La vieille usine de Piraiki Patraiki est une énorme zone de bâtiments abandonnés qui se trouve en face de la dernière porte d’entrée et de sortie du nouveau port de Patras. Depuis quelques mois, plusieurs centaines de migrants originaires de l’Afghanistan, du Soudan ainsi que quelques migrants d’Algérie, de Somalie et du Maroc vivent dans cette zone. C’est un logement extrêmement précaire où ces personnes, qui tous les jours cherchent à sortir du pays pour trouver une nouvelle vie, se sont installées.
La vie de ces migrants n’est pas seulement marquée par des rêves et des aspirations mais surtout par une lutte quotidienne pour la survie. Tous les jours, ils doivent se battre, avec tout ce que cela implique. Il y a des morts, des personnes qui sont écrasées par des camions, qui meurent à l’intérieur de ces derniers, ou qui périssent à cause du froid. Ils se font également tabasser, torturer et humilier par la police portuaire.
Durant les derniers vingt jours, donc pendant les vacances de Noël, nous avons été à leurs côtés suite à des incidents qui démontrent clairement les conditions de misère et de barbarie qui leur sont réservées à Patras, ville frontière et de passage pour l’Europe.
Plus spécifiquement:
Le 20 décembre, un Afghan de 27 ans a été sérieusement blessé à la tête après avoir sauté du deuxième étage d’un immeuble en essayant de fuir devant des policiers qui le chassaient à Rio (partie de la ville de Patras). Bien que les policiers ont vu l’incident, ils l’ont laissé à terre et ce sont des habitants du quartier qui ont appelé une ambulance. A l’hôpital, les médecins ont d’abord refusé de le prendre en charge (parce qu’il n’a pas de papiers). Finalement, ils se sont pourtant rendu compte qu’il avait un grand hématome dans la tête et il a été opéré. Ensuite, il est resté immobilisé pendant quinze jours. Aujourd’hui, il est à la clinique neurologique de l’hôpital général et son état est stable.
Le 23 décembre, les migrants de Piraiki Patraiki ont fait une manifestation au centre ville, avec le soutien de personnes solidaires. Ils voulaient protester suite à l’incident du migrant qui a été blessé à la tête et pour dénoncer leurs conditions de survie de manière générale.
Le 27 décembre, des migrants mineurs, qui s’étaient absentés depuis la veille, sont retournés à l’usine. Deux de ces jeunes Afghans ont été blessés sérieusement à la tête et aux jambes par la police portuaire à l’intérieur du nouveau port.
Le 3 janvier, trois migrants (âgés entre 15 et 19 ans), qui venaient juste d’arriver à Piraiki Patraiki et qui n’avaient pas réussi à s’installer, ont trouvé un abri dans la cabine d’un camion abandonné à l’intérieur de l’usine. Ils ont fait un petit feu dans une boîte métallique pour se chauffer mais ensuite ils ont été coincés à l’intérieur du camion. Un d’eux est mort par intoxication et les deux autres ont été hospitalisés avec de sérieux problèmes de santé. Les médias locaux ont relativisé l’incident en affirmant que le migrant avait été trouvé mort dans la zone du port, à l’intérieur d’un camion qui allait partir pour l’Italie.
Le 4 janvier, le lendemain du décès du jeune Afghan, des flics de DIAS (police en motocycle) sont entrés dans l’usine. Ils ont réveillé les migrants avec des coups de pied et des gaz lacrymogènes. Ensuite, ils ont brûlé leurs papiers, ils ont volé leur argent et leurs téléphones, et ils les ont insultés et humiliés.
Le 5 janvier, des forces de la police sont entrées dans l’usine et ils ont arrêté 50 migrants. Ils ont à nouveau réuni et brûlé les affaires des migrants, avec l’aide de l’OLPA (organisation qui gère le port de Patras) et probablement avec celle de la Municipalité de Patras. Ils ont fait des tas avec les vêtements, les chaussures, les couvertures et ce qu’ils pouvaient trouver autour pour ensuite tout brûler ou mettre aux poubelles. Pendant cette opération, 25 des 50 migrants arrêtés auraient été libérés, selon la police, et les autres auraient été transférés vers d’autres postes de police (Pyrgos, Aigio, etc). Ensuite, les flics ont mis feu à trois endroits différents de l’usine, et ces feux s’étendaient. En même temps, des personnes de l’OLPA ont scellé les bâtiments pour que les migrants ne puissent plus rester dans la zone. Après l’arrivée de personnes solidaires, les flics sont partis. Les pompiers sont arrivés avec deux ou trois heures de retard. Dans l’après-midi du même jour, des anarchistes, des antiautoritaires et des personnes solidaires ont fait une manifestation en centre ville pour donner une première réponse à cette opération d’oppression menée contre les migrants.
