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Sud de l’Italie : Un tract distribué début avril

[13 avril]

Un révolutionnaire sincère ressent le besoin de traduire ses actions en actes. Attaquer l’Etat, en détruire les appareils, railler ses gardes et ses défenseurs est la praxis quotidienne de quiconque porte la liberté dans son coeur et hait profondément l’oppression.

Depuis qu’ils existent, sous quelque forme que ce soit, les tuteurs de l’ordre constitué se sont toujours dévoués à répondre (ou à prévenir) et réprimer par la force et la férocité tout expression de rébellion ou d’attaque contre cet existant morose.
Il arrive donc que des expressions de révolte comme celles de Gênes et de Rome, l’attaque de ceux qui développent le nucléaire, l’attaque d’une banque ou n’importe quel symbole et émanation du capitalisme qui nous enchaîne, peuvent, ou malheureusement sont, sanctionnées par la prison.
Il arrive que la rédaction et la distribution d’un tract soient l’objet de l’attention des chiens de garde en uniforme qui, reniflant l’odeur de la rébellion, aboieront effrayés par un parfum trop fort pour leurs narines habituée à la puanteur de merde de leurs maîtres.
Il arrive que celles et ceux qui positionnent en défense de la terre contre les logiques du profit et de la militarisation qui dévastent les territoires par des monstruosités aux noms divers, trains à grande vitesse, MUOS, pelleteuses, TAP et mille autres encore, sabotent les lignes ferroviaires du pays, découpent les grilles et attaquent les chantiers en se riant de l’Etat.

Cependant, les éclats de rire n’arrivent pas qu’à nos oreilles, nous réchauffant au moins un peu le coeur :ils arrivent aussi à celles des sales défenseurs de la normalité et de la tristesse que l’on prodigue de mille façons pour limiter notre liberté. Il est arrivé, donc, que les compagnons qui ont attaqué les projets de grande vitesse ont été arrêtés, que ceux qui ont essayé de stopper l’absurde monstruosité du MUOS ont été éloignés des lieux afin qu’ils ne puissent plus s’en prendre à cette répugnante structure, ou que tous ceux qui ont osé se rebeller contre cet existant, tous ceux qui l’ont attaqué, ont été l’objet de l’attention de l’Etat qui ne manque pas de faire sentir sa présence à travers des restrictions de liberté variées, qui se concrétisent en obligations d’aller signer ou de fantomatique associations de délinquants, des interdictions de territoire ou d’interminables périodes d’incarcération préventie pour trancher les ailes des révolutionnaires.

Par chance, pourtant, les coeurs des révolutionnaires sincères brûlent d’une flamme trop forte pour être éteinte par le terrible vent de la répression. Au fond, celles et ceux qui sentent que se rebeller contre ce monde et en rêvent un autre, différent, où nous vivrions libres en admirant la beauté, savent déjà devoir rencontrer la terrible résistance de ceux qui aiment l’ordre, et qu’il faudra affronter : la survie de l’un implique inévitablement l’annihilation de l’autre.
Que les coeurs chauds des révolutionnaires sincères fassent fondre la morsure gelée de l’Etat.

Pour la Liberté, pour l’Anarchie.

Quelques anarchistes

Turin, Italie : Rassemblement en solidarité avec Graziano, Lucio et Francesco

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Une histoire qui est aussi la nôtre. Une longue histoire qui n’est pas finie.
« L’histoire enseigne… », ainsi débutaient les fables d’Esope. Qu’enseigne cette histoire ? Elle enseigne « qu’avoir raison » ne suffit pas, parce qu’en face, il n’y a pas d’autres raisons, mais la force de l’État. Elle enseigne qu’en luttant, on apprend.

On apprend le courage.
On apprend que la légalité ne peut être un critère, parce qu’en respectant la loi, la défaite est garantie. Ce qui est juste importe, pas ce qui est légal.
On apprend que dans la résistance, dans le partage, dans la solidarité, nos vies deviennent plus intenses, plus vraies, meilleures.
On apprend qu’eux ont pelleteuses, armées, gaz lacrymogènes, matraques et fil barbelé. Nous avons les jours, les sentiers, la fantaisie, la nuit.
On apprend que parfois nos compagnons et nos compagnonnes finissent entre les mains de l’ennemi.

C’est arrivé à beaucoup de celles et ceux qui luttent contre le TAV, et trois d’entre eux sont encore en prison : Lucio, Graziano et Francesco.
En prison spéciale, et en isolement depuis un mois pour leurs protestations.
Ils sont accusés d’avoir attaqué le chantier de Chiomonte lors d’une belle nuit de mai 2013.
Le 23 avril commencera le procès.

Cette nuit-là, nous y étions tous et toutes.
Le sabotage est compagnon de celles et ceux qui luttent.
Les terroristes, c’est ceux qui dévastent et militarisent les territoires.

FRANCESCO, GRAZIANO, LUCIO LIBRES TOUT DE SUITE

Rassemblement au tribunal jeudi 23 avril à 09h.

Italie, No TAV : Condamnations et lacrymogènes sur l’autoroute

27 juin 2011 : l’expulsion de la Libre République de la Maddalena

La première session du dit « méga-procès No TAV » vient de s’achever, dans lequel 53 compagnons sont mis en cause pour la résistance contre l’expulsion de la Libre République de la Maddalena le 27 juin 2011 et pour l’assaut du chantier de Chiomonte le 3 juillet qui s’en est suivi. Les accusations de lésions et de violences aggravées, de résistance à personne dépositaire de l’autorité publique, de dégradations et de dissimulation de visage sont devenues des condamnations, qui varient entre quelques mois et quatre ans et demi de prison, pour 47 personnes [pour un total de 145 ans, NdCI]. Des condamnations lourdes, mais inférieures aux réquisitions des procureurs Pedrotta et Quaglino – qui, le 7 octobre dernier, avaient demandé 200 ans de prison au total – excepté pour quelques compagnons contre lesquels les juges ont décidé de serrer un peu plus la vis de ce qu’avait proposé l’accusation. D’autre part, six acquittements ont été prononcés.

A la sortie de la salle, les No TAV présents au procès ont envahi la route et ont bloqué le corso Regina Margherita pendant une vingtaine de minutes dans les deux directions, à la hauteur de la salle bunker, pour protester contre la sentence émise par les juges.

Un autre rendez-vous a été donné le même après-midi à la gare de Bussoleno à 18 heures. Celui-ci s’est transformé en cortège de 250 personnes environ, qui a tout d’abord bloqué la route nationale, puis tenté d’envahir l’autoroute. La police a réussi à se mettre à temps en travers du chemin pour empêcher cette première tentative, mais elle a vite été contournée par un gros groupe de manifestants qui, éparpillés dans les prés, se sont emparés de l’un des deux côtés de l’autoroute. L’occupation de l’autoroute a duré environ une demi-heure jusqu’à ce qu’arrivent de nouvelles troupes de police qui l’ont attaquée à coups de lacrymogènes et de quelques charges. 5 personnes ont été arrêtées au cours de ces évènements, dont deux ont été relâchés peu après. L’autoroute a été réouverte, bien protégée par les uniformes, tandis que la nationale était encore bloquée. Autour de 23h30, les trois No TAV arrêtés lors des charges sur l’autoroute ont fini par être libérés avec une convocation devant le tribunal.

Repris et (un tout petit peu) adapté de Macerie

Note : Une grande manifestation est appellée le 21 février à Turin pour démontrer que tout continue et que ces 145 années de prison qui ont été distribuées n’entament en rien la détermination de la lutte.
Ora e sempre No TAV !

Italie : Cadeaux de Noël

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Il y a quelques jours, nous nous plaignions du fait que la discussion autour des « incendies de Noël », potentiellement riche de points intéressants, aie déraillé avant même de naître. A plus d’une semaine de distance et malgré l’invitation des compagnons de Bologne de la remettre sur les rails, la situation nous semble en fait avoir empiré. Essayons donc d’y offrir nous aussi une contribution : qui sait si cela sera utile. Une note de méthode, avant de commencer. Le « nous » qui parle dans ces lignes ne se réfère ni à un individu sujet à des délires d’omnipotence, ni à des groupes particulièrement élargis de compagnons : ceux qui parlent ici sont simplement les rédacteurs de Macerie.

