Laissant de côté la tiède analyse d’un futur imprévisible qui n’existe pas, et le fardeau d’un passé-fétiche qui est dernière nous, il ne nous reste, en contemplant la situation actuelle, pas d’autre choix qu’affirmer que l’anarchisme, s’il veut garder la possibilité d’atteindre ce qui est censé être son objectif (c’est à dire l’anarchie), doit arrêter d’être social, de prétendre chercher le lien avec le social ; ou ce qui revient au même, il doit être anti-social, ou il court le risque de disparaître voir pire, de se transformer en un vulgaire courant dans le spectre gauchiste ou en une preuve grossière du spectacle folklorique si encourageant pour le système.
Car, chèr-e-s ami-e-s, l’époque à laquelle l’anarchisme était une théorie sociale et cherchait son acceptation dans les masses appartient au passé, et maintenant il ne nous reste plus que la guerre ouverte et directe contre la société, isolé-e-s d’elle, jusqu’à ce que son anéantissement arrive,… ou le nôtre.
Deux raisons fondamentales nous amènent à formuler de façon catégorique une telle affirmation. La première est l’échec absolu d’insertion sociale (ce qu’on appelle souvent « toucher les gens »). La seconde est que, illustres compagnon-ne-s, les gens ont d’autres préoccupations, et ce n’est plus qu’ils font preuves de passéisme plus ou moins voilé qu’autrefois, mais c’est que nous pouvons affirmer sans peur de nous tromper que, en règle générale et sauf d’honorables exceptions et de surprises imprévues, les « gens » s’en foutent éperdument, est que simplement ils sont avec le système, de son côté, sur sa barricade : ce sont, qu’on le veuille ou non, nos ennemis.
L’échec de l’insertion sociale
Ce que généralement les divers courants révolutionnaires et/ou insurgés ont cherché traditionnellement (depuis le marxisme le plus radical jusqu’à certaines tendances nihilistes, en passant par l’anarcho-syndicalisme et toute la large gamme de l’anarchisme, sauf certaines exceptions) a été de s’immerger dans la société, « d’arriver aux gens », d’imprégner son idéologie et son avidité transformatrice ou même destructrice chez les gens. Ainsi, les « gens » ou de nombreux secteurs de ces derniers se sont convertis depuis des temps ancestraux, dans le (soi-disant) sujet actif de cette transformation ou des ces pulsions destructrices, bien en dehors, selon les diverses théories (dont nous devons rappeler qu’elles ne sont rien de plus que des interprétations suffisamment subjectives de comment est le monde), la classe ouvrière dans ses caractérisations les plus bigarrées, le « peuple », les exclu-e-s, le secteur étudiant/intellectuel, les minorités ethniques, les femmes, les homosexuelles/bisexuelles, etc… les précaires, le lumpen, les prisonnièr-e-s, le monde des délinquants et/ou marginaux, ou tous-toutes ensemble.
C’est-à-dire que de manière simple, les « gens » sont les gens normaux et communs, lambdas, qui se mangent toutes les oppressions et l’exploitation quotidienne, en incluant parfois le monde de la marginalité (volontaire ou forcée : mendiant-e-s, put-e-s, fous/folles, prisonnièr-e-s, etc…).
Donc, de manière basique, pour atteindre les « gens » il faut être à leurs côtés, être un-e des leurs, leur parler dans leur langage, être avec eux, souvent penser comme eux (à grands traits),… Absolument rien de tout cela ne se fait, et ça c’est parce que les gens ont pris parti pour le système qui nous détruit la vie à tous/toutes, simplement parce que, malgré des colères momentanées et certaines confusions plus qu’apparentes, ce système leur offre une vie légèrement commode sans avoir à penser à se mouiller, ni faire plus qu’obéir et se taire (chose assez facile, d’autre part), ou bien il leur ruine la vie de telle façon qu’ils ont assez de soucis à se demander si ils vont pouvoir manger ou non pour s’embêter avec des « conneries » (maudit instinct de survie).
À cela il faut rajouter la composition particulière des personnes qui composent l’anarchisme, en règle générale des jeunes qui n’ont pas l’habitude de travailler, qui souvent vivent ou font des activités dans des squats ou simplement se débrouillent avec des bourses, des petites arnaques, des larcins, qui vivent sur le dos de leurs parents, font de la récup’ ou des boulots d’intérim, basant leurs style de vie sur une idéologie concrète, qui fait que même la partie, pas moins importante, d’anarchistes qui mènent une vie stable, travaille comme tout le monde, ne s’adapte pas à l’infamie collective (en dépit de tous-tes hériter de sa misère).