Pour nous, il est très important de mettre le doigt sur les différents rôles spécifiques que l’OLPA, la police, la police portuaire et les médias ont joué dans les opérations répressives contre les migrants de Piraiki Patraiki. Commençons avec l’OLPA, propriétaire des lieux, qui met en avant l’excuse de la future utilisation de la zone industrielle. Cette organisation a la responsabilité politique des incidents du 5 janvier ainsi que de toute autre opération qui pourrait y avoir lieu dans le futur. Pour l’OLPA, le port, frontière de la forteresse Europe qui doit être surveillée avec des contrôles intenses (par des agents de sécurité et la police portuaire), représente une zone rouge dans le sens où il s’agit de maintenir l’image d’un port moderne de l’Europe. L’organisation s’oppose à la présence de migrants à l’intérieur du port ou des bâtiments de Piraiki Patraiki, car cela pourrait nuire à la réputation du port comme lieu de passage de personnes et de biens et comme lieu potentiellement touristique. Pour l’OLPA, il s’agit de faire disparaître les migrants de cette zone. Elle y parvient en collaborant avec la police portuaire qui est responsable de toutes ces années d’humiliations, de coups, de tortures et de décès de migrants.
Les procédés de la police portuaire sont largement connus depuis plusieurs années. Elle participe en même temps au trafic des migrants tout en paraissant remplir son rôle institutionnel de maintenir l’ordre et la légalité. En recourant à des techniques typiquement mafieuses, la police portuaire laisse passer quelques personnes quand ça l’arrange tandis qu’elle tabasse violemment ceux qui ne suivent pas la « bonne » voie pour entrer dans le port. Selon nous, le rôle institutionnel et les pratiques mafieuses constituent les deux faces d’une même médaille. La police portuaire contribue à maintenir les conditions existantes d’oppression et d’exploitation. Ces flics qui tabassent des migrants ou toute personne qui résiste, protègent ainsi les patrons et leurs structures. Ils le font quand ils torturent des migrants en les forçant de sauter dans la mer glacée, quand ils volent leur argent et leurs téléphones, quand ils jurent au nom de leur pays et de leur Dieu, quand ils brûlent leurs chaussures, leurs vêtements et leurs couvertures…
Bien sûr, nous ne devrions jamais oublier les médias. Depuis la mort par intoxication du migrant afghan jusqu’à l’incident du 5 janvier, tous les faits ont été passés sous silence et atténués. Les médias représentent des institutions dont la rhétorique a comme but de consolider les réflexes de la société qui sont basés sur la peur, notamment des migrants, et qui font appel à une toujours plus grande présence policière. Pour tenter de donner un fondement moral à leur discours, ils rappellent de temps en temps les conditions de vie terribles et « la tragédie de ces gens », donnant ainsi un déguisement humanitaire à la répression.
Nous sommes solidaires avec les migrants, non depuis une position de charité mais en reconnaissant que, dans une société structurée en différentes classes et donc faite de relations d’autorité, la seule solution pour ceux « d’en bas » est de créer des communautés de lutte sans hiérarchies ni distinctions nationales. Selon nous, l’ennemi n’est pas l’immigration mais les guerres, le pillage économique, l’exploitation de pays et de peuples entiers et, enfin, le capitalisme. Ce sont les causes de l’émigration.
FLICS, FLICS PORTUAIRES, OLPA, MEDIAS, NOUS NOUS OPPOSERONS TOUJOURS A VOUS
LIBÉREZ DE VOS GRIFFES LES MIGRANTS
LA SOLIDARITÉ EST NOTRE ARME
Exercice collectif de discours et d’action “Perasma”. Depuis le squat Maragopoulio à Patras.