Sous sous une proposition

Reprenons depuis le début. Au cours des nuits précédant Noël dernier, d’abord à Florence et ensuite à Bologne, quelqu’un met le feu aux câbles du mécanisme de gestion et de contrôle du trafic de la ligne à Grande Vitesse. Matériellement, il y  peu de dégâts, mais dans les deux cas, le système fait tilt et les retards s’accumulent aux retards, dès l’aube – et ça, c’est un dégât conséquent. Personne ne se fait mal, ou n’aurait pu se faire mal ; simplement, deux fois en quelques jours, la circulation ferroviaire est compromise sur ces tronçons, en particulier ceux des trains super rapides.

Le lien entre ces faits et la lutte contre le TAV surgit de façon spontanée, puisque ce sont justement des canaux et des transformateurs électriques de la nouvelle ligne qui sont partis en flammes ; du reste, il y a quelques années déjà que de gros groupes d’opposants au train armés de banderoles et de  drapeaux envahissent périodiquement les voies dans toute la botte, pour bloquer les Frecciarossa, Frecciabianca et Frecciargento – ou les TGV de passage – en repeignant parfois les wagons, mais qui provoquent toujours des retards en chaîne sur les lignes. Il n’est pas complètement fou que parmi les milliers et milliers d’opposants au train super rapide se trouvent également des gens qui, ce Noël, ont voulu expérimenter un différent moyen d’obtenir le même effet que ces blocages déjà si répandus. Rien de particulièrement nouveau, par ailleurs : il y a moins d’un an, ouvertement déclaré en solidarité avec les arrêtés du 9 décembre, quelqu’un a bloqué la ligne à la hauteur de Rome en lançant une chaîne pourvue de briques à chaque extrémité sur les câbles, et personne n’a exprimé de suspicions particulières ou n’a eu quelque chose à en redire.

Seuls ceux qui y étaient peuvent dire pourquoi ce qui est arrivé est arrivé, mais il nous semble qu’il s’agit somme toute d’une situation limpide. Pour leur part, les journalistes et les politiciens ont fait leur métier, et de la façon habituelle, en brandissant une terreur et un terrorisme qui n’existent ni au ciel ni sur terre : après les incendies de Noël, les usagers habituels de la Grande Vitesse n’auront certainement pas peur de prendre ce train, ou alors seulement parce qu’ils sauront que ce train est tellement mal vu qu’il…arrive souvent en retard ; ceux qui ont subi les retards en chaîne sur les trains « normaux » n’ont eu aucune raison non plus d’être terrorisés. Parmi les passagers, il y aura certainement aussi eu des gens qui, solidaires avec la lutte contre le TAV, se seront marrés ; et puis d’autres qui auront été bien satisfaits d’avoir une bonne excuse pour rater quelques heures de travail. Les autres, la majorité, se seront simplement énervés ou seront restés indifférents, comme pour tous les blocages faits avec les banderoles et drapeaux de ces dernières années. Mais il ne suffit certainement pas d’une accointance de lieu et de date pour faire un parallèle avec les stragi de la gare de Bologne*, de l’Italicus** ou du Rapido 904***, qui ont sans doute possible été des épisodes de terrorisme, mais qui ont ici autant de rapport que des choux au petit déjeuner. Du reste, l’intelligence des journalistes est une chose mystérieuse et insondable, et il n’est pas toujours facile de comprendre où termine le raisonnement malveillant et la provocation étudiée (comme ces rapprochements abusifs) et où commence le simple laisser-aller, la tendance continue à la bêtise (comme dans le cas des signatures graffitis prises pour « la revendication No TAV »).

Malgré la confusion semée par les journaux et les politiciens, et surtout en absence d’éléments contraires, qui nous semblent inexistants dans le cas présent, il n’y a aucun sens de se demander, comme certains l’ont fait : « Mais ce sont vraiment « des nôtres » qui l’ont fait ? Ou il y a quelque chose qui se trame dans l’ombre ? ». Ce qui a du sens, par contre, c’est que chacun se demande si ces faits ne portent pas avec eux une proposition adressée à tous, si cette proposition est sensée, acceptable ; si elle est à défendre et à reproduire ou, au contraire, à laisser retomber dans le vide.

Possibilité à cueillir, ou pas

Du reste, il y a un an et demi, les choses se sont déroulées plus ou moins comme ça. On s’est réveillés le matin avec la nouvelle de l’attaque du chantier du 13 mai, avec les journalistes et les politiciens qui piaillaient et alimentaient la confusion. La « nuit du compresseur » portait en soi des éléments de rupture – que ce soit d’un point de vue organisationnel que de celui du choix des instruments pratiques – par rapport à ce qu’à ce moment-là le gros du « mouvement No TAV » était disposé à pratiquer et à soutenir, mais aussi des éléments de grande continuité : c’était un pas, une possibilité en plus qui ne pouvait évidemment pas être proposée, discutée et organisée dans les assemblées populaires ou dans les coordinations des comités, mais qui répondait (adéquatement ou non, ce n’est pas le sujet ici) à une nécessité de la lutte. De fait, quelqu’un a donné sa propre lecture de la situation, en a discuté et s’est organisé avec ceux qu’il préférait et, la nuit du 13 mai 2013,  fait ce qu’il avait à faire. Ce n’était certes pas la première fois que quelque chose du genre arrivait, mais jamais avec autant de force. Et comment a réagi, de son côté, le « mouvement No TAV » ? Il a lu cette nuit comme ce que, à notre avis, elle était : une proposition. Pour être clairs, lorsque nous parlons de « mouvement No Tav », nous le faisons dans la seule acception de ce terme qui nous plait, à savoir l’ensemble vivant, multiforme et privé d’une logique univoque qui recouvrerait ceux qui s’opposent à la construction de la ligne du super-train. Et c’est pour cela même que l’on ne pouvait clairement pas s’attendre à ce que cette proposition soit accueillie de façon unanime, ni univoque, ni définitive non plus. Où et quand vérifier une éventuelle unanimité ? Comment éviter que, de cette « nuit du compresseur », chacun ne prenne que ce qu’il veut et peut, ou que cette proposition ne soit favorablement accueillie que pour ne pas se retrouver hors jeu ? Et, enfin, nous sommes convaincus que le slogan « indietro non si torna » [”On ne retourne pas en arrière”] est un slogan qui décrit bien la fermeté et la détermination, mais pas la réalité des luttes où l’on doit être toujours disposés à recommencer depuis le début. Mais nous pouvons dire que, au moins en ce qui concerne son aspect le plus immédiatement pratique (l’usage du sabotage), cette proposition a été jugée comme positive par une frange considérable du mouvement, et les mots d’ordre hurlés à en perdre la voix après les arrestations de Chiara, Niccolò, Claudio et Mattia le démontrent suffisamment, nous semble-t-il. Son aspect méthodologique, c’est-à-dire la possibilité de s’organiser en-dehors des assemblées populaires et des coordinations des comités est par contre demeuré globalement dans l’ombre, et nous pouvons dire que cela n’a pas été entièrement digéré : cela est parfois accepté, comme dans le cas des sabotages survenus en Vallée l’été 2013 contre les entreprises impliquées dans l’affaire, et parfois non. Et l’air de ces derniers jours nous semble le démontrer.

