La restructuration imminente de la dette grecque, entamée par l’élite économique et politique en collaboration avec le gouvernement du PASOK, sera le premier aveu de l’incapacité à gérer la dette et à freiner sa dynamique toujours grandissante. Elle fait partie d’un plan ambitieux de faillite contrôlée de la Grèce afin d’éviter l’éclatement de la bulle de la dette. Cet éclatement aura des conséquences -économiques, politiques et sociales- incalculables, à l’intérieur du pays, et provoquera des réactions en chaine dans les autres pays européens; parmi ces impacts, l’amorce d’une nouvelle crise financière incontrôlable, à dimension internationale, qui révélera une fois de plus la pourriture du système capitaliste et provoquera une grande agitation sociale et politique.
Nous avons vécu, il y a un an, le premier acte de ce plan de faillite contrôlée –un plan vain en raison de la dynamique de la crise structurelle du système: la soumission de la Grèce à l’élite supranationale et ses mécanismes économico-politiques (FMI, BCE et UE) et la signature du mémorandum. En fait, en vertu de cet accord, l’état grec a effectué l’opération de titrisation d’une vieille dette, pas officialisée jusqu’à ce moment, rendant ainsi impossible le défaut de paiement; en même temps il a hypothéqué les biens et richesses du pays.
Le mémorandum montre que le gouvernement grec et l’élite économique voient très loin; cet accord garantit qu’en cas de révolte sociale –très probable dans un futur proche- il n’y aura pas la possibilité de défaut unilatéral sur la dette (de la part du débiteur); une telle révolte pourrait conduire à la formation d’un gouvernement d’unité nationale comme «dernier recours» pour rétablir la normalité dans le pays et éviter une vraie révolution sociale. Nous pourrions caractériser cet accord comme un acte de trahison du peuple grec, pour lequel Papandreou et son gouvernement seront jugés par la société grecque. Le défaut sur la dette conduirait à un conflit frontal avec l’élite: en tant que créancière elle exigerait par tout moyen la protection de ses droits (des droits pour lesquels le gouvernement s’est engagé en signant le mémorandum avec le sang du peuple grec et la sortie du pays hors de l’économie du marché).
Le prochain objectif du mémorandum et du prêt de 110 milliards d’euros accordé par la troïka est le remboursement des détenteurs des anciennes obligations grecques et le transfert de la dette à des organisations internationales (UE, BCE, FMI). D’assurer, à travers la prolongation du délai pour la faillite grecque, que les détenteurs d’obligations réussiront à s’en débarrasser avec la moindre perte. (A noter que ces obligations sont considérées comme des bouts de papier sans valeur dans le monde des investissements et seront bientôt appelées des «produits toxiques»). Cela est atteint aujourd’hui; la BCE est devenue la principale détentrice des obligations «toxiques» de l’état grec puisqu’elle garde 30% de ces obligations; les créanciers précédents de la Grèce –notamment les banques allemandes et françaises- gardent une… distance de sécurité vis-à-vis de bulle de la dette qui est prête d’éclater.
Le processus du défaut de paiement «contrôlé» comprendra dans un premier temps l’allongement de la durée de remboursement et le remplacement de l’ancienne dette par la nouvelle. Cet allongement donne un soi-disant second souffle à l’état grec afin de payer ses dettes (le prêt de 110 milliards inclus). En réalité, il apportera une nouvelle charge à la dette en raison de l’intérêt supplémentaire puisque le taux d’intérêt restera inchangé ou sera légèrement réduit. Le remplacement de l’ancienne dette par la nouvelle est un geste qui favorise clairement les détenteurs d’obligations vu que l’Etat grec achètera les obligations dégradées à un prix certainement surévalué par rapport à leur vraie valeur et vendra des nouvelles obligations garanties par le Fonds Européen de Stabilité Financière (le FESF sera remplacé en 2013 par le Mécanisme Européen de Stabilité, MES). La mission de ces nouveaux mécanismes est d’achever le processus de faillite contrôlée des pays surendettés, couvrant les mauvaises créances des créanciers qui ont investi dans la dette publique, afin de protéger le système financier de l’Europe face à la crise. En même temps, les banques européennes continueront de puiser dans les liquidités de la BCE profitant de ses garanties pour l’investissement dans la dette grecque.
