Les révoltes dans les prisons grecques éclatent à la suite du tabassage de l’anarchiste Yannis Dimitrakis, le lundi 23 avril dans la prison de Malandrino (au centre de la Grèce). Initialement, ses codétenus protestent contre ce fait, mais lorsque les gardiens les traitent avec violence, la révolte se propage dans toute l’aile de la prison.
Bientôt et comme une réaction en chaîne, de nombreux détenus se soulèvent dans plus de 6 prisons du pays. Le lendemain, les détenus occupent la prison de Patras (ouest) et certaines ailes de la prison de Korydallos (près d’Athènes), tandis que, dans les maisons d’arrêt de Trikala et de Larissa (centre), ils commencent à s’abstenir du repas. On signale de pareils mouvements dans les prisons de Nauplie, de Corfou, et de Komotini (nord-est).
Les détenus demandent, entre autres, l’abolition des sanctions disciplinaires, la possibilité pour les condamnés à perpétuité d’être libérés après 12 ans, l’accès à la libération après exécution de 3/7 de la peine, des permissions de sortir pour tous, la réduction du délai des détentions préventives en attente des procès, la reconversion de la peine de 25 ans de privation de liberté en peine de 10 ans.
Le 25 avril, des unités de la police anti-émeute (MAT) pénètrent dans les prisons de Malandrino. Les détenus ont allumé des feux et sont équipés d’armes improvisées. Des unités spéciales antiterroristes (EKAM) et des unités de MAT sont déjà sur le coup dans une série de prisons, comme celle de Diavata (près de Thessalonique), de Korydallos, d’ Agios Stefanos et de Corfou, en train de rétablir l’ordre selon le principe de la tolérance zéro. Ailleurs, la révolte prend fin dans le calme.
Des contestations et des révoltes pareilles, on en a eu plusieurs dans le passé. La situation dans les cellules, les conditions humiliantes de l’entassement des prisonniers, et les coups réguliers, tout cela est plus ou moins connu à tout le monde. Et bien, peu étaient ceux/celles qui ont soulevé la question de la prison en général, ne se contentant pas de réclamer simplement des meilleures conditions de détention.
Le 24 avril, le Comité d’initiative pour les droits des détenus appelle à un rassemblement devant les prisons du commissariat d’Omonoia, au centre d’Athènes. On se retrouve une centaine de personnes devant l’entrée du commissariat, bloquée par les flics. Le 24 avril à Thessalonique, des compagnons installent une sono et lisent des communiqués, tandis que la nuit du 25 avril, une manifestation de 150 compagnons motards arrive aux prisons de Diavata, en criant des slogans de solidarité à la révolte des détenus et contre les prisons et le système d’enfermement. Le jour d’après, une manif de plus de 200 anarchistes a lieu au centre ville.
A Athènes le 23 avril, une manif d’une centaine de personnes devant la maison du président de la république, est encerclée par des voitures de police et des MAT, mais on a évité les arrestations. Devant les prisons de Malandrino, 200 anarchistes arrivent en bus et des textes sont lus par l’intermédiaire du système de sono installé. Après des négociations, on a permis aux manifestants de parler avec deux détenus.
De pareilles mobilisations de solidarité ont lieu devant les prisons de Patras, d’Alicarnassos (Crète) et de Volos (centre), ainsi qu’à Mytilini et Larissa. Au milieu de mai et pendant deux jours, des assemblées et des réunions publiques anti-carcérales se tiennent dans la faculté agronomique d’Athènes. Il est aussi à noter que toutes les manifs de cette période appelées en solidarité à des compagnons incarcérés (comme celle du 27 avril à Propylaia, à l’appel des espaces autogérés des facs où celle pour V.Stergiou aux prisons de Korydallos) se sont transformées en manifs pour l’abolition de la prison.
LES DEMANDES DES DÉTENUS RÉVOLTÉS DES PRISONS DE MALANDRINO:
1. Suppression totale des charges disciplinaires.
2. Réduction à 12 années d’emprisonnement consécutives, du délai d’accès à la possibilité d’une libération inconditionnelle, en cas de peines à perpétuité.
3. Réduction des délais d’accès à la libération conditionnelle pour tous les détenus, de 3/5 à 3/7 de leur peine exécuté, y compris pour les condamnés pour trafic de drogue (en abolissant de cette manière la loi discriminatoire en vigueur).
4. Mise en application des bénéfices des permissions de sortir, des libérations conditionnelles, et de toute mesure prévue pour la réinsertion normale du détenu dans la société. Nous exigeons l’abolition de la procédure disciplinaire existante pour assurer les garanties d’un procès équitable et l’absence d’influence dans les décisions de libération inconditionnelle.
5. Le droit à la reinsertion par le travail au sein des prisons. Augmentation des ateliers et des projets à cet effet.
6. Réduction de la durée de la détention préventive à 12 mois. Mettre fin aux détentions préventives irréfléchies, en vue de libérer de l’espace, au profit des deux parties concernées.
7. Le droit pour les prisonniers étrangers qui le souhaitent, de servir leur peine dans leur pays d’origine. Application de l’accord bilatéral du 1995, prévu à cet effet.
8. Changement de la structure existante des nouvelles prisons – type Malandrino – qui conduit à l’anéantissement moral, spirituel et corporel du détenu moyennant la méthode de l’isolement, surtout dans les cas des prisonniers politiques, en proie à la vengeance étatique. Adoption de structures ouvertes.
9. Il va de soi que, à cause de la réduction à 12 ans des peines à perpétuité, en accord avec la législation européenne, le délai d’accès à la libération conditionnelle concernant les peines privatives de liberté à 25 ans doit aussi être réduit de 15 ans à 10 ans.
10. Mise en place du bénéfice inactif du code correctionnel, qui prévoit des sanctions alternatives à la détention, la semi-liberté et l’exécution de la peine par fractions.
11. Que le ministre de la justice demande une enquête administrative sur les cas quotidiens des diverses tortures que tous les employés correctionnels et leurs supérieurs font subir aux détenus. Nous sommes certains que cette enquête mettra en lumière toute la violence psychosomatique atroce et injuste, exercée systématiquement par la majorité des simples employés correctionnels et leurs supérieurs et apprendra aux premiers de ne plus négocier la dignité d’un être humain.
12. Nous exigeons que les résultats de cette enquête administrative soient communiqués par écrit et que les auteurs matériels et moraux de toutes les maltraitances et tortures infligées aux détenus depuis 1999, soient écartés des prisons. Nous espérons que vous n’attendiez pas de plaidoiries ou d’actes d’accusation signés de la part des détenus avant que vous fassiez votre devoir. De telles démarches iraient à l’encontre des principes de la majorité des détenus à Malandrino. En plus, nous n’avons pas la moindre intention de faciliter le ministère de la justice dans son appréciation de la situation qui existe dans cet enfer – lieu de supplices de la prison de Malandrino. Pour finir, nous exigeons une réponse immédiate et par écrit à toutes nos demandes, ainsi que le rapport signé par le ministre de la justice où par son secrétaire général, concernant la répartition des responsabilités pour la révolte et pour la dégradation de biens publics. Et ne vous avisez pas d’en accuser un détenu de la prison de Malandrino.