pour lui écrire, même s’il ne peut pas répondre et en recommandé de préférence pour éviter que les lettres passent par pertes et profits (textes, brochures et livres ne rentrent pas par courrier) :

Gabriel Pombo Da Silva
CP A-Lama (Pontevedra), Monte Racelo s/n 36830 A-Lama (Pontevedra), España/Espagne

*Arrêtés en novembre dernier deux autres compagnons, Mónica et Francisco, sont aussi incarcérés en régime FIES. Déjà transféré trois fois en 6 mois, Francisco se trouve toujours à l’isolement.

Rome : un compagnon anarchiste approché par les services secrets puis menacé avec un pistolet

ROME, services indiscrets.

Hier, 20 mai 2014, un peu avant 13 heures, alors que je sortais à peine du travail et après avoir mis en marche ma vespa pour retourner chez moi, j’ai été approché par une femme. J’ai cru qu’elle voulait me demander une information sur les rues, mais non, elle m’a au lieu de ça appelé par mon nom et prénom et s’est présentée – avec un peu d’embarras – comme étant fonctionnaire des services secrets. Elle m’a demandé courtoisement de l’écouter seulement deux minutes à propos d’une proposition de boulot … je refuse et je renvoie, sans lui laisser la possibilité d’ajouter quoi que ce soit d’autre, la proposition à l’envoyeur de façon moins polie qu’elle ne l’avait fait ; à peine parti, elle a répété en hurlant de lui faire le plaisir de l’écouter, tout en prononçant le nom d’un compagnon que je fréquente en disant que celui-ci leur fournissait déjà quelques faveurs … à ce propos, je profite de ces quelques lignes pour réaffirmer toute mon estime, mon affection, ma confiance et ma solidarité envers la personne concernée par ces mensonges.

Rien de nouveau, bien sûr, si ce n’est qu’à quelques pâtés de maisons de chez moi, alors que je m’étais arrêté au feu rouge, un scooter avec deux jeunes dessus, casques et lunettes de soleil, s’est placé à côté de moi et m’ont pointé un pistolet sous l’aisselle avant de presser la gâchette plusieurs fois. Le flingue n’était évidemment pas chargé, sinon je ne serais plus là, et quelques secondes plus tard ils repartent en faisant demi-tour, non sans m’assurer que la prochaine fois, l’arme serait chargée. Je tiens à dire que je n’ai pas l’intention de disparaître de la circulation, que je n’ai pas de voyages prévus et que l’idée du suicide ne m’effleure même pas. J’écris pour me protéger et pour informer les compagnons, affirmant mon anarchisme déterminé et intransigeant. Cela dit, honnêtement, il n’est pas absolument certain qu’il y ait un lien entre ces deux épisodes, le type au flingue n’a rien lâché de plus que ce que j’ai déjà écrit ; je n’ai par contre de problèmes avec personne, d’aucune sorte, bien sûr quelques antipathies évidentes, mais impossible de penser que celles-ci puissent se transformer en menace armée. Donc soit les deux choses sont liées, soit les deux types m’ont confondu avec quelqu’un d’autre.

Voilà, en synthèse, ce qu’il s’est passé. Il faudrait réfléchir et discuter plus en profondeur de ces dynamiques – et d’autres – des appareils répressifs, mais en attendant la logique voudrait qu’où et quand se produisent des épisodes similaires, on tâche de faire circuler le plus possible de telles infamies parmi les compagnons.

Que la santé soit avec vous …

Traduit de l’italien depuis Informa-azione