Grèce : Nouvelle lettre de la prisonnière anarchiste et membre de CCF-FAI, Olga Ekonomidu

olgaLe texte qui suit « Depuis la terre des oubliés contre l’oubli… » de la prisonnière anarchiste et membre de CCF-FAI Olga Ekonomidu, est un appui aux camarades du Chili : Tamara Sol et Natalia Collado. Il est aussi un geste de solidarité avec Evi Satiri tenue en otage par l’État Grec, écrit dans le contexte de l’appel pour la journée nationale de solidarité le 2 septembre 2015.

Grèce : « Depuis la terre des oubliés contre l’oubli… » de Olga Ekonomidu

La condition de captivité dans laquelle je me retrouve depuis maintenant 4 ans et demi, comme exemple de punition exemplaire et vindicative, a créé une distance avec ma réalité et celle de l’extérieur, des actions. De plus, la raison de l’emprisonnement de celles et ceux qui luttent contre l’existant est la séparation, la déprivation, l’isolement politique et l’annihilation morale. Mais il y a toujours des barreaux à briser, que tu marches dans le corridor stérile et monotone d’un « pénitencier » ou que tu traverses les rues décorées de la consommation de la société-prison. Maintenant, dans les cellules de prison de la démocratie, mon besoin de liberté continue de me donner du souffle à chaque jour. C’est la force qui me fait bouger, pour penser, pour imaginer, pour organiser, pour agir. La décision du conflit total avec l’existant, le pouvoir du choix individuel enrichi par l’expérience des actions collectives, sont les ingrédients qui peuvent pénétrer les barreaux des prisons et les hauts murs. Pourquoi tu n’abandonnes pas en prison… tu continues. Tu te réorganise et tu te bas. Depuis 4 ans et demi, je me réveille dans un lit en prison toujours un peu après le lever du soleil, bien que plusieurs fois j’aurais voulu dormir plus longtemps quand j’étais dehors ;  j’organise tous mes mouvements, bien que dehors, la spontanéité m’a souvent activé ; j’analyse et je juge les informations (politiques et personnelles) de la veille toute seule, alors que dehors, je les partageais toujours avec des camarades. Pendant 4 ans et demi, je me suis réveillée tous les matins en sachant que je définirais seule ma participation à la guerre contre toutes les formes d’autorités et que la liberté n’est pas donnée… tu dois la conquérir toi-même.

Janvier 2011… un plan allait se matérialiser en chair et en os. Une étape… un respire avant la liberté… Et même si le but n’a pu être achevé… l’essai en valait certainement la peine !

La tentative d’évasion de prison de CCF de nos probables tombes confirme que la lutte pour la liberté ne s’arrête jamais tandis qu’elle sonne l’alarme de l’appareil d’État. Si elle avait réussie, cette évasion aurait fait des dommages visibles tant à la validité qu’à la fiabilité de l’État. Ce plan d’évasion est plutôt devenu l’occasion d’une grande opération répressive vengeresse de nos attitudes tenaces et de nos refus de nous repentir durant plusieurs années comme seul but. La diffusion de la peur dans le milieu anarchiste qui se solidarise avec les prisonniers politiques avec pour but l’isolement politique n’est pas assez. Pour la première fois en Grèce et avec une telle intensité, une perspective élargie de la précédente logique était appliquée. Après que l’autorité ait vu que ces outils judiciaires et législatifs « légaux » ou « irréguliers » ne nous ont pas affectés jusqu’à maintenant, il a rampé comme le reptile insidieux qui mord le talon d’Achille. Cette fois, il a ciblé nos proches. La criminalisation des relations familiales ne démontre rien de plus que l’intention vengeresse de l’État. Pour faire chanter et détruire émotionnellement celles et ceux qui ont blessé le prestige de leurs structures. La poursuite de nouvelles arrestations et de rafles dans les maisons a résulté par deux détentions. Celles de la mère de Christos et de Gerasismos Tsakalos et de la femme de ce dernier. Mais tant que tu donnes à l’ennemi, il croira que c’est facile de gagner. Ainsi, le jour même de ces détentions, une épuisante grève de la faim a débuté par CCF, qui réussit a faire sortir de prison la mère des deux camarades.  Dans cette grève de la faim qui a duré quelques jours, l’anarchiste Ageliki Spyropoulou, accusée pour sa contribution politique à la tentative d’évasion, était aussi impliquée dès le début depuis sa cellule de l’agence anti-terroriste. Pendant deux mois, elle était chassé par les chiens de la police après avoir choisi de ne pas abandonner, choisissant la route difficile mais belle de l’illégalité. Aujourd’hui, nous partageons la même cellule, discutant, analysant toutes ces choses qui se sont passé et qui viendront d’une perspective commune, une nouvelle perspective.

