Ce texte de Giannis Dimitrakis est tiré du 1er numéro de “Détruisons la Bastille : Voix depuis l’intérieur des murs” (PDF), un périodique publié par la Caisse de Solidarité comprenant des textes de prisonniers en lutte.
J’ai toujours gardé en tête cette image de moi-même, regardant inconsciemment les hauts murs surmontés de barbelés à chaque fois que je passais devant une prison. Devant quelle prison ? Eh bien, chaque fois que j’allais rendre visite à des amis dans le quartier de Nikea en moto et que je descendais la rue Grigoriou Lambraki, la prison de Korydallos avec ses murs de pierre attirait mon regard. Je ne sais pas pourquoi cela advenait. Était-ce parce qu’il y eut des moments où je me suis retrouvé dans les rues avoisinantes lors de manifs de solidarité pour les compagnons emprisonnés mais sans jamais être en mesure de la toucher vu que tous les passages pour se rendre plus près étaient complètement bloqués par la police ? Où était-ce parce que ce bâtiment énorme, imposant, qui cache avec un zèle incroyable tout ce qui se passe dans ses entrailles, un monde inconnu avec ses propres règles et lois, plein d’histoires individuelles, certaines héroïques d’autres de tortures, aiguisait ma curiosité ?
Maintenant que j’y pense, je me rappelle une autre fois où j’étais face à une prison. Je pense que c’était au printemps 2003, quand nous manifestions devant l’institut “correctionnel” de Larissa. Encore une autre geôle située dans la banlieue de cette ville et près d’une école. Là-bas le prisonnier a le privilège malheureux de vivre le climat psychotique de la plaine de Thessalie. Pendant l’été il cuit dans son propre jus avec des températures aux alentours de 43 °C, et en hiver il cherche frénétiquement un peu de chaleur au-dessous d’une montagne de couvertures afin d’échapper aux un ou plusieurs degrés en dessous de zéro. Pure folie. J’ai obtenu cette information en discutant par la suite avec des prisonniers qui ont fait du temps là-bas et Vagelis Pallis me l’a aussi confirmée lors de l’été 2008 lorsque nous communiquions quotidiennement.
Le point de départ de la manifestation était le parc central de la ville qui était entouré de cafés. J’avais l’impression que les locaux nous regardaient avec perplexité, comme s’ils avaient vu quelque chose qui leur était complètement étranger. Nous étions venus à Larissa car des rumeurs couraient sur la construction d’une nouvelle aile – une d’isolement – prévue pour recevoir les gens impliqués dans l’affaire de l’organisation révolutionnaire 17 Novembre. Cela signifiait leur transfert de l’aile spéciale de la prison de Korydallos où ils étaient déjà enfermés, et ainsi de nombreux problèmes pour eux, leurs familles et leurs avocats au vu de la distance depuis Athènes. Il n’est pas aisé de parcourir 700 km aller-retour en une journée pour une heure ou une demi-heure de visite. Des réflexes immédiats alors, et l’essaim noir prit une position combative dans le parc de Larissa et partit ensuite en une manifestation vers la prison. Naturellement, quand la manifestation commença, elle attirait l’attention des locaux partout où elle passait et comme prévu, dès que nous approchâmes de notre destination, deux ou trois bus de police anti-émeute et des rangées d’uniformes verts contenant quelque chose qui ressemblait à des humains nous attendaient, interdisant toute approche de près de la prison. Continue reading Grèce : Giannis Dimitrakis, “Échapper à l’oubli (première tentative)”