Si ce n’est maintenant…

Revenons-en donc aux faits de Noël. Selon nous, ces incendies ont été une bonne idée. La ligne à Grande Vitesse est, selon l’expression dont on abuse et très banale, un géant aux pieds d’argile : les soldats enfermés à double tour dans le chantier de Chiomonte ne peuvent certainement pas suffire pour surveiller des centaines et des centaines de kilomètres de voies qui, dispersées dans tout le pays, sont un peu les nerfs à vif d’une Grande Oeuvre qui n’est pas haïe et n’a pas fait de dégâts qu’en Val di Susa. A travers la lutte de ces dernières années, les Valsusains ont conquis une sympathie, dans toute l’Italie, qui s’est souvent transformée en soutien concret et déterminé ; et il y a aussi les gens qui sont opposés au TAV et qui sont disposés à se battre au-delà des histoires spécifiques de la lutte dans la Vallée. De plus, avec les rassemblements devant les auberges, les entreprises et les blocages de gares, les lieux dans lesquels se déroule la lutte se sont déjà extraits du seul chantier. Pour cela, le saut ne nous semble pas du tout incompréhensible, et la suggestion de ces nuits de Noël aurait pu encore être reprise, et ailleurs : la qualité des initiatives telles que celles-ci résident dans leur potentiel aspect quantitatif, c’est-à-dire dans la possibilité que, ne semblant pas complètement extraterrestres au contexte ni difficilement réalisables, celles-ci soient reprises par d’autres et répétées, augmentant leur caractère incisif. Il est vrai que des initiatives telles que celles-ci échappent, du fait de leur nature, aux discussions publiques préalables, et posent aussi des problèmes pour la discussion de l’immédiateté de l’ensuite – alors qu’il faut déjà toujours faire gaffe à ce que nos perplexités ne finissent pas par indiquer aux flics, par élimination, les suspects sur lesquels enquêter. Mais il est également vrai que, si l’on ne se sentait pas obligés de répondre à chaque sifflement des journaux, on pourrait trouver une façon de se confronter, parce qu’il est toujours important de discuter et de critiquer ; et il est encore vrai que lorsque les propositions sont inadéquates dans une situation donnée, elles ne trouveront tout bêtement personne pour les accueillir, et mourront d’elles-mêmes. Et puis, il faudrait se résigner au fait que le « mouvement No TAV » ne peut être une signature, ni un seul contexte organisationnel, mais un ensemble beaucoup plus vivant et hétérogène où il n’est pas forcément obligatoire d’être tous d’accord et où personne ne peut prétendre tout contrôler. Cette fois, les choses sont allées au-delà de ça, avec les affirmations objectivement délatrices contenues dans un bref article publié par l’un des sites les plus suivis du mouvement. Des affirmations corrigées par leurs propres auteurs le jour suivant, quand elles avaient déjà largement circulé, finissant jusque dans les journaux. Ce ne sont que ces tout derniers jours que les auteurs ont publiquement admis, à la fois par écrit et dans les assemblées, qu’ils avaient fait une erreur. Il est important qu’il l’aient reconnu, étant donné qu’il est fondamental de signaler qu’il n’y a pas de polémique qui justifie ce genre de dérapages ; et s’ils l’avaient fait plus tôt, nous aurions évité cette longue série de communiqués, rédigés avec des tons et des manières diverses, et parfois tout sauf précis, qui demandaient des comptes. Et il aurait été possible de discuter de choses plus intéressantes.

En somme, ces incendies nous semblaient être une bonne idée à Noël, et ils nous semblent être une bonne idée encore à présent. Cela dit, si ce qui semble être une bonne idée ne fonctionne pas ou ne prend pas racine, on peut aussi, à un moment, la mettre de côté et… la garder sous le coude pour quand elle pourra s’enraciner et fonctionner. Et le point central est peut-être celui-ci. Chacun d’entre nous peut évaluer le caractère adéquat d’une proposition donnée dans une situation donnée, puis conclure : « pas mal du tout cette idée, dommage que ça ne soit pas le meilleur moment ». Mais ensuite, les efforts doivent être faits pour que demain puisse se faire ce qu’il n’est pas possible de faire aujourd’hui, parce que si certaines conditions qui rendent adéquat au contexte un fait particulier sont imprévisibles et tout à fait séparées de notre volonté, d’autres dépendent de nous, de la clarté de nos discours, de la direction dans laquelle nous décidons d’aller. Ceux qui ont pensé que les sabotages de Noël étaient une bonne idée en théorie, mais à mettre en pratique à un autre moment de la lutte (par exemple lors d’un des pics combatifs du mouvement, comme juste après la chute de Luca du pylône ou à certains moments du procès des quatre du 9 décembre) et parlent maintenant de ces initiatives comme de dépréciables « chiffons imbibés d’essence » n’en favoriseront certainement pas la reproposition, mais au contraire, en éloignera à l’infini la mise en pratique. Un raisonnement identique peut se faire pour ceux qui pensent que le sabotage est effectivement un bon outil, mais à utiliser au compte-gouttes, puisqu’il n’a pas encore été digéré par le gros du mouvement, qui l’estime utilisable contre le chantier et ses prolongations dans la Vallée seulement, et non pas contre les lignes déjà en fonctionnement : il faudra alors trouver les moyens pour en favoriser la digestion, avec des discussions et avec des propositions pratiques. Et il nous semble que l’exact contraire a été fait : nous comprenons la fougue polémique, mais quelque chose ne nous va pas.

Est-ce tout ? Non, nous voudrions, au moins pour cette fois, vous indiquer deux facteurs apparemment opposés qui contribuent tout deux à ranger un peu trop vite de côté la proposition contenue dans les incendies de Noël : l’éternelle théorie du complot et l’opposition entre ces épisodes et la lutte « dans la Vallée ».

Sombres ficelles et réflexes conditionnés

Il existe en Italie une mentalité diffuse qui veut toujours voir sous la superficie des choses des complots cachés et des intelligences occultes qui ont le pouvoir et la capacité d’organisation pour mettre sur pied des raisonnements machiavéliques et sans scrupules. Des grandes trames obscures, il y en a eu, et il y en aura d’autres – Piazza Fontana**** nous l’a tristement appris. Et il y a et il y aura toujours des toutes petites trames de complot, faites de calculs individuels mesquins, comme dans le cas récent du chauffeur de Rinaudo. Mais bordel, on ne peut pas transformer cela en moteur du monde ou, plus banalement, en clé de lecture pour tout ce que l’on ne comprend pas ou qu’on ne partage pas. Il y a des éléments concrets, factuels, des contradictions grosses et visibles dans les faits qui se produisent, pour autant que nous puissions les connaître. Pour faire un exemple simple : le tag du Nouvel An attribué à Noa, qui énumère à tort et à travers des noms de compagnons, et menace, et promet sans rien faire, est évidemment un bobard bon pour les journaux en mal de titres ronflants (qu’il s’agisse d’un faux étudié et organisé ou, plus simplement, de l’accouchement de travers d’un mythomane, nous ne nous hasarderons pas sur ce terrain). Mais dans le cas des incendies de Noël, la seule chose « bizarre » n’est pas dans le fait en soi, mais dans la narration qu’en ont fait les journaux, dans la démence manifeste avec laquelle ils ont préparé les fotogallery du graffiti. Mais que les journalistes soient sélectionnés pour leur bêtise et pour le mauvais fonctionnement de leurs synapses est un mystère que nous avions déjà découvert depuis quelque temps. Ou devrions-nous peut-être donner du crédit au juge Imposimato qui, en vertu de sa longue expérience et du haut de son profil facebook, nous informe que ces incendies sont une « stratégie de la tension » : et qui le lui a dit, à celui-là ? Et sur la base de quels éléments, de quel raisonnement, de grâce ? Et accepter aujourd’hui de lui donner un peu d’espace, à lui, n’est-il pas un peu semblable à si dans n’importe quelle lutte du futur, nos enfants acceptaient de se faire donner la leçon par Rinaudo ? Avec trente ans de plus, un peu de bide et un dentier, il ferait un parfait expert en terrorisme…

Soyons sérieux. Nous ne pouvons fournir aucune recette prémâchée pour identifier les canulars et les provocations et séparer à coup sûr, comme on dit, le bon grain de l’ivraie. Mais si nous ne pensons pas l’avoir nous-mêmes, nous ne pensons pas que qui que ce soit d’autre l’aie. Et puis c’est vrai : les désirs influencent le regard, et la confiance que nous avons dans l’initiative parfois individuelle, dans la détermination parfois éparpillée de ceux qui veulent se jeter dans la bataille contre le super-train, peut jouer de sales tours et nous faire prendre des lucioles pour des lanternes. Mais le comportement contraire, celui un peu esthétique de ceux qui prétendraient que tout se passe sous leur contrôle préventif, celui de ceux qui voudraient que ne se produisent que les choses qu’eux jugent opportunes, crée des effets qui nous semblent pires, puisque cela contribue à rogner les ailes à des possibilités de lutte qui peuvent par la suite nous servir à tous ; ou bien, ce qui revient plus ou moins au même, à empêcher la discussion à propos de propositions qui, comme cela peut arriver, sont simplement erronées ou mal placées.