Ainsi, en exagérant un peu volontairement pour illustrer plus concrètement l’exposé, comme quelqu’un de totalement consumé par le système, qui ne pense qu’à travailler (parce que ça le rend digne ou parce que même en étant traité comme de la merde « qu’est-ce tu vas faire sinon »), à aller au centre commercial, à voter (et si il ne vote pas c’est parce qu’il va à la plage ou qu’il y a une coupe européenne), à regarder la télé durant ce maudit temps libre avec ses odieuses drogues, comment diable va-t’-il s’approcher ou discuter avec une bande de négligé-e-s, rêveurs-ses, de naïfs qui n’ont pas les pieds sur terre, qui ne savent pas comment ils sont arrivés là (et cela les gens le pensent et nous aussi), et qui vivent dans des maisons remplies de bordel, de puces et de chiens et qui s’habillent comme des clochards, punks ou racailles et qui en plus de faire des choses immorales et illégales prennent le risque de finir en prison, toujours enfermés dans un ghetto, une bulle totalement éloignée du monde extérieur et avec des conflits plus stupides et infantiles (pas toujours, il y en a aussi des sérieux et pour des raisons graves) que ceux des « gens normaux ».
Pour achever le tableau il y a aussi des compagnon-ne-s qui travaillent et vivent comme des gens normaux et qui en faisant parti de la masse se trouvent face à l’ostracisme et prêchent dans le désert, arrivant même à modérer leur discours subversif, à quémander quatre balles en plus au boulot ou deux jours de repos (nous n’allons pas cracher sur les améliorations partielles, mais il y aurait tant à faire qu’au final au lieu de détruire le monde on le repeindrait en rose), lorsque à l’évidence les « gens » même si ils veulent tout ça et beaucoup plus, ne sont presque jamais prêts à bouger le petit doigt en dehors des Institutions Officielles de Plainte et c’est souvent même pas le cas) parce qu’ils sont alignés avec le système. Et ils le sont parce qu’ils ne veulent pas avoir de problèmes, ils veulent une vie tranquille, sans surprises et sans avoir à réfléchir, obéissant, parce qu’être protagoniste de sa vie c’est très difficile et il faut prendre des décisions qui vont au-delà du choix de la marque du téléphone ou de si j’aime les blond-e-s ou brun-e-s.
Pour rajouter une difficulté à notre affaire, on doit aussi prendre en compte les propres misères de l’anarchisme : idéologisation extrême, manque de sens commun, stupidité, puérilité (dans le pire sens du mot), pause et préoccupation pour le qu’en-dira-t-on, dogmatisme, envie d’être mieux que les autres et d’avoir toujours raison, apathie, inefficacité, disputes, et la contamination logique (en dehors des effets déjà mentionnés, desquels beaucoup sont aussi comptés dans cette contamination) du monde que nous vivons dans nos actes et dans nos relations sociales et même émotionnelles, etc…
Et donc, que reste-t-il, car lorsque nous ne convertissons pas sans gêne le loisir (dont nous rappelons qu’il est toujours capitaliste et aliénant quand bien même il se ferait passer pour être « alternatif ») en « lutte contre le système » à partir de fêtes et concerts, en plus de ça pas très imaginatifs et pas exempts d’être à la remorque de modes insipides et stupides, nous faisons étalage contre nos principes de l’appel à la chefferie et à la délégation : c’est à dire que nous collons quatre affiches « répandant quelque chose » ou en disant à d’autres ce qu’ils doivent faire pour qu’ensuite ce sujet subversif, comprendre « les gens » (ou le prolétariat, les femmes, les immigrants, les bandits, les noirs, les verts, les colorés ou joueurs de foot à la retraite) le fassent ; et c’est que cela, c’est ce qui doit convertir quelqu’un d’autre en protagoniste et ne doit pas l’être directement soi-même, qui doit agir avec conséquence et d’elle/de lui on attend quelque chose (qui évidemment, pour rien au monde ne se fera parce que est-ce qu’on lui a demandé son opinion ?).