Depuis les premiers jours de janvier, CCF est sous attaque constante. Quatre camarades ont été séparés de la population générale, transférés durant la nuit en cellules d’isolement spéciales. Cela a été suivi de fouilles continues dans les cellules du sous-sol, sous prétexte de sécurité. Et même si à chaque fois, ils ne trouvent rien de criminellement remarquable, le sentiment d’insatisfaction inscrit dans leurs yeux indique qu’ils reviendront bientôt. Les visites à la prison sont informellement annulées depuis que les conditions de libérations de leur mère ne lui permettent pas de quitter l’île sur laquelle elle vit, ni même pour des raisons médicales. Avec insistance, ils laissent Evi (la femme de Gerasimos Tsakalos) en prison depuis six mois maintenant.

La prolongation de la détention d’Evi a un double sens pour la domination. D’un côté, la force des guérillas urbaines et la tolérance des gens solidaires sont testés, et de l’autre, est légitimisé des politiques plus larges de criminalisation des relations familiales. C’est le jeu psychologique de l’autorité qui entre autre, envahi les consciences tel un bélier. Il cible les consciences des proches dans le but de les fatiguer, de les déprimer, de les rendre frustrés et éventuellement objectifs, corrompant les relations de confiances que nous avons avec eux faisant en sorte qu’ils paient les prix de nos propres choix. Et si sur le chemin de chaque histoire personnelles, certains camarades, amis et autres gens restent alors que d’autres partent, c’est parce qu’il est facile d’être près des gens qui réussisent, mais difficile quand les temps sont durs. Mais la domination n’a pas gagné ce jeu. Tout ce qu’ils avaient parié quant à l’affaiblissement des liens affectifs et de leurs destructions, ils l’ont déjà perdu. Pourquoi même après six mois, ceux qui nous aiment, soit de l’intérieur de la prison ou depuis des endroits restreints par des ordonnances judiciaires, nous font encore des sourires de patiences et de confiances, maintenant leur dignité propre.

Ainsi, le pari revient à nous, chaque cellule et individualité anarchiste favorisant l’attaque continue et la rébellion, pour prouver qu’il n’y aura pas de trêve avec l’ennemi, ni maintenant ni jamais. Particulièrement dans des moments d’opérations répressives, on ne doit pas reculer, mais plutôt rallumer des épidémies d’attaques dans le but de devenir vraiment dangereux. Pour demeurer une menace en tant qu’ennemi intérieur au cœur du système. Parce que tout ce qui roule en descendant une pente, ne s’arrêtera que s’il rencontre un obstacle sur son chemin, autrement il continuera à rouler indéfiniment en augmentant sa vitesse, emportant tout ce qui est de proportion inférieur. C’est un pari de vie, sans fin, mais avec continuité, évolution et avec une seule direction… la libération, l’anarchie.

« Je n’ai nul besoin, et ni ne veux de votre discipline. En ce qui concerne mes expériences, je veux les  avoir pour moi. C’est à partir d’elles, et non à partir de vous, que je tracerai mes règles de conduite. Je veux vivre ma propre vie. Les esclaves et les laquais me terrifient. Je hais ceux qui dominent, et ceux qui se laissent dominer me rendent malade. Celui qui fléchit  avant que ne le touche le fouet ne vaut pas mieux que celui qui le tient. J’aime le danger, et l’inconnu, l’incertain, me séduit. Je suis remplie d’un désir pour l’aventure, et je me foues de la réussite. Je hais votre société de bureaucrates et d’administrateurs, de millionnaires et de mendiants. Je ne veux pas m’adapter à vos coutumes hypocrites ni à vos fausses courtoisies. Je veux vivre mon enthousiasme dans l’air pur et frais de la liberté. Vos rues, planifiées, torturent mon regard, et vos bâtiments uniformes font bouillir mes veines d’impatience. Et c’est assez pour moi. Je suivrai mon propre chemin, en accord avec mes passions, en me transformant sans cesse, et demain, je ne veux être la même qu’aujourd’hui. Je fais mon chemin et je ne laisse pas mes ailes se faire couper par les cisailles de personne. Je ne partage rien de votre moralisme. Je vais de l’avant, éternellement passionnée et brûlant du désir de me donner au monde, à la première vrai personne qui m’approche, au voyageur avec des vêtements déguenillée. Mais pas au doctrinaire qui voudrait endoctriner ma conscience avec des formules et des règles. Je ne suis pas une intellectuelle ; je suis un être-humain – une femme qui sent une grande vibration devant l’impulsion de la nature et les mots amoureux. Je hais toutes les chaînes, tous les obstacles ; j’aime marcher seule, nue, laisser ma chair être caressée par les rayons du soleil voluptueux. Et, oh, vieil homme ! J’aurai si peu de préoccupation lorsque ta société brisera en milles morceaux et que je pourrai finalement vivre ma vie ».
– « Qui es-tu, petite fille, fascinante comme un mystère et sauvage comme l’instinct ? »
– « Je suis l’Anarchie. »
Émile Armand, Anarchiste individualiste français

Olga Ekonomidou
Membre de CCF-FAI
Prison pour femme de Korydallos, Grèce

Note de Contra Info : Evi Statiri a été libérée (avec des lourdes mesures préventives) le 2 octobre.

en espagnol, grec, portugais

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