Ces quelques lignes ne suffiront certainement pas à convertir les complotistes à tout prix, nous en sommes bien conscients, et nous sommes également conscients que cette mentalité suspicieuse que nous critiquons est très enracinée et n’est pas exclusive aux gens de mauvaise foi : il suffit d’aller faire un tour dans les contextes dans lesquels les luttes parviennent à impliquer non seulement les militants plus ou moins professionnels mais aussi les gens communs, dans les contextes dans lesquels le tissage des luttes rend possibles des discussions directes en éludant un instant le phantasme de « l’opinion publique », pour se rendre compte que l’hypothèse du complot est un réflexe conditionné qui se déclenche chaque fois que se passent des choses que l’on a du mal à comprendre et à partager. C’est pour cette raison que ceux qui, comme nous, critiquent cette mentalité, devraient arrêter de hurler, du sang plein les yeux, « politiquards opportunistes » [politicante paraculo] chaque fois qu’ils la voient réémerger périodiquement. Non pas parce qu’il n’y aurait personne qui lui donne de l’espace par simple calcul politique et pas non plus par conviction propre avec pour unique objectif de déqualifier des pratiques plus généralement ou à certains moment retenues non opportunes  : il y en a, et comment, qui continueront de le faire tant qu’ils trouveront un terrain fertile dans les milieux de lutte. Et nous ne pouvons intervenir sur ce terrain seulement si nous apprenons d’un côté à critiquer ce réflexe conditionné et, simultanément, pousser vers la compréhension critique des faits qui l’ont déclenchée.

Bloqués au presbytère

Des dommages identiques risquent certainement d’être provoqués, paradoxalement, par certains des défenseurs les plus ardus de ces incendies de Noël. Déjà parce que dans ce chaudron, on trouve aussi certaines personnes qui ont voulu pointer une opposition nette, très nette, entre la lutte dans la Vallée et les sabotages de Bologne et de Florence : là-haut, tout est nase, comme il a été dit, et ces sabotages sont un bon moyens de ne pas y mettre les mains au milieu, mais à distance de sécurité. Là-haut, en montagne, parlementaires, maires, magistrats, écrivains boudeurs et glissants et tous types d’animaux politiques ; ici-bas, de nuit le long des voies, ceux qui sont contre le super-train mais aussi contre le Parlement, les Mairies, les Tribunaux, les artistes engagés, la basse politique des groupuscules et tout ce que ceux qui en ont voudront bien y rajouter. En somme, les anonymes et inconnus saboteurs de Noël auraient adressé leur proposition… aux anarchistes ! Et même pas à tous, parce que si en ce qui concerne le Parlement, les Mairies et les Tribunaux, les anarchistes sont d’accord entre eux, le débat est encore ouvert sur l’art et le militantisme. Si la proposition est celle-ci, il est évident qu’elle ne pourra pas s’étendre plus que ça et encore moins « déborder » : les anarchistes sont ceux qu’ils sont, ont les forces qu’ils ont, et le gros du « mouvement No TAV », sur ces sujets, a des positions des plus variées et disparates. Il en resterait donc forcément des bouts laissés de côté. Certes, il n’y a pas que le « mouvement No TAV » ! Mais nous ne voyons vraiment pas comment et pourquoi un exploité de San Zenone au Lambro, qui en a plein les couilles d’une vie d’exploitation, finalement déterminé à combattre mais tout à fait ignorant des débats du mouvement, doive reprendre ces bons exemples de Noël dans un sursaut de rage. Il ira beaucoup plus probablement mettre un bon coup de boule au responsable d’Equitalia de son bled, ou à son chef au travail : il fera une chose bonne et juste, donnant peut-être par là un exemple contagieux prêt à se diffuser en tâche d’huile et sans rien d’autre à soutenir mais… ceci est une autre histoire.

Rendons-nous clairs : nous ne sommes en rien opposés au fait que les anarchistes, sur le TAV ou sur autre chose, se fassent de temps en temps des propositions, y compris de cette façon, y compris à distance. Par contre, il n’est pas possible de s’attendre à ce qu’il se passe autre chose que ce les anarchistes sont en capacité de déterminer directement. Dans le cas présent : quelque sonnerie, un peu de carillons… Nous manquons peut-être de charité de Patrie, mais nous tendrions à exclure les volées de cloche.

Comme toujours, chacun voit dans les choses ce qu’il veut y voir. Et nous, dans les incendies de Noël, nous avons voulu y voir une proposition adressée au « mouvement No TAV » qui, par chance, est autre chose qu’une simple accumulation de petits groupes politiques. Une proposition qui aurait pu être accueillie favorablement et, qui sait, peut-être pu déborder ; si cela c’était passé ainsi, ceux qui nous ont collé cette opposition ne lui ont certainement pas rendu service, puisqu’ils contribuent à l’enfermer dans une dispute entre paroisses militantes. Et les cloches de ces paroisses ont effectivement sonné à la volée ces derniers jours.

Macerie, 19 janvier 2015
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Notes de Contra Info : * Le 2 août 1980, une bombe explose dans la gare de Bologne, tuant 85 personnes et blessant plus de 200 autres. Cette bombe y a été placée par les Noyaux Armés Révolutionnaires, un groupe néo-fasciste armé de l’époque.
** Le 4 août 1974, une bombe explose dans le train Italicus, tuant 12 personnes et en blessant 48 autres. L’organisation néofasciste Ordine Nero revendique l’attentat.
*** Le 23 décembre 1984, une bombe explose dans le train Naples-Milan, provoquant 17 morts et 265 blessés. Des mafieux seront condamnés pour cet attentat.
**** Le 12 décembre 1969, une bombe explose dans la Banque de l’Agriculture sur Piazza Fontana, à Milan, provoquant 16 morts et 88 blessés. Les anarchistes ont d’abord été accusés, avant que tout n’indique que l’attentat venait des milieux néofascistes.

Italie / Espagne : Réflexions sur la répression

Le tortionnaire est un fonctionnaire.
Le dictateur est un fonctionnaire.
Bureaucrates armés, qui perdent leur emploi s’ils n’accomplissent pas leur tâche avec efficacité.
Ce ne sont pas des monstres extraordinaires.
Nous ne leur ferons pas cadeau d’une telle grandeur.

Eduardo Galeano

La matinée du 9 décembre, un nouveau mandat de capture a été remis à Francesco, Graziano et Lucio, déjà accusés du sabotage de la nuit du 13 au 14 mai 2013 et en prison depuis le 11 juillet 2014, dans lequel on trouve l’accusation d’attentat à la vie humaine (art. 280), fabrication d’armes de guerre (art. 280 bis) et l’aggravant de finalité terroriste (art. 280), c’est-à-dire les mêmes accusations que celles qui étaient portées contre Claudio, Chiara, Mattia et Niccolò. Pour l’occason, ils ont subi une fouille de leurs cellules et la confiscation de matériel et de courrier. Quelques-uns d’entre eux ont vu leurs parloirs immédiatement bloqués et Lucio a été placé à l’isolement. Après la sentence contre les quatre, pour qui l’accusation de terrorisme est tombée, car le fait n’est pas retenu. Mais le terrorisme reste utilisé contre Francesco, Graziano et Lucio. Lucio reste en isolement dans la prison de Busto Arsizio, et son transfert aura lieu d’ici peu, tandis que Francesco et Graziano ont été transféré à Ferrara dans le module de Haute Sécurité AS2,* où il leur est interdit de se voir entre eux ou de voir les autres compagnons de la section, donc en isolement. Plus tard, ils ont ré-obtenu la promenade en commun.