Pour finir, que lui offrons-nous à ce sujet subversif/révolutionnaire : efforts, déceptions, qu’il soit acteur de sa vie, nous le chargeons avec le poids d’une révolte violente (telle est notre propagande souvent : du riot-porn [1]), et par dessus ça nous ne proposons pas un modèle de vie mais seulement des consignes vides et des formules ambiguës, déphasées et mal posées, qui non seulement ne rentrent pas dans la tête mais dégouttent.
Pour terminer sur ce point nous voulons préciser que l’absence de certitude, d’alternatives et d’offres nous paraît bien : nous ne sommes pas une agence de voyage, nous n’avons rien à offrir, ni un modèle de vie ni un système ni rien ; nous n’allons rien améliorer ni idéologiser, ni théoriser, nous aimons le rock’n’roll, nous aimons le chaos et nous nous sentons à l’aise dans l’improvisation et la destruction et si ça ne plaît pas aux « gens » qu’ils dégagent… mais ami-e-s qui préconisez l’insertion dans le social, un peu de cohérence, ni vous, ni nous, ni l’anarchisme n’ont rien à offrir aux gens ou bien ce qui s’offre ne comble pas le besoin de « gens » abattus, domestiqués, infantilisés,… même le lumpen le plus délinquant, illégaliste et faucheur vit dans les paramètres de la mentalité autoritaire et capitaliste, et si il viole la loi et ne respecte pas les règles du jeu c’est parce qu’il n’a pas eu l’opportunité de réussir à les suivre et/ou parce qu’il veut imposer les siennes (la pègre est pleine de mouchards, traîtres, aspirants chefs de la mafia, et autres ordures, qui malgré le fait que bien souvent ils aient plus de sang dans les veines que nous, nous qui écrivons cela et nous les anarchistes, ils ne sont pas vraiment un exemple à suivre par leur comportement, attitudes, etc…)
C’est ainsi, ami-e-s, l’anarchisme est vraisemblablement incapable « d’arriver aux gens », pour deux raisons : parce que les gens sont avec le système (alors c’est tant mieux que nous en soyons incapables) et parce que nous ne sommes ni avec eux ni avec l’anarchisme, mais dans une limbe, sur un métissage à mi-chemin entre les gens normaux (pour les merdes que nous avons dans la tête) et dans l’utopie et la marginalité volontaire (pour notre façon de penser, pour ne pas employer ici le terme péjoratif d’idéologie), en étant pour autant méprisé-e-s par tous-toutes et étant condamné-e-s à ne trouver notre place nulle part… et nous (ceux qui écrivons cela) nous en sommes content-e-s.
Les gens ont d’autres soucis
À ce moment historique concret, les « gens » ont du prendre parti : ou la lutte incessante contre le système ou le classique « si tu ne peux pas vaincre ton ennemi allie-toi à lui » (en négociant avant les minables conditions de sa reddition). Ce moment historique, pas seulement dans cette cage de terre qu’on appelle Espagne, mais presque partout dans le monde, a été la période qui va de 1968 à 1982 (en étant très généreux on pourrait même dire que ça va de 67 à 85, mais nous ne voulons pas jouer les intellos ni les pinailleurs). À ce moment-là, la sévère défaite infligée par le système, à cause de celui-ci et à cause de la misère de ses opposants, ajoutée à son perfectionnement inexorable a fait que la majorité des gens a pris parti pour ceux qui l’ont vaincus. Ils n’ont pas seulement perdu, mais ils ont accepté la défaite et l’ont négocié.
La preuve de cela c’est qu’alors qu’à d’autres époque les gens ont perdu mais gardaient un certain esprit, une haine pour l’oppresseur, élevant leurs enfants dans cette haine (la génération 68 est fille de celle de 36), à cette époque de 68 jusqu’à 82 les gens ont succombé et se sont vendus, sans même inculquer à leurs enfants cette haine, ce ressentiment de ceux qui perdent devant les vainqueurs. La génération suivante (à grands traits nous tous-tes) nous avons grandi sans haine, et nous avons commencé à nous bouger grosso modo à travers l’idéalisme progressiste de la démocratie, aussi nécessaire pour le capital et l’État. Ainsi avec une légère idéologisation dans les mains de la social-démocratie (l’instrument politique triomphant de cette époque), il a suffit de contempler les contradictions du système envers notre idéalisme tiède pour faire quelque chose à ce sujet, s’opposer à ce même système. Mais, est-ce que nos mères/pères ont fait quelque chose à part voter à gauche et nous dire de ne pas nous attirer des ennuis ?
