Le 31 janvier, à Florence, une opération répressive contre des anarchistes, menée par la DIGOS, a amené à l’application de « mesures préventives » (misure cautelari) pour dix personnes.
Trois d’entre elles – Filomena, Carlotta e Michele – sont maintenant assignés à résidence (obligés à rester chez elles) avec toutes les mesures restrictives, alors que pour les sept autres a été ordonné un mélange de mesures restrictives (interdiction de sortir de la ville, obligation de rentrer chez eux le soir, obligation de pointer) combinées entre elles de diverses manières selon le cas. Les délits reprochés à divers titres à 35 compagnons et compagnonnes sont résistance et blessure sur un agent de la force publique, transport de matériel explosif, dégradations et tags, vol et résistance, et d’autres encore. Douze personnes sur 35 sont inculpées pour associations de malfaiteurs, avec une claire séparation entre chefs et subordonnés.
La police a aussi saisi l’occasion pour « évacuer » Villa Panico (guillemets nécessaires, vu qu’à l’intérieur ils n’ont trouvés ni personnes ni choses).
L’enquête part de 5 épisodes, tous à Florence au cours de l’année 2016 : attaque de la librairie « Il Bargello » (librairie des fachos de Casa Pound) par quelques dizaines encapuchonnés (14 janvier) ; engin explosif rudimentaire nocturne contre la même librairie (3 février) ; banquet antimilitariste en Place Sant’Ambrogio, au cours duquel plusieurs compagnons ont été enlevés de force et conduits au commissariat ; bagarre entre des compagnons et des dizaines de flics suite à un contrôle raté par une patrouille, trois compagnons (Michele, Fra, Alessio) ont été arrêtés (21 avril) ; manifestation solidaire à Oltrarno pour les arrestations des jours précédents (25 avril).
L’enquête NE porte PAS sur l’attaque du Nouvel An contre la nouvelle librairie « il Bargello » au cours de laquelle s’est blessé un artificier de la police imprudent, cependant le fait est cité dans l’enquête pour appuyer les mesures.
NE NOUS DEMANDEZ PAS DES FORMULES
À propos des arrestations du 31 janvier
« Ne nous demande pas des formules qui puissent t’ouvrir des mondes, mais quelque syllabe difforme, sèche comme une branche. Aujourd’hui nous ne pouvons que te dire ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas. »
Nous vivons des temps sombres, et pas seulement à Florence.
D’un côté une humanité aux trois-quarts noyés qui meurt de faim, bombardements, embargos contrôles militaires et policiers, détention et internement, travail salarié et migration forcée, racisme et frontière.
De l’autre une humanité aux trois-quarts chloroformés, qui parfois cherche à se battre contre une vie toujours plus misérable, le plus souvent mord aux sirènes du pouvoir. Haine entre pauvres, révérence pour les patrons, défiance envers ceux qui se rebellent. À Florence comme ailleurs, alors que la ville se transforme en une machine à faire des sous avec l’industrie du tourisme, ceux qui gâche la carte postale doivent être des bandits. Chasse au pauvre, à l’étranger, au subversif. Chasseurs dans les rues, avec leur respectives uniformes : bleues, noires, grises, treillis, mitraillette en bandoulière. Le centre historique désormais interdit aux manifestations, systématiquement encerclé ou directement chargé. Les fascistes s’organisent, ouvrent des locaux, des pubs, des librairies : de jour ils incitent à la guerre entre pauvres, italiens contre étrangers ; de nuit, dans la mesure où ils n’en sont pas empêchés, ils la pratiquent à coups de couteaux et de barres.
Ceux qui n’acceptent pas tout cela doivent être limités et enfermés.
