Sur le terrorisme dans la bouche des États

dum

20 janvier 2015

Après les assassinats de Paris s’est déclenchée une nouvelle offensive des États et de leurs appareils au sein de la guerre civile mondiale en cours. De nouvelles lois d’exception, qui n’auraient auparavant pas pu être imposées, car les conditions n’étaient pas propices pour justifier un changement de la sacrosainte image de la Démocratie, sont à présent promulguées par décret sous diverses formes.

Des lois qui incrémentent encore plus le contrôle des citoyens à travers des interventions télématiques ou téléphoniques ou des données fournies par des entreprises, qui restreignent l’espace d’apparente liberté de frontières en Europe, qui fomentent la délation de concitoyens suspects car s’écartant de la norme (spécialement de la part de fonctionnaires au service de l’État dans les centres de santé, les prisons, etc.), qui incitent la magistrature et les législations en vigueur à mener des enquêtes ou à créer de nouvelles lois ou d’endurcir celles existant déjà, qui permettent un meilleur contrôle des frontières, dotent les organes policiers de plus de pouvoir… Ils génèrent ainsi un état d’urgence factice en utilisant le concept de terrorisme, et en évoquant surtout le djihadisme, car c’est celui qui effraie le plus, étant donné qu’il est culturellement différent et que, dans le discours du Pouvoir, qu’il n’a pas de racine socioéconomique, mais seulement religieuse et autoritaire. Un concept qu’ils souhaitent maintenant redéfinir en termes plus pratiques pour son usage policier et judiciaire, alors qu’ils prétendent inclure sous cet éventail des individus qui agiraient en solitaire (ceux qui sont déjà taxés de « loups solitaires » par toute la presse) ou des individus qui s’organisent de façon informelle et non-hiérarchisée.

Après l’approbation de la Loi Mordaza il y a quelques semaines, l’État espagnol s’efforce déjà de conclure une nouvelle réforme du Code Pénal qui justifierait l’application des lois d’exception antiterroristes contre ceux qui agissent en solitaire et qui justifierait l’action policière-judiciaire préventive d’attaques terroristes. Il s’agit de quelque chose qui a déjà été vécu en Italie à travers les différents montages anti-anarchistes, ou au Chili avec le Caso Bombas et avec les changements de la Loi Antiterroriste ou la Loi de Contrôle des Armes et Explosifs, ou encore en Grèce, avec l’instauration des prisons de type C pour freiner la lutte armée. Les partis politiques encadrés dans une position toujours plus étroite, et auto-conditionnés par leur propre rôle d’aspirants gestionnaires de l’État dépendants des votes de citoyens aliénés jour après jour, se disputent pour être sur la photo de fin, d’accord avec leurs discours de merde particuliers. Aucun ne sera capable de contredire ce qui est imposé par les conditions créées. Ils ne le peuvent pas, et ne le veulent pas, du fait de ce qu’ils sont et du rôle qu’ils endossent au sein du système.

L’opération Pandora, menée contre des anarchistes actifs dans la lutte contre l’État et le capitalisme, n’a pas été un hasard. Une opération préventive et, en tant que telle, justifiée aux yeux de tous les citoyens à la lumière de la succession des évènements. Ils ne trouveront rien de plus. Voilà pourquoi ils modifient et approuvent encore plus de lois qui recouvrent l’application de peines de prison sans preuves d’actes de destructions de propriétés ou d’attentats physiques contre les gestionnaires du Capital. La rencontre du fasciste Fernández Díaz avec son homologue chilien juste avant l’opération Pandora n’était pas non plus un hasard.

Entretemps, ces citoyens de bas étage dépourvus de sens critique, ainsi que de dignité, continueront de débattre pour savoir pour qui voter lors des prochaines élections, plaçant leurs illusions de modification de leurs conditions existentielles dans les vieilles promesses des nouveaux figurants politiques et oubliant leur misère quotidienne en commentant le prochain match de foot, ou le prochain scandale sentimental, ou le prochain cas de corruption. Le fait qu’ils assument leur propre incapacité et la délégation aux gestionnaires de leurs vies sert de moteur pour que le pouvoir continue de tout gérer comme bon lui semble. Il leur arrive bien de se mouiller de temps en temps (si on les vire de leur boulot, qu’on les expulse de leur maison, qu’on leur retire les aides sociales minimales, qu’on les oblige à payer plus d’impôts, qu’on augmente le prix des produits de première nécessité, qu’on gèle leurs salaires ou leurs retraites, qu’on les envoie faire la guerre…), et leur possible action de résistance sera largement criminalisée et réprimée, et ils devront se convaincre eux-mêmes qu’il s’agit d’un effet collatéral dans le but d’obtenir un plus grand bien général (imposé par l’État et l’Économie), et ils ne comprendront même pas le pourquoi de la chose.

En ce qui nous concerne, nous n’oublions pas qui profite de tout cela. Les nouvelles conditions que renouvelle continuellement le pouvoir sont dirigées vers le maintien et l’amélioration des formes de relation capitalistes que la domination requiert. Ces nouvelles lois, ces guerres, ne sont pas séparées de l’exploitation au travail, de la destruction du territoire, de l’invasion et de la destruction d’autres cultures, de l’augmentation du nombre de prisons et du durcissement des conditions qui y sont imposées aux guérilleros et guérilleras, des morts aux frontières, etc. Ce sont d’autres conséquences du maintien d’une économie comme toujours dirigée vers le profit de quelques-uns par n’importe quel moyen.

Pour toutes ces raisons, la vision étroite et intéressée mise en avant du « Je suis Charlie » nous répugne. Cet intérêt est celui de l’État, cet intérêt est celui du Capital. Cet intérêt passe par les citoyens aveugles et à la vue courte, et se diffuse par les médis de désinformation du Pouvoir. Participer de façon a-critique à cette marée émotionnelle revient à s’aligner avec les États et le Capital. Et ne pas le faire ne veut pas dire soutenir cet État Islamique dont ils parlent. Cette polarisation sans nuances est un autre intérêt du Pouvoir pour isoler et créer son discours totalitaire.

Lire le texte en espagnol (original), en portugais.

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