Les avantages de la restructuration pour les banques ne s’arrêtent pas là, même si elle comprend non seulement un remplacement de l’ancienne dette par la nouvelle mais aussi une légère réduction de la dette. Une grande partie du paquet de soutien de 78 milliards euros –fourni aux banques grecques par les gouvernements de la Nouvelle Démocratie [Nea Dimocratia] et du PASOK- ce sont des garanties qui se transforment, suite à la restructuration, en obligations et finalement en nouvelle dette. D’ailleurs, le processus de la restructuration lui-même apportera des profits supplémentaires aux banques responsables pour la restructuration.
Ainsi, alors que le gouvernement parle d’un allègement de la dette, il impose de nouvelles mesures d’austérité et d’ajustement néolibéral, beaucoup plus dures que ce que nous avons vécu jusqu’à aujourd’hui. En pratique, c’est la société grecque qui va porter le fardeau de la charge (tant l’ancienne que la nouvelle), et les banques, grecques et européennes, seront ceux qui sortiront une fois de plus gagnants.
Et avant même l’annonce de la restructuration, le gouvernement a commencé de racheter des obligations d’état au 97% à 99% de leur valeur nominale et a donné 2,3 milliards d’euros, tandis que leur prix sur le marché varie de 50% à 60% de leur valeur nominale. Tout cela, apparemment pour empêcher la soi-disant coupe de la dette et assurer que les banques auront le moins de perte possible de leur «investissement» dans les obligations d’Etat.
Finalement, le plan d’une forme contrôlée de défaut sur la dette aidera l’élite économique non seulement à préserver les fonds investis en obligations grecques mais aussi à continuer de tirer des profits et déplacer les fardeaux sur les épaules des prolétaires de ce pays.
Il y a un an, Papandreou et son état-major disaient sans cesse des mensonges organisés. Ils prétendaient que la soumission du pays à la troïka et la dette de 110 milliards euros, qui «améliorerait la situation économique de la Grèce», étaient la seule façon d’éviter la faillite, de continuer de donner de l’argent pour les salaires et les pensions, financer les secteurs comme la santé et prévenir une déclaration de cessation de paiement envers la société. Ils persistent jusqu’aujourd’hui dans le même mensonge et continueront à terroriser la société grecque avec le dilemme «faillite ou troïka», jusqu’au moment où il sera impossible de maintenir la bulle de la dette grecque, jusqu’à proclamer l’effondrement du pays.
Aujourd’hui, un an après la signature du mémorandum et tandis que tout le pays agonise sous l’occupation du FMI, de l’UE, de la BCE et des politiques néolibérales imposées, les secteurs publics, comme la santé, sont abandonnés, des écoles et des universités ferment, une grande partie du financement des soins est coupée, pensions, salaires et prestations sont réduits ou supprimés et la cessation de paiement de la part de l’État envers la société est déjà une réalité. Alors que les banques auront la moindre perte –voir même des profits- de leur implication dans la dette grecque, les caisses d’assurance (assurance maladie et retraite) se trouvent juste avant l’effondrement et seront certainement les grands perdants de la faillite de l’Etat; ainsi il est sûr qu’une cessation de paiement envers les assurés aura lieu. En même temps, le gouvernement vend pour une somme dérisoire les entreprises publiques, ainsi que toute la richesse du pays, à l’élite économique, alors que les milliardaires de la planète accourent comme des «hyènes». Continue reading Texte de trois membres emprisonnés de la Lutte Révolutionnaire: Aucune prolongation de la vie du système →