Au même moment, en Espagne, quelques jours après l’approbation de la loi Mordaza, une opération répressive du nom de Pandore commence contre le « terrorisme anarchiste ». Des 11 personnes arrêtées, 7 sont encore actuellement détenues.

L’appareil judiciaire est un théâtre de papier, mais protégé d’une forte cuirasse qui change de forme selon ses intérêts. Ses lois, ses matraques et ses condamnations nous touchent à différents niveaux et de différentes façons.

L’une des multiples finalités de la répression est de rompre et de dépersonnaliser l’identité individuelle et collective. L’identité nous aide à soutenir les idées, la sécurité émotionnelle et donc notre capacité d’action et de réaction, nous donnant conscience des diverses situations et de notre rôle au sein de celles-ci.
C’est justement pour cela qu’il est nécessaire de partager les réactions personnelles et de les élaborer collectivement dans les groupes d’affinité, pour les transformer en force collective. Nous avons toutes et tous besoin d’affection, de lumière, d’ombres, de chaleur, de soupapes de décompression, de soin et de conflit.

Lorsqu’une personne est arrêtée, la frustration et l’impuissance qui nous envahissent ne sont pas faciles à gérer, elles nous rendent désorganisés, passifs, distants de celles et ceux qui sont dedans. Et il est d’une importance fondamentale de transformer ces sentiments en un dialogue actif avec ceux de l’intérieur. Cette guerre permanente nous fait mal, c’est un doigt dans la plaie, mais nous devons nous en servir pour créer des ponts entre celles et ceux qui sont dans la petite cage oppressante de la prison et celles et ceux qui sont dans la grande cage apparemment confortable qu’est la société. Que la rage soit le carburant de nos actions, mais que l’occasion de réfléchir le soit également en créant des espaces d’intimité, de confiance, de convivialité, pour brûler les peurs qui nous réfrènent.

Partager analyses et sentiments avec d’autres, qui ont déjà vécu des situations de répression, aide à construire et à renforcer la lutte, la solidarité, nous-mêmes.
Accepter le langage du pouvoir, sa violence physique et psychique, dans le personnel comme dans le social, altère nos valeurs et risque de les faire disparaître et de nous englober dans le système.

Il est dès lors important de partir des expériences traumatisantes qui dérivent de la répression pour élaborer des moyens de les affronter, en renforçant par exemple des processus d’appui mutuel, en reconstruisant le réseau des groupes sociaux, la mémoire, en donnant priorité au sens communautaire. Tout cela est un parcours qui n’est pas facile, mais qui n’est pas impossible.

Il est nécessaire d’affronter la répression et les effets qu’elle a sur nos vies, de manière collective, pour créer de la conscience et des outils qui puissent nous donner de la force.

Quelques compagnonnes

* Note de Contra Info : Lucio a lui aussi été transféré depuis peu à Ferrara.

Bologne, Italie : Perquisitions suite à un sabotage de voie ferrée

Ci-dessous, le communiqué des anarchistes après la perquisition :

Mardi 23 décembre, autour de 11 heures du matin, la DIGOS de Bologne a fait irruption dans les maisons de quatre compagnons et compagnonnes à la recherche d’armes et d’explosifs (art. 41), suite à l’incendie des câbles sur la ligne de la grande vitesse Bologne-Milan quelques heures plus tôt aux portes de Bologne.
Les perquisitions se sont déroulées assez rapidement et n’ont mené à aucun résultat. Il s’agit évidemment d’une sorte de rite à accomplir suite aux piaillements de Lupi, qui a tout de suite parlé de terrorisme. Faire voir que la police est là et que la police agit.

Tout notre dégoût envers ceux qui continuent de mettre le nez dans nos maisons.
Toute notre solidarité pour Chiara, Claudio, Mattia et Nicco, finalement hors de prison, bien qu’encore en assignation à résidence, et à Graziano, Francesco et Lucio, encore en prison pour le sabotage du chantier du TAV le 13 mai 2013.
Liberté pour tous !

Les anarchistes perquisitionné-e-s

Italie : Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia assignés à résidence, Lucio transféré

musineUne semaine après leur condamnation, Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia ont été placé-e-s en assignation à résidence avec toutes les restrictions. Ils sortent donc de prison mais il leur est interdit de voir toute personne n’étant pas domiciliée dans la même maison.

D’autre part, Lucio a lui aussi, comme Francesco et Graziano, été transféré dans la section AS2 de la prison de Ferrara.
Si vous souhaitez leur écrire, leur adresse est :

Francesco Sala
Graziano Mazzarelli
Lucio Alberti

c/o C.C. via dell’Arginone, 327
44100 Ferrara
Italia

de Macerie

Rovereto, Italie : Le centre Telecom attaqué en solidarité avec les prisonnier-e-s

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Le 13-12-2014, le centre Télécom de Rovereto a été attaqué. Les caméras ont été déviées et des engins incendiaires placés en différents points. Les compagnies téléphoniques, au-delà des dégâts environnementaux qu’elles créent, sont surtout des alliées de l’État pour le contrôle et la sécurité. Telecom, en particulier, est l’une des responsables de la vidéoconférence imposée aux détenus en Italie.

En solidarité avec Adriano et Gianluca a qui cette vidéoconférence a été imposée, avec Maurizio Alfieri a qui elle a été imposée pour ses luttes en prison, à Monica et Francisco et aux derniers arrêtés de la dite « affaire Pandora ». Un salut aux 11 arrêtés à Barcelone. A Alfredo et Nicola pour avoir revendiqué l’attaque de l’un des responsables de la mort nucléaire. Aux détenus No TAV parce que les compagnies téléphoniques ont eu un rôle fondamental dans la répression. A Tamara Sol accusée d’avoir tiré sur un vigile de banque. En souvenir de Sebastián Oversluij, Rémi tué par la police et tous ceux qui, partout dans le monde, affrontent l’autorité.

Pour l’action directe. Pour l’anarchie.

Italie : Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò condamnés à 3 ans et 6 mois

Après deux heures de réunion en chambre de conseil, la Cour d’Assise du Tribunal de Turin a condamné Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò à 3 ans et 6 mois chacun, les reconnaissant coupables d’avoir saboté le chantier de la Grande Vitesse, mais les relaxant du chef d’accusation principal, celui d’attentat terroriste, grâce auquel le Parquet avait demandé une peine totale de 9 ans et demi.

19.00 – Manifestation dans les rues de Bussoleno

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“Nous sommes No TAV / Nous arrêter est impossible / La vallée qui résiste… et ne s’arrête pas !”

18.00 – Rassemblement de solidarité à Brescia sur la Piazzetta Bella Italia, à l’angle de Piazza della Loggia

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18.00 – L’accusation de terrorisme est tombée, les sites internet du Parquet et du Tribunal de Turin tombent eux aussi, grâce à une attaque informatique d’Anonymous.

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“Le terroriste, c’est l’Etat qui dévaste. LIBERTE POUR LES NO TAV”

17.00 – A Florence, un cortège de solidarité défile dans les rues du quartier de Rifredi, dans les environs du chantier de la Grande Vitesse.

14.00 – Un groupe de personnes solidaires bloque l’autoroute Turin-Fréjus à la hauteur de la galerie de Giaglione, interrompant la circulation.

13.00 – Un train régional venant de Milan vers Turin est arrêté par la police ferroviaire à la gare de Novara, avec à bord 30 No TAV qui avaient très justement refusé de payer leur billet.

Une interview téléphonique (en italien) d’un compagnon présent au tribunal sur Radio Blackout, et un commentaire plus articulé (toujours en italien) sur Radio Onda Rossa.