Notre génération est celle de la frustration, et maintenant les gens sont soi abattus et l’acceptent, ou sont du sang neuf qui n’est pas très au courant et s’abandonne au confort relatif d’un système qui l’étouffe et l’écrase. Les « gens », ceux que l’anarchisme prétend toucher, ne se bougent (lorsqu’ils se bougent) que face à des situations inacceptables conjoncturelles, et par inaptitude du système qui ne sait pas donner de réponse pacifique et ordonnée à cette plainte (ce qu’ils appellent « mauvais gouvernants »), et lorsque la situation inacceptable se résout les « gens » retournent à leurs affaires. Ça ne va pas plus loin et les choses ne débordent pas, pas parce que nous ne savons pas « radicaliser des conflits » (ce que nous ne savons sûrement pas faire, parce que nous l’avons dit avant, nous tombons des nues) mais parce que les gens ne veulent pas de débordement, ils veulent juste résoudre leur foutu problème parce qu’ils ne veulent pas avoir de problèmes.
Ça crève les yeux qu’ils n’en n’ont rien à cirer de tout ce qui ne concerne pas leur prétendu bien-être, dû à leur soumission volontaire à la soumission obligatoire que le système nous impose, duquel on obtient une contre-prestation parce que mentalement ils nous ont tous dominé, y compris matériellement. On peut coller toutes les affiches qu’on veut mais les gens s’en torchent de la grève de la faim de tel ou tel prisonnier, de tel ou tel licenciement, de telle ou telle expulsion, ou de telle ou telle pollution. Pour que quelqu’un écoute il faut d’abord être dans des conditions (basiquement qu’ils doivent t’entendre), et ensuite ils doivent aussi vouloir t’écouter. Et les gens non seulement n’ont pas les conditions nécessaires pour écouter mais ne le veulent pas.
Oui, ami-e-s, les « gens », ceux que vous voulons atteindre, sont nos ennemis, parce que ce sont des esclaves satisfaits, une prostituée qui se vend au plus offrant. Bien sûr il y a des exceptions, des nuances, des variantes, du gris dans le noir et blanc, etc… mais actuellement et comme il est dit dans un film d’Hollywood connu : « Tant que les gens ne sont pas libérés ce sont nos ennemis ». Et c’est que le civisme, la quintessence de la démocratie, la forme la plus parfaite de civilisation, l’expression politique de la société, fait des ravages (et la télé et les drogues aussi).
C’est ainsi, il faut l’assumer et nous préparer pour ce qui viendra, qui sera plus dur que jamais.
Et avec tout ça ce que nous voulons dire c’est …
Si tu rentres dans une discothèque et prétend t’adresser aux gens qui sont à l’intérieur avec la prétention qu’ils t’écoutent, tout d’abord tu devras éteindre la musique (et il y a des videurs et des DJ pour t’empêcher de le faire), que ce soit par la ruse ou par la force. Donc, une fois que les gens t’entendent tu pourras enfin leur parler (qu’ils t’écoutent c’est une autre affaire) parce qu’un silence ce sera fait et une attente. Si tu ne fais que crier ou distribuer des tracts dans la discothèque alors que tout le monde danse sur du reggaeton, peut-être qu’une ou deux personnes te verront et peut-être même que quelqu’un ne t’enverra pas à la pêche. Ça peut même arriver que tu convainques quelqu’un et qu’il/elle se joigne à ta cause, mais si personne ne t’entend ça commence mal.
Ensuite… ensuite on met la charrue avant les bœufs.
Ce qu’on veut montrer avec cet exemple, c’est que nos efforts ne doivent pas se concentrer pour toucher les gens, mais directement pour l’attaque directe du système, afin d’en plus de l’affaiblir, de créer les conditions pour que les gens susceptibles de vouloir écouter aient la possibilité de le faire. De nos jours le système dépend totalement des technologies. Qu’on laisse une ville sans électricité pendant trois jours et bientôt une minorité d’énervés vont commencer à piller et ça peut s’étendre comme de la poudre et de là, on décrète l’état de siège et les gouvernants retiennent leur respiration. C’est ça le bon moment pour faire de la propagande, celle par le fait, et pas dans l’autre sens. La propagande vulgaire qui est souvent sortie (affiches, autocollants, discussions et autres) devrait s’envisager comme une guerre psychologique contre un ennemi hostile, pour obtenir son découragement et même sa fuite. Dans la guerre mondiale, des avions des deux côtés jetaient des tracts de propagande (du genre « vous êtes finis » ou « ici on mange mieux ») à certains moments clés sur les tranchées ennemies pour provoquer des désertions ou simplement démoraliser.
