10 mars 2011 : Lettre de trois membres emprisonnés de la Lutte Révolutionnaire

LETTRE DE TROIS MEMBRES EMPRISONNES DE LA LUTTE REVOLUTIONNAIRE SUR LA COMPLETION D’UNE ANNEE DEPUIS L’ACCROCHAGE ARME A DAFNI DANS LEQUEL LE REVOLUTIONNAIRE LAMBROS FOUNDAS EST TOMBE MORT EN COMBATTANT

Le meilleur honneur politique
pour un camarade qui a perdu
sa vie au combat
est de continuer sa lutte.

Au lever du 10 mars 2010 à Dafni, notre camarade de la Lutte Révolutionnaire, Lambros Foundas, a perdu sa vie en combattant les chiens armés de l’état.

Au lever du 10 mars 2010, c’était la Lutte Révolutionnaire qui a perdu une partie de soi à Dafni. Ce sont nous qui sommes tombés et nous qui nous sommes relevés pour continuer notre lutte, pour continuer la lutte du camarade.

A cette époque, la Lutte Révolutionnaire était dans les derniers préparatifs pour réaliser un autre coup. Un coup qui serait encore une étape sur le chemin de la lutte qu’on a pris face à la crise économique mondiale. Ce chemin, nous l’avons tracé avec le camarade Lambros Foundas dans une période où la crise financière était aux premiers stades. A ce moment, ni l’amplitude ni la profondeur de la crise n’était encore claire pour tout le monde. En Grèce, une grande partie de la société était convaincue par la propagande étatique du gouvernement de l’époque que la crise n’était pas prête de toucher le pays dont l’économie était sur une base solide. La crise était traitée comme une complication au fonctionnement du système financier, difficile mais qui pouvait être résolue et empêchée de se prolonger aux autres secteurs de l’économie avec la gestion appropriée de l’élite économique et politique.

En tant que collectif politique, nous étions convaincus que la crise mondiale amorcée par l’éclatement de la bulle immobilière américaine (les prêts immobiliers hypothécaires de solvabilité basse aux Etats-Unis) était un grand coup à une des fonctions les plus centrales du système -pour être plus précis au «donneur de sang» de l’économie globale- le secteur financier. La crise mondiale est venue comme un résultat inévitable de la crise systémique qui couvait depuis des dizaines d’années, touchant l’une après l’autre toutes les dimensions du système: la dimension sociale, économique, politique, environnementale.

Nous étions convaincus que cette crise toucherait la Grèce aussi avec une impétuosité particulière comme le pays s’effondrait depuis longtemps en raison de la dette publique exorbitante. En 2009, nous écrivions sur ce sujet : « En Grèce, comme dans beaucoup d’autres pays, nous sommes sous le régime de l’esclavage où le capital supranational impose les conditions les plus détestables de taxation, de travail, de salaire, de mise à la retraite, sous la pression de la dette et des déficits ; des conditions que aucune société ne peut et ne doit tolérer. Comme il ne faut pas tolérer que, pour l’intérêt des grands usuriers locaux et étrangers, les dépenses publiques soient coupées, les secteurs comme la santé publique expirent, les hôpitaux ferment. Les criminels qui sont à la tête du marché financier national, ont déjà commencé la grande attaque spéculative au marché de la dette, comme les paris sur l’effondrement des pays différents sont au sommet des préférences du marché». (1)

Dans le même texte du début 2009, nous parlions des conditions que le pouvoir politique et économique supranational exigerait de la Grèce criblée de dettes, des conditions qu’ une année plus tard, nous avons vu dans le mémorandum de la Troïka : « Le gouvernement de Nea Dimokratia (Nouvelle Démocratie) est prêt à accepter sans sourciller chaque demande du grand capital si lourd qu’ elle soit, à imposer par le feu et le fer les demandes néolibérales les plus extrêmes, suggérées par le marché et les alliances politiques qui le serve comme l’ U.E. Il est prêt à faire saigner la société grecque pour faire face à ses responsabilités envers ses prêteurs. Il croit bien sûr que les marchés ne vont pas l’abandonner pour des raisons politiques concernant la stabilité du régime dans le pays et dans une région plus large.