Entretemps, Francesco et Graziano, arrêtés en juillet avec Lucio pour les mêmes faits que les quatre condamné-e-s d’aujourd’hui, ont été transférés dans la section de Haute Sécurité de la prison de Ferrara. Le transfert est une conséquence directe de l’accusation « d’attentat à finalité terroriste » que le Parquet de Turin a porté contre eux il y a une semaine. Leur nouvelle adresse est donc :

Graziano Mazzarelli

Francesco Sala

c/o C.C. via dell’Arginone, 327 – 44100 Ferrara

Celle de Lucio reste pour le moment la même :

Lucio Alberti

c/o C.C. via Cassano Magnago 102 – 21052 Busto Arsizio (Varese)

17 décembre, Macerie

Italie : Lettre de Francesco Sala depuis la prison de Crémone

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Il n’y a pas de temps à perdre

La seule chose à propos de laquelle tous étaient certains en ce qui concerne le procès du « compresseur », c’est qu’il ferait cas d’école.
Les docteurs de la loi en étaient sûrs, eux qui auraient eu d’autres sentences de Cassation à citer dans leurs raisonnements pour conforter leurs propres thèses.
Les avocats en étaient sûrs, eux qui n’avaient jamais affronté une accusation aussi créativement formulée.
Et puis les journalistes (et la chose est vraiment notable), qui ont été les premiers à utiliser le mot terrorisme dans un contexte aussi populaire que l’est le mouvement No TAV.
Avec autant de nouveautés, on comprend bien comment on est en train d’assister à Turin, au-delà d’un procès, à une expérience répressive de grande portée.

Que les recours avancés par les mouvements soient déclassés par le Pouvoir en place vers de simples questions d’ordre public, il n’y a là rien de nouveau en soi… Depuis Spartacus, il n’a pas été de subversif qui n’aie été traité en tant que criminel.
Mais le glissement conceptuel vers une idée de terrorisme englobant tout que cette enquête veut mettre en place mérite, je crois, une certaine attention.

Aujourd’hui, dans les nouvelles formes de l’économie globale des flux, l’État a perdu tout résidu de cet adjectif « social » qu’il avait souvent utilisé, lors des décennies précédentes, comme contre-poids de la répression. Son rôle se réduit à celui de gendarme d’une société toujours plus fragmentée et toujours moins gérable. Mais un Pouvoir qui sait gouverner seulement à travers l’instrument jacobin de la peur est pris de panique pour chaque petite virgule ne se trouvant pas bien à sa place et qui pourrait menacer son ordre. Et c’est pour cela qu’il a une faim incessante d’outils répressifs toujours plus nombreux.
Au sein de la société de la communication, la forge de ces outils réside dans le discours de la Peur véhiculé par les médias.
Lentement, mais constamment, les manifestations, les recours, les idées, les actions et n’importe quel acte qui mette en lumière une alternative à l’existant se teinte d’une inquiétante couleur criminelle-offensive qui met en danger sa sécurité.

Et voilà que, lentement, on fait tomber des affirmations toujours plus infamantes et effrayantes, jusqu’à en arriver au terrorisme ; mot qui, après le 11 septembre, a fait enregistrer beaucoup de ventes aux journaux, prêts à l’utiliser au moindre soupçon. On sait en effet que rien ne vend plus que les émotions et le sensationnalisme. Et le terrorisme réussit à faire confluer les deux sous un unique terme.

Jusqu’à il y a quelques années seulement, le « terrorisme » était un terme que l’on associait uniquement à des attentats aveugles contre la population civile (dont la plus célèbre, comme c’est étrange, fut orchestrée à l’usage et au bénéfice de ceux qui voulaient un tournant réactionnaire…). Mais nous voyons toujours plus souvent comment le terme est utilisé avec désinvolture par les soi-disant organes d’informations et, parallèlement, toujours plus souvent, comment les héroïques appareils de l’Antiterrorisme sont voués à élargir leur champ d’action, jusqu’à inclure récemment les expulsions de maisons occupées.
Comme on l’a dit, en ces temps incertains et de crise, le moindre signe d’insubordination doit être sévèrement réprimandé, et toute hypothèse d’organisation alternative de la vie, par rapport à celle en vigueur, devient immédiatement scandaleuse. Et, comme on l’a vu, la réponse du Pouvoir face à tout cela est hystérique, décomposée et vindicative.

Un comportement semblable de la part d’une institution est le signe le plus évident d’à quel point celle-ci a peu à offrir à ses sujets, sinon l’incessante reproduction d’elle-même.
Celles et ceux qui ont à cœur l’émancipation humaine et croient en des communautés tenues ensemble par la solidarité mutuelle et par les affects personnels, ont peu à partager avec ceux qui croient à une société d’individus rangés et tenus ensemble par la peur du prochain et par des liens économiques de convenance.

Terrorisme et Victimisme (son double spectaculaire) sont des concepts utiles pour ceux qui veulent gouverner, avec le peu de moyens encore à disposition, le marasme social qu’est devenu la société grâce à l’action incontestée d’un capitalisme de vol et de pillage.
Le paradigme économique libéral a créé la (triste) organisation sociale actuelle, qui a besoin d’une violence quotidienne contres les exclus des bénéfices de son économie pour se perpétuer, ainsi que d’un permanent sens de l’incertitude (qu’il a lui-même contribué à créer) qui rende les gens plus disponibles à l’obéissance.

Voilà ce que nous offre l’existant.

Celles et ceux qui pensent que l’économie est un moyen pour pourvoir aux nécessités matérielles et non un outil d’enrichissement par expropriation, celles et ceux qui pensent que l’affectivité dépasse les schémas rigides de la famille, celles et ceux qui pensent qu’une horloge n’est pas un outil pour découper le cadavre de journées toujours égales, et en définitive celles et ceux qui croient en l’alternative scandaleuse de l’émancipation humaine, doivent sentir l’urgence de s’organiser pour donne vie aux rêves qui les alimentent et pour créer une alternative réelle qui puisse résister à l’écroulement des ruines d’une réalité misérable.

Commençons dès aujourd’hui.

Amor y Rabia

Fra

Crémone, 30/11/2014

Francesco Sala
Casa Circondariale

via Palosca 2 – 26100 Cremona, Italie

Italie, NoTAV : Graziano, Francesco et Lucio eux aussi accusés de terrorisme

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A exactement un an des arrestations de Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò, et à un peu plus d’une semaine des réquisitions énoncées contre eux, l’accusation de terrorisme est désormais aussi portée contre Lucio, Francesco et Graziano. En prison depuis juillet, les trois n’étaient accusés jusqu’ici “que” de détention et de transport d’armes de guerre, de dégradations par incendie et d’autres délits mineurs, auxquels s’ajoutent ce matin les articles 280 et 280bis : l’attentat à finalité terroriste. Cette déplaisante surprise a été accompagnée de la perquisition de leurs cellules, avec mise sous scellés de diverses choses, le tout incluant aussi le blocage des parloirs. Un parent et une amie autorisé-e-s de façon régulière ont en effet été repoussé-e-s ce matin, et informé-e-s qu’ils devront requérir de nouvelles autorisations. Nous ne savons pas encore si, comme cela a été le cas pour les 4, les parloirs seront bloqués pour un certain temps, ou s’il s’agira dans ce cas seulement d’une brève suspension. Sur le moment, il n’est pas non plus possible de prévoir où et quand les trois seront transférés, puisque l’accusation de terrorisme prévoit un régime de détention de Haute Sécurité.