C’est pour ça que nous pensons qu’actuellement la méthode de lutte anarchiste est erronée. Pour commencer nous n’éprouvons pas de haine, simplement nous nous bougeons sans trop de conviction pour une idéologisation extrême et défectueuse due à un processus de sur-socialisation, qui ne nous mène pas à la guerre parce que nous éprouvons de la haine ou que nous sommes vraiment foutus, mais simplement à un activisme politique inoffensif (parfois plus incendiaire et destructeur, parfois non) qui n’est pas plus qu’une simple activité de substitution devant le vide existentielle dont nous souffrons (qui n’est pas conscientisé, mais qui se fait pour passer le temps, comme on pourrait faire du foot de salle dans l’équipe de la paroisse, ou jouer aux échecs ou à la playstation), ce qui fait que nous risquons pas grand chose pour ne pas finir avec des sérieux problèmes et que cette activité politique indistincte, sauf par quelques nuances et détails, de la gauche se canalise dans une opposition pseudo-intellectuelle à penchant culturel : c’est à dire que nous déléguons une fois de plus aux gens ce qui doit se faire (pardon, « offrant au sujet révolutionnaire les armes théoriques pour qu’il radicalise sa pratique »), au lieu de le faire nous-même parce que « nous n’avons pas la force suffisante » (on appelle ça du quantitatisme, et que les anarcho-syndicalistes le soutiennent on s’en fout parce que leur doctrine – totalement confuse à l’évidence – se base sur ça, mais que la supposée radicalité anarchiste le soutienne, ça c’est fort de café). Et cela arrive lorsqu’on ne confond pas grossièrement la guerre sociale avec la fête dans le squat (bien sûr toujours pour financer les divers événements et pour « attaquer » la propriété privée et dénoncer la spéculation de façon ludique et amusante), qui est plus « divertissante » et moins « problématique», bien qu’ensuite les gens, ceux dont on se souvient, veulent s’en aller, se plaignent du bruit ou de la pisse sur le portail, ou le truc typique de s’enfermer dans le local de chacun (en supposant qu’ils en aient) ignorant le reste de l’univers anarchiste parce qu’ils ont raison et qu’ils sont plus cools que les autres [2].
Alors qu’est-ce qu’on fait ? Déjà nous pouvons esquisser plus ou moins modestement notre légère (et selon certain-e-s confuse) idée de ce qu’il faut faire et ensuite chacun-e verra ce qu’il/elle fait de sa vie,… ou ce qu’on lui laisse faire.
Nous pensons que l’anarchisme doit être, au moins ici et maintenant, anti-social, c’est-à-dire, renoncer à « toucher les gens », étant donné que la société est notre ennemie. L’anarchisme est une attitude individuelle devant la vie, et pas une théorie sociale ni une idéologie politique. Chaque individu avance par ses expériences et influences et celui/celle qui tombe du côté anarchiste (on peut l’aider un peu, mais quand il s’en approche, pas quand il est un ennemi manifeste) finira avec nous. C’est pour cela que nous devrions suivre deux chemins :
1 – une guerre psychologique contre l’ennemi ; c’est de la propagande dans le sens classique du terme (écrite, parlée, peinte, etc…), mais pas de façon systématique comme on le fait maintenant, mais sélective et à certains moments, pour provoquer la démoralisation et essayer de faire déserter les gens. Rappeler à nos ennemis que leur vie et une sacrée merde, que nous vivons relativement bien en marge de leur monde nauséabond duquel (même si c’est pas vrai) nous nous passons très bien.
