Comme en 1989 et en 2001, la nouvelle d’une première expropriation, cette fois à Bariloche le 20 décembre, s’est répandue et reproduite en quelques heures. À 48 heures du moment où les habitants de Bariloche se sont mobilisés dans un supermarché des épisodes similaires se sont multipliés dans pratiquement tout le territoire national, depuis des quartiers de Buenos Aires, comme Balvanera et Lugano, jusqu’à Concepción d’Uruguay, La Plata, Villa Gobernador Gálvez, Resistencia, et bien entendu toute la banlieue de Buenos Aires.
De suite, en même temps que la répression, les autorités ont commencé à chercher des responsables pour cacher que, si des centaines de personnes risquent leur vie et liberté pour remplir un chariot de tout ce qu’ils trouvent à leur portée, ce qui s’exprime en fond de toile c’est une situation de misère et de désespoir. Dans leur travail pour délégitimer la demande populaire, tous les gouvernants ont réagis avec les formules habituelles : “activistes”, “intentions politiques”, “groupes organisés”, “ceux qui veulent le chaos”, “des faits isolés”. Ce sont des phrases que nous avons entendu dans tout le spectre politique, au pouvoir ou non, en même temps que les médias tournaient en boucle l’argument “si ils ont pris du matériel électroménager ou des chaussures de marque c’est pas par faim “. Comme si les pauvres, dans la dynamique de l’action de masse d’une expropriation, pour être fidèles à leur statut de pauvre devraient se contenter des sous-marques, ou seulement de prendre des pâtes, du riz ou de la polenta dans les rayons.
On a entendu un sénateur s’en prendre aux “anarchistes qui viennent d’organisation d’extrême gauche avec une posture très idéologisée qui combine des secteurs de l’indigénisme pur avec des individus semblables à ceux que l’on a vu cagoulés deux ans et demi auparavant”, allusion à l’explosion de rage à Bariloche en 2010 lorsque Diego Bonefoi, 15 ans, est mort d’une balle dans la tête par un flic.
En dehors des divers fumiers politiques qui ont répandu leur poison dans les médias en disant que ça n’était pas un problème de faim, et en se plaignant de l’insuffisance des policiers, on a vu aussi des organisations « populaires » qui se sont rapidement désolidarisé des évènements en disant qu’elles n’avaient rien à voir avec les expropriations.
Dans ce jeu là ce qui ressort clairement c’est que chacun essaie par tous les moyens d’éliminer l’analyse de ces évènements qui mettrait en avant le problème de la faim et de la misère dont tous ces bonnes gens sont responsables. Ainsi au lieu d’expropriation ils parlent de « vol qualifié » ( charge qui pèse sur la majorité des détenus à travers le pays). C’est pour ça qu’ils s’échinent à répéter que ça a été organisé, pour instiller l’idée que, chez les pauvres, s’organiser est un délit. Que les exploités s’organisent, de façon éphémère et totalement spontanée, provoque la terreur dans la classe dominante, et c’est pour ça qu’ils préfèrent soutenir la théorie que trois jours d’expropriation dans plus de 70 villes dans le pays est le fruit d’un complot, dont les instigateurs varient selon l’humeur de chacun.
Mais avec deux morts confirmés à Rosario, et des rumeurs d’autres à San Fernando, plusieurs blessés graves, plus d’un millier de détenus dans tout le pays, et des quartiers et villes entières occupées militairement par la police et l’armée, la seule chose certaine est que face aux conséquences de la misère, la réponse univoque de l’appareil étatique est la répression.
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