Pour sortir, enfin, de ce qui ce passe dans les salles des tribunaux et dans les instituts pénitentiaires, plusieurs centaines de personnes ont parcouru et bloqué les routes de Val Susa ces derniers jours, pour les libération des sept compagnon-ne-s en prison. Dans la nuit de dimanche, un long et bruyant cortège a traversé la ville de Susa, en s’arrêtant en particulier devant l’hôtel Napoleon où, à l’aide de fumigènes et de bruits de métal, a été dérangé le repos des forces de l’ordre qui y sont logées. Le jour suivant, le 8 décembre, anniversaire de la bataille de Venaüs en 2005, deux groupes de manifestant-e-s ont tenté d’atteindre la zone du chantier depuis deux endroits distincts. Un groupe s’est retrouvé à Giaglione et est parvenu, par les sentiers, à contourner les barrages des forces de l’ordre et à rejoindre le chantier, où tout le monde a battu sur les grilles. Le groupe qui s’était donné rendez-vous à la Centrale de Chiomonte s’est trouvé face à un blocage des forces de l’ordre sur le pont en face du portail de la Centrale et a donc décidé de remonter vers la nationale 24, qui a été bloquée durant plusieurs heures. D’autres gens se sont dirigés vers la gare la plus proche, où le passage d’un TGV a été bloqué par l’occupation des voies. A la fin de l’après-midi, un gros groupe de manifestant-e-s est retourné vers la Centrale, où a commencé un long battage de métal, qui n’a cependant pas trouvé de succès auprès des forces de l’ordre, qui ont répondu avec des canons à eau et des lacrymogènes.

La journée s’est achevée comme ça, et tout le monde s’est donné rendez-vous le 17 décembre, jour du rendu du procès.

A 09 heures dans l’Aula Bunker pour saluer Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò et, dans l’après-midi, à 17h30, sur la place du marché de Bussoleno pour décider quoi faire après le verdict de la Cour d’Assise.

Macerie, 9 décembre 2014

Lyon/Turin – Terzo Valico, Italie : Le sabotage est compagnon de celles et ceux qui luttent

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Ci-dessous, la traduction du texte d’un tract distribué lors de la manifestation du 21 novembre contre le Terzo Valico :

Mêmes intérêts, même police, une seule lutte.

Du 14 au 22 novembre, le Mouvement No TAV a appelé a une semaine de mobilisation en solidarité avec Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò, accusés de terrorisme pour le sabotage d’un engin sur le chantier de la grande vitesse de Chiomonte dans la nuit du 13 mai 2013. Les procureurs de Turin Andrea Padalino et Antonio Rinaudo ont récemment requis contre eux des peines de 9 ans et 6 mois de prison.

Conscients du fait que le Terzo Valico entre Ligurie et Piémont et la grande vitesse en Val di Susa sont deux parties du même projet de dévastation et d’exploitation du territoire, toutes deux conséquences de l’actuel modèle de développement et utiles à ce que les intérêts d’un petit nombre prévalent à ceux de l’ensemble, nous pensons que la meilleure façon d’exprimer notre solidarité envers nos compagnon-ne-s et leurs pratiques est de continuer la lutte.

La course continue vers ce progrès qui nous fait tant déchanter, et dont le seul effet est l’incessante destruction de la planète, nous est présenté comme étant l’unique scénario imaginable, sans possibilité de choix. En réalité, ce n’est pas le cas : nous choisissons de lutter avec tous les moyens que chacun jugera nécessaires.

Mais les formes de protestation qui se cantonnent aux limites définies par l’État n’ont aucune efficacité. Les dernières inondations l’ont démontré : les manifestations de mépris et d’indignation des années précédentes tout comme les plus actuelles n’ont servi qu’à vendre plus de papier imprimé sans incommoder le moins du monde ceux qui sont aux commandes. Une fois la situation d’urgence terminée, tout redevient comme avant, avec quelques votes en plus que ceux qui ont été capables de montrer le plus d’indignation et d’empathie dans le malheur auront gagné. En attendant un autre désastre.

La même chose vaut pour le Terzo Valico, par rapport auquel les diverses manifestations contre les chantiers ne sont pas parvenues le moins du monde à en gêner l’ouverture, et ont même au contraire été enveloppées de l’indifférence de la plus grande partie des gens qui semblent tout accepter de bon cœur, avant de s’étonner ensuite que le terrain sur lequel travaillent les entreprises pour réaliser ces grands travaux se détériorent.

Il est aujourd’hui plus que jamais fondamental de dépoussiérer ces pratiques qui causent de réels dommages aux intérêts du Capital et de ceux qui en sont les complices conscients, des pratiques qui ont toujours été le patrimoine commun des exploités.

C’est justement pour cette raison qu’il nous enchante de savoir que l’illustre pratique du sabotage est sortie de Val Susa et est apparue à Gênes au sein de la lutte contre le Terzo Valico, à travers les sabotages d’une vingtaine d’engins des chantiers de Trasta, d’Erzelli et de la zone de Castagnola, et plus récemment au cours de la grève générale du 14 novembre, quand d’anonymes travailleurs ont tranché les câbles à l’intérieur du centre d’opération de l’AMT, empêchant la communication entre les transports publics et la centrale : de Chiomonte à Gênes, le sabotage est compagnon de celles et ceux qui luttent.

Cette splendide nuit de mai, nous étions tou-te-s là, et nous avions tou-te-s bien en tête que le sabotage des engrenages du TAV est possible.

Solidarité avec toutes les personnes arrêtées et sous enquête
Solidarité avec celles et ceux qui s’opposent et luttent contre la dévastation et l’exploitation des territoires !

Venise, Italie : Perquisitions et accusations de terrorisme pour avoir repeint un tribunal

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Venise – Dans les premières heures de la matinée du mardi 2 décembre 2014, les forces répressives ont perquisitionné l’ex-Ospizio Occupato Contarini pour une action No TAV ; l’accusation contre X est celle de 270sexies : l’accusation de terrorisme.

Ce matin, 2 décembre 2014, vers 10 heures 30, une quarantaine de Digos et de carbinieri en civil ont arrêté deux compagnons à l’extérieur de l’Ex Ospizio Contarini Occupato, à Santa Marta. Ils ont donc procédé, après plusieurs intimidations, à fouiller les deux compagnons, soustrayant par la force les clés de la maison occupée à l’un des deux.

Les flics sont donc entrés pour perquisitionner les locaux de l’espace, ont emporté des bombes de peinture et des pots de peinture qui reconduiraient à une action de solidarité No TAV ayant eu lieu le 16 novembre dernier, durant laquelle la façade du Tribunal de Venise a été repeinte de peinture rouge et de tags. Cette perquisition a pour motif la proximité toujours ouvertement démontrée envers le mouvement No TAV et, nous ne le découvrons qu’après, par le tristement célèbre délit de 270 sexies (actes à finalité de terrorisme), cette fois-ci dirigé contre des inconnus.

Le même délit pour lequel Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia sont en prison depuis le 9 décembre dernier pour avoir participé à une action de sabotage sur le chantier de Chiomonte !
La façon dont la magistrature de Venise cherche à utiliser les mêmes armes juridiques que celle de Turin apparaît clairement, avec ses manies de protagonisme et de recherche de carrières faciles, et ce afin de frapper, au-delà des No TAV directement impliqués dans des actions de sabotage, toutes les manifestations de solidarité vouées à faire s’écrouler cet infâme, autant que grotesque, château d’accusations.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le délit 270 sexies, introduit dans le code pénal en 2005 après les attentats de Madrid, crée un flou juridique dans lequel toute conduite vouée à « pervertir les institutions » (lire : toute protestation qui sorte, même un tout petit peu, des limites de la revendication démocratique) est potentiellement accusable de terrorisme, depuis le sabotage d’un compresseur à, à partir d’aujourd’hui, de la peinture sur un Palais de Justice.

Nous prenons acte du total manque de sens du ridicule de la procureur Francesca Crupi, de la Digos et des carabinieri vénitiens dans leur façon de procéder à une perquisition pour terrorisme en cherchant comme preuves des sprays et de la peinture liées à une opération de recouvrement de façade mais, en ces temps de chasse aux sorcières, plus rien ne nous étonne.

Nous réaffirmons avec force notre solidarité envers nos compagnon-ne-s arrêté-e-s et les prochains rendez-vous de lutte contre la Haute Vitesse, à partir des 7 et 8 décembre* en Val di Susa.