2 – attaque directe au système, pour l’affaiblir et provoquer des situations où l’on peut nous entendre (on verra ensuite si on nous écoute), dans le vieux style « je laisse une ville sans électricité et ensuite je la pille » ou « je paralyse le trafic »,… on va pas s’étendre sur ça, des exemple il y en a à foison, et avec leur différences et nuances nous recommandons vivement la lecture des livres (une BD et l’autre un roman) V for Vendetta et Fight Club, qu’on peut trouver facilement, où l’ont peut trouver des idées édifiantes.
Les gens sont foutus et ils le savent, mais ce sont nos ennemis pour leur mentalité servile. La seule chose à faire c’est de les vaincre, à eux et leur société, les démoraliser et créer des situations qui ouvrent les portes au chaos, à l’imprévisible, à l’attaque. S’il y a un futur (en espérant que ce soit sans la comédie et le sarcasme qui nous caractérise) il se trouvera dans la destruction. La destruction doit tout précéder, le reste vient ensuite. Et c’est là une autre des graves erreurs de l’anarchisme, au lieu de donner la priorité à la destruction accompagnée ponctuellement de propagande, diffusion, etc. (parce que comme nous le savons bien, les « gens » ne choisirons pas notre bulletin, soyons cohérents, refusons le délégationnisme et l’illuminisme chrétien dont souffre malheureusement l’anarchisme) et de créer des situations, nous le faisons à l’envers, avant toute autre chose les petits papiers (qui disent des conneries la majorité du temps, bien que le fond soit justifié) et ensuite on pourra jeter quatre œufs de peinture sur le siège d’un parti ou bien on mettra trois affiches quelque part, on fera cinq photos et on les collera sur youtube ou indymerdia avec une revendication super-spectaculaire dans le vieux style Brigate Rosse (parce que ça oui, militaires – et souvenons-nous que le militarisme c’est, comme le véganisme, une attitude, ne pas utiliser d’armes à un moment déterminé – et spectaculaires, les anarchistes nous le sommes beaucoup). Inverser les termes c’est ce dont nous avons besoin, faire tout à l’envers de nos habitudes et supprimer cette dynamique tièdeuse de pose, de manque de sincérité, de spectacle et des fiestites (autrefois c’était la manif-mania, mais l’anarchisme ne sert même plus à ça et on observe qu’on ne défend pas les manifestations systématiquement et encore moins les processions qu’elles représentent/représentaient). Le reste viendra ensuite.
L’anarchisme est fort avec le conflit. Avec l’inaction on se casse la gueule, et la mentalité actuelle qu’il y a en son sein n’aide pas à avoir de la tension ou du conflit. Nous devons transformer notre activisme politique tiède et gauchiste en une guerre contre le système. Mener la guerre dans la maison du système lui-même, jusque dans la cuisine et être toujours imprévisibles et irréductibles. Un monde de possibilité s’ouvre devant nous si nous savons en profiter, et nos possibilités si nous le voulons sont énormes. Une minorité agissante et implacable, auxquelles se rajoutent de nouveaux/nouvelles inadapté-e-s peut aujourd’hui faire plus de dégât qu’une masse grégaire et banale (sans sous-estimer l’énorme potentiel d’une foule en furie). Nous sommes Uniques, nous sommes puissants, nous pouvons être imparables, nous ne nous abandonnons pas à l’attente de la masse, nous sortons du troupeau et nous agissons,… la contamination viendra avec le temps et c’est toujours bien de parler négativement de quelque chose qu’on déteste que positivement de quelque chose qu’on aime (dans une émeute, lorsque quelqu’un commence à tout péter si le reste est suffisamment énervé ils le joindront ; en règle générale, des gens nous joignent lorsqu’on fait un jardin urbain ?)
Pour la liquidation sociale, pour le chaos, pour l’anarchie, soyons anti-sociaux, entre le communisme ou la barbarie nous choisissons la barbarie (nous avons vu où nous a mené le communisme). Abandonnons-nous à l’implacable et jouissive tâche de la destruction, le reste suivra (si il doit venir).
Notes :
[1] Nous précisons que nous aimons le riot-porn.
[2] Nous nous en foutons, nous n’avons pas de raison de marcher tous ensemble main dans la main, vu ce qu’on en voit… mais la guerre serait plus efficace si les gens du « même camp » étaient plus « unis ». En plus nous ne sommes pas les défenseurs de l’anarchisme social, comme le dit le proverbe “chacun chez soi et les cochons seront bien gardés”.
FIJL-BARCELONA, Octobre 2008