Certes, le gouvernement de Nea Dimokratia s’est discrédité entièrement aux yeux de l’élite économique et politique internationale après la révolte de décembre (ndt. le décembre 2008) puisqu’ il s’est révélé incapable de gérer une «explosion» sociale. Donc il a été considéré inapproprié à gérer un environnement social qui devenait particulièrement inconstant car le pays était touché de plus en plus par la crise. Pour cette raison, l’élite essayait de faire démissionner le gouvernement de cette époque et de promouvoir le PASOK (acronyme du parti socialiste grec «mouvement socialiste panhellénique») comme le parti le plus approprié et de cette façon d’assurer la transition la plus fluide du pays vers les nouvelles conditions politiques et économiques dans lesquelles nous vivons aujourd’hui. Des conditions qui sont définies par le co-gouvernement d’occupation de PASOK-Troïka (F.M.I., U.E., B.C.E.).

Un an avant la signature du mémorandum, dans le même texte, nous nous référions à la nécessité pour une société révoltée d’imposer la cessation des paiements. Pour nous, « la volonté politique d’une société de se débarrasser de la dette (parce qu’elle ne la veut pas et pas seulement parce qu’elle ne la supporte pas) est reliée à la décision de se confronter avec le pouvoir politique dans son ensemble, de s’écarter du système économique et politique, de renverser le régime qui la tient en esclavage».

En ce qui concerne la faillite inévitable du système économique grec, en janvier 2009, nous écrivions: «Le prochain effondrement de l’économie grecque et l’agitation sociale suivante, il est possible qu’ils amorcent des réactions en chaîne dans les autres pays européens, comme leurs sociétés sont déjà dans une situation économique et sociale très difficile». (2)

En tant que collectif, nous étions convaincus et nous avions déjà remarqué depuis 2005 (3), que l’économie grecque non seulement n’était pas forte mais elle était particulièrement vulnérable à la déstabilisation causée par une crise économique mondiale imminente. Pour nous, l’explosion de la bulle immobilière américaine (les prêts hypothécaires immobiliers de solvabilité basse aux Etats-Unis) était seulement le commencement de la grande crise. « …de la plus grande crise dans l’histoire du capitalisme et de l’économie du marché parce qu’il s’agit de la première grande crise vraiment mondiale qui touche tous les domaines de l’activité économique et se propage à toute la planète en raison de l’interdépendance intense sous les conditions de la mondialisation économique. Aussi, malgré les différences qualitatives importantes, elle est plus grave que la crise de 1929, non seulement à cause de son amplitude, mais en plus à cause du fait que le système de cette période-là pouvait être contrôlée plus facilement ». (4)

Dans la même période, nous parlions de la prochaine crise du marché alimentaire qui serait le résultat des «jeux» spéculatifs de l’élite économique dans les bourses où les excédents des fonds, accumulés dans la sphère financière, «sont investis» de telle manière que cela conduit à la faim et à l’élimination des populations pauvres.

Nous avions parlé des prochaines révoltes dans les pays de la périphérie capitaliste amorcées par la pénurie de pain et d’aliments de base. Aujourd’hui, le soulèvement dans les pays d’Afrique du Nord -qui a pris les caractéristiques d’un affrontement armé pour renverser le régime en Libye – offre une image de l’avenir des pays du centre capitaliste. C’est une image du futur qui nous attend.