Les occupants et les occupantes de l’ex Ospizio Contarini


* (Note de Contra Info) : 7 décembre à 20h30 :MARCHE AUX FLAMBEAUX A SUSA, départ devant l’hôpital

8 décembre à 14h : RASSEMBLEMENT A CHIOMONTE (portail de la centrale), et pour ceux qui ont des bonnes jambes AU CHANTIER DE CLAREA

Turin, Italie : Procès contre Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò

no-tav-4-1024x1024Dans la salle Bunker de la prison des Vallette, il aura fallu à Rinaudo et Padalino quatre heures abondantes de réquisitions pour confirmer la structure d’accusations contruite contre Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò. Attentat a finalité terroriste, attentat terroriste avec engins pouvant causer la mort et explosifs, détention et transport d’armes de guerre, dégradation par incendie et violence contre personne dépositaire de l’autorité publique sont donc les délits qui, en appliquant les règles de l’arithmétique pénale, ont amené les deux procureurs à requérir des peines de 9 ans et 6 mois pour chacun des quatre compagnons. En ce qui concerne les parties civiles, LTF (Lyon Turin Ferroviaire) demande la somme “symbolique” de 50.000 euros pour l’action de sabotage contre le chantier de Chiomonte. Les demandes du SAP et du Barreau seront entendues plus tard.

Tandis que ces chiffres sortaient dans la salle Bunker, une longue manofestation a traversé les rues de Turin : une “grève sociale” qui a vu manifester des milliers de personnes dans plus de 20 villes. En plus des tags, des slogans et des interventions qui s’en prennent aux politiques du gouvernement Renzi sur l’école, le travail et le logement, de nombreux autres étaient dédiés à la lutte No TAV, à la solidarité avec Chiara Niccolò, Claudio et Mattia et au rappel des prochains rendez-vous en vue de la sentence de leur procès le 17 décembre.

Depuis macerie.

Milan, Italie : DAB et autos de luxe attaqués en solidarité avec les prisonnier-e-s No TAV et anarchistes

Dans la nuit du merc (sic) 12 novembre, nous avons attaqué 5 distributeurs de billets à coups de marteau et vandalisé quelques autos de luxe (pneus crevés et vitres cassées), un tout petit geste de révolte individuelle contre un système capitaliste qui exploite et dévaste. Nous dédions cette action aux compagnons et à la compagnonne accusé-e-s de l’attaque du chantier du TAV en mai 2013, et à tous les prisonniers anarchistes. Nous ne pouvons pas rester là à regarder tandis que nos compagnons se voient enterrés sous des années de prison, ou nous limiter à des actes symboliques qui ne provoquent aucune gêne.

La seule solidarité, c’est l’attaque !

Trentin, Italie : Impressions de novembre

Au rassemblement de trois jours et trois nuits né à Marco di Rovereto pour bloquer les carottages liés au projet du TAV participe également un groupe de jeunes du coin. L’un d’entre eux, au cours d’une partie de cartes, dit : « Ce rassemblement sauve en partie le climat de merde qui s’était créé ici à Marco contre les réfugiés ». En juillet, à partir du prétexte d’une tentative de viol, presque tous les politiciens, du maire du Partito Democratico à la Ligue du Nord, de la circonscription aux fascistes,  s’étaient exprimés pour la clôture du camp de réfugiés. Les discussions qu’on entendait un peu partout, sur les places et dans les bars, avaient l’odeur impossible à confondre du lynchage. S’il avait existé une présence fasciste organisée à Marco, il n’est pas exclu que nous aurions pu assister à une sorte de “chasse au nègre” réalisée avec la participation ou avec le consentement d’une partie de la population.

En octobre, dans toute l’Italie, et aussi dans le Trentin, les clérico-fascistes de Sentinelle in piedi  [Sentinelles debout] étaient durement contestés. La “loi contre l’homophobie” présentée par le centre-gauche est gelée après une interview de Bressan au journal “Vita Trentina”, dans laquelle l’archevêque de Trente compare l’homosexualité à la pédophilie.

Même à Trente la démocrate, les rafles contre les immigrés privés de papiers se déroulent. L’opération s’appelle “Mos maiorum”, c’est-à-dire “les mœurs des ancêtres”. La police aime bien le latin. Il y a deux ans, la DIGOS [police politique] avait nommé “Ixodidae” (“tiques”)* une opération contre 43 anarchistes pour “association subversive à finalité terroriste”, qui s’était conclue par l’absolution des mis en cause. Mais les “mœurs” restent. Le 5 novembre, à Trente, au terme d’un débat sur les groupes fascistes qui s’était tenu dans la faculté de sociologie, trois patrouilles de police (de celles qui tournent en ville pour les contrôles « anti-dégradations » voulus par le démocrate Andreatta) tentent d’interpeller et de fouiller une quarantaine de compagnons, qui s’en vont en cortège pour éviter l’encerclement. Dans l’effervescence du moment, l’un des flics en perd son latin et hurle « Arrêtez-vous, les tiques ! ».

Tandis qu’en Italie la société est divisée entre les journées institutionnelles contre les violences contre les femmes et une violence sexiste qui marque tragiquement la vie quotidienne de milliers de femmes, les femmes kurdes de Kobane défendent les armes à la main leur propre parcours d’émancipation des assauts assassins des mercenaires de l’État Islamique. La morale démocrate défend les femmes en tant que “victimes”. Lorsque les femmes prennent les armes pour se défendre elles-mêmes, la morale démocrate s’en remet à la police (globale).

Selon Renzi, il est criminel d’affirmer que les intérêts des travailleurs et ceux des propriétaires sont différents. C’est le vieux rêve du Capital, et c’est aussi le sien. Mussolini l’appelait corporatisme. Mais aucune politique au monde n’a jamais pu réussir à effacer complètement la réalité de la lutte de classe. Les matraquages des ouvriers de Terni, tout comme les œufs et les émeutes qui accueillent le président du Conseil un peu partout sont, peut-être, les signaux d’un retour à la réalité après des années du mensonge organisé qu’est la paix entre les classes.

Et c’est justement ce retour à la réalité que démocrates et fascistes veulent conjurer, en remettant sans arrêt au goût du jour les “urgences sociales” par lesquelles faire dévier les exploités. Des lames fascistes à la matraque de la police, la politique parle la langue de l’ordre. Même le fleuve Adige, qui risque de déborder de ses rives cimentées à terme, se retrouve désigné comme étant “surveillé spécial par les patrouilles de la Commune et de la Province”par un journaliste.

Du 14 novembre au 17 décembre, le mouvement No TAV de Val Susa invite à la mobilisation diffuse sur les territoires, en solidarité avec les quatre compagnons accusés de terrorisme pour un sabotage du chantier de la Haute Vitesse à Chiomonte.

Tandis que plus de 700 personnes ont participé à la campagne d’achat collectif d’un terrain pour résister au TAV dans le Trentin, et tandis que l’on se lève tous les jours à l’aube pour se retrouver sur les zones des prochains carottages, faisons en sorte que la solidarité envers les compagnons en prison ne nous reste pas en poche.

Il a raison, ce jeune de Marco. Seules les luttes sauvent nos vies du climat réactionnaire qui nous assaillit de la droite comme de la gauche.
Assez de lamentations ou de pleurnicheries. Organisons la contre-offensive.
Contre les fascistes, bien sûr, mais aussi contre le monde qui les arme et qui les protège.

Quelques anarchistes
_

*zecche” (“tiques”), est le sobriquet que les fascistes donnaient aux communistes, anarchistes et autres “rouges” sous le régime mussolinien. (Note de Contra Info)

Italie – Prisonnier-e-s NO Tav : Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò revendiquent le sabotage du chantier de Chiomonte

Turin – 24 septembre 2014

En attente de plus amples informations, nous apprenons des compagnons présents lors de l’audience du procès contre Chiara Zenobi, Claudio Alberto, Mattia Zanotti et Niccolò Blasi que les quatre, très en forme, la tête haute et souriants, ont revendiqué leur participation au sabotage advenu en mai 2013 sur la chantier du TAV de Chiomonte. En prenant la parole, ils sont partis à l’assaut du château d’accusations et de théorèmes que l’investigation essaye de superposer à une réalité beaucoup plus simple, en rejetant la catégorie de « terrorisme » superposée aux techniques de résistance No TAV, libérant ainsi le champ du langage et de la sémantique de la répression et de la domination.