Le 31 janvier, dans la foulée du désormais connu « boom » du Nouvel An de la via Leonardo Da Vinci – « boom » qui ne fait cependant pas partie de cette enquête – la police florentine a donné le feu vert à l’énième opération répressive, entrant dans différentes maisons, raflant des dizaines de compagnons dans les rues et notifiant 10 mesures a autant d’anarchistes. L’accusation principale qui leur a été montré, est « d’avoir constitué une association de malfaiteur pour défendre leur idéologie ». Deux compagnonnes, Carlotta et Filomena, désignées comme « chef », et un autre compagnon, Michele, sont mis aux arresti domiciliari [obligés à rester chez eux 24h sur 24. NdT], alors que des restrictions sont imposées à sept autres (interdiction de sortir de la ville, obligation de rester chez eux le soir, de pointer au commissariat, combinés différemment selon la personne).
Avec un nombre d’hommes énormes – on parle de 250 – la police fait irruption dans le squat Villa Panico pour l’évacuer, mais trouve un endroit déjà abandonné, une aventure déjà terminée et un cache-pot de fleurs qu’elle décide de faire sauter. C’est le spectacle de la répression.
Peu de réflexions, peu de formules, mais des faits qui parlent tous seuls.
Il arrive, à Florence, place S. Ambrogio, que quelques compagnons qui font un banquet contre la guerre et l’armée dans les rues soient encerclés et embarqués par la Digos, non sans réticences. Pour le code pénal, c’est un délit de résistance à agent de la force publique. Ne nous demandez pas des formules.
Il arrive, à Florence, au terme d’un concert sur Lungarno Dalla Chiesa, que le refus de décliner son identité déchaîne des dizaines et des dizaines de flics contre les participants, coupables d’être encore vivants et solidaires. Une bagarre s’ensuit. Pour le code c’est une résistance à circonstances aggravantes. Ne nous demandez pas des formules.
Mais il arrive que certains s’organisent pour occuper les maisons et les défendre, pour contester les militaires et les forces de l’ordre, empêcher la propagation de la violence fasciste, de la seule manière possible : agir directement contre l’oppression. Il arrive que les sièges fascistes reçoivent la critique de la peinture, du pavé et de l’explosif ou que la solidarité pour les arrestations du Lungarno envahisse les rues de San Frediano un 25 avril, sans demander la permission et laissant leurs traces sur les murs. Pour le code, prendre partie ou ne serait-ce que défendre ouvertement certains faits, c’est de l’association de malfaiteur.
Mais à ce propos, nous avons deux mots à dire, et on les dit.
Ce que nous ne sommes pas c’est une misérable association hiérarchique. Nous ne sommes ni des serviteurs qui votent sans bouger un orteil, ni des subordonnés qui attendent les ordres de chefs ou des « cheffes » pour agir.
Ce que nous ne voulons pas c’est passer notre vie à nous laisser exploiter et commander. Pour cela nous ne pleurons pas quand quand nos ennemis recueillent un peu de leur violence. Les larmes nous les réservons à ceux qui meurent sur les chantiers, dans les casernes, au milieu de la mer, en prison, aux frontières ; certainement pas pour les vitrines des fascistes, pour les rapports hypocrites des flics ou pour les murs d’une ville que l’Unesco déclare « patrimoine de l’humanité », alors qu’elle toujours plus dans la main des hommes d’affaires et des spéculateurs.
Ce que nous ne voulons pas, finalement, c’est que l’ennemi puisse nous diviser, avec la langue de bois du code pénal. Nus ne savons pas si ces compagnonnes et ces compagnons ont commis tout ce dont ils sont accusés. Nous savons seulement de quel côté de la barricade ils luttent, et cela nous suffit pour nous serrer autour d’eux.
Pour en finir avec ce monde. Pour en ouvrir, peut-être, de nouveaux. Mais pour cela, les formules seules ne suffisent pas.
SOLIDARITÉ AVEC FILO, CARLOTTA E MICHELE !
Solidarité avec les compagnon.ne.s frappé.e.s par les mesures !
Assemblée solidaire sans chefs ni patrons
Florence, 03 février 2017