Selon le camarade Lambros Foundas et nous-mêmes, la crise ouvrirait de nouveaux horizons aux révolutionnaires et elle nous offrirait l’opportunité unique de promouvoir la révolution. « Celle-ci est par ailleurs, une opportunité offerte par chaque grande crise économique. C’est l’époque où le dédain au niveau social, politique et même au niveau moral d’un régime à sa plus grande décadence, atteint son sommet. C’est l’époque où les plus grandes réactions et explosions sociales sont attendues. C’est l’époque où une minorité vraiment atroce se profite de ce système économique et politique. C’est l’époque où un écart profond s’établit entre l’élite et ses défenseurs et la plupart de la société ravagée par la crise. C’est l’époque où les forces révolutionnaires ont l’opportunité unique d’agir vers la direction de la révolution ». (5)

Toujours ayant en tête l’affrontement final avec le régime pour le renversement et la révolution sociale, notre organisation, avec Lambros Foundas, avait préparé un plan d’action qui avait deux directions politiques principales. La première concernait notre plus grande contribution possible à la déstabilisation du régime déjà instable à cause de la crise. Dans ce but et sur la base de notre analyse, nous planifions des coups aux institutions, aux organisations et aux mécanismes qui jouaient un rôle important dans la création de la crise, en Grèce autant qu’au niveau international. Ils ont un rôle principal dans la formation des conditions économiques et politiques modernes qui sont responsables du nouveau totalitarisme. Pour nous, c’était un devoir révolutionnaire, non seulement de ne pas rester sans rien faire devant la crise mais de tenter, avec toute notre énergie et à tout prix, de rendre la crise la plus grave possible pour le système lui-même, de saboter toute possibilité de la dépasser. C’était notre devoir de porter un coup à l’élite économique et politique, à ceux qui sont responsables pour la pauvreté, le malheur, l’indigence, la mort qui ravage notre pays et toute la planète. C’était notre devoir de porter un coup à l’élite qui non seulement est responsable pour la crise mais voit la crise comme une opportunité pour augmenter sa force économique et sa puissance sociale. C’était notre devoir de frapper le régime autant que nous pouvons, d’élargir les écarts existants du régime déjà vulnérable et de contribuer le plus possible à sa déstabilisation. En tant qu’organisation révolutionnaire, c’était notre devoir de pousser le régime vers l’effondrement.

Pour les raisons ci-dessus, le choix de nos cibles était fait afin de satisfaire le besoin politique d’action contre des cibles d’importance politique cruciale et en même temps porter des coups qui ne seraient pas seulement symboliques mais réussiraient à frapper les infrastructures du système aussi fort que l’environnement nous le permettait.

La deuxième direction politique concernait notre plus grande contribution possible, à la délégalisation politique et sociale du régime. Notre ambition était de contribuer autant que nous pouvons à la déstructuration théorique et idéologique du régime et de tous ce qui le soutiennent. Aussi, nous essayions de contribuer à l’enrichissement de l’argumentation révolutionnaire contre les personnes de gauche «bien intentionnés» qui voient la crise comme une opportunité pour se revaloriser politiquement et jouer un rôle régulateur à «l’amélioration» et à «l’humanisation» du système. Pour ces arrivistes politiques, les manifestations du ras-le-bol et de la rage sociale sont simplement des outils pour atteindre leur but relié à la cogestion du système et au partage du pouvoir.

L’ambition de notre collectif était d’aider à « la fortification » théorique de l’action révolutionnaire qui est prête à passer des moments particulièrement difficiles au milieu d’un environnement politique fluide, comme ceci est formé en raison de la crise systémique multidimensionnelle qui devient de plus en plus profonde.

Sur la base de ce cadre politique et de ce plan collectif d’action, la Lutte Révolutionnaire a ouvert un cercle d’action, au milieu de la crise mondiale, avec des attaques contre des cibles comme Citibank, Eurobank et la Bourse. Dans la continuation de ce cercle s’intégrait l’action préparatoire d’expropriation d’un véhicule à Dafni, le 10 mars 2010, pendant laquelle le camarade Lambros Foundas s’est affronté avec les flics.

Notre but final, le but final de notre camarade, était de ne pas laisser la crise du système devenir une opportunité de restructuration politique et économique généralisée, par l’ état et les patrons, vers la direction d’ une concentration encore plus grande de la force sociale, aux mains d’ une minorité dominatrice odieuse. D’aggraver la crise de crédibilité du système, de contribuer à sa faillite finale.

En tant que Lutte Révolutionnaire, en tant que collectif avec le camarade Lambros Foundas, nous avions un choix commun: D’investir toutes nos forces à transformer la crise à une opportunité de renversement du régime, une opportunité pour la Révolution Sociale.

Finalement, le camarade Lambros Foundas a donné sa vie pour ce but. Il a donné sa vie en préparant encore un coup-réponse au régime. Il a donné sa vie en combattant les flics dans une ruelle de Dafni, mais pas seulement. Il a donné sa vie pour que l’occupation du gouvernement grec, du F.M.I., de l’U.E. et de la B.C.E. ne passe pas. Pour que la junte moderne de l’état et du capital ne passe pas. Pour ne pas laisser passer le nouveau totalitarisme imposé sur la planète entière par l’élite politique et économique sous le prétexte de la crise économique mondiale. Le camarade a donné sa vie en luttant pour que la crise devienne une opportunité pour la Révolution Sociale.

Ceci était le cadre politique et historique dans lequel s’intègre le révolutionnaire Lambros Foundas. Son action était directement reliée aux plus grands sujets concernant la société grecque mais aussi toute la planète. Pour cela, il faudrait qu’il devienne un symbole de résistance au gouvernement de l’occupation, un symbole de résistance et de lutte contre l’élite politique et économique, un symbole de résistance et de lutte contre l’état et le capital. Pour cela, il lui convient de devenir un symbole de la lutte pour la libération de tous les hommes. Qu’il soit un symbole de la Révolution Sociale.

Evidemment, nous n’avons pas fait la connaissance du camarade Lambros Foundas dans le cadre de la Lutte Révolutionnaire. Nous avons tous les mêmes racines politiques comme nous provenons de la même matrice de mouvement. Tous dans la Lutte Révolutionnaire, nous étions, nous sommes et nous serons des anarchistes et nous partageons plusieurs moments de lutte. Un moment de lutte, important pour notre camarade et certains d’ entre nous, était les événements de l’Ecole Polytechnique (Polytechnio) en 1995. Des nombreuses autres rencontres politiques avaient précédées notre rencontre dans la Lutte Révolutionnaire. Dans le collectif qui a marqué d’une manière définitive notre relation de camarades avec Lambros Foundas. Dans le collectif où des phrases comme «le dévouement à la lutte » trouvent leur définition grâce à notre camarade. Il n’est pas de question d’abandonner le collectif parce que c’est comme si nous abandonnions une histoire commune, comme si nous abandonnions nos désirs communs, comme si nous abandonnions nos buts communs. Comme si nous nous abandonnions nous-mêmes.

Pour nous, ses camarades dans la Lutte Révolutionnaire, il n’est pas mort. Il est dans notre sang et dans l’air que nous respirons comme des combattants. Il est dans nos buts et nos cibles. Il fait un avec notre organisation et notre lutte. Il est présent chaque jour, à chaque moment. IL EST IMMORTEL.

Rassemblement le 10 mars à 16.00 sur la place Calogiron à Dafni et marche vers le lieu où le camarade Lambros Foundas s’est affronté avec les flics.

Costas Gournas, Pola Roupa, Nikos Maziotis

 

(1) Proclamation de prise de responsabilité de la tentative de dynamitage des bureaux de Citibank à Kifissia le 18/02 et de l’explosion au succursale de Citibank à Nea Ionia le 09/03.

(2) Proclamation de prise de responsabilité de l’attaque armée contre les forces antiémeutes (MAT) au Ministère de la Culture le 05/01/2009.

(3) Proclamation de prise de responsabilité de l’explosion au Ministère de l’Emploi le 02/06/2005 et de l’explosion au Ministère de l’Economie le 12/02/2005.

(4) Proclamation de prise de responsabilité de la tentative de dynamitage des bureaux centraux de Citibank à Kifissia.

(5) Proclamation de prise de responsabilité de l’attaque armée contre les forces antiémeutes au Ministère de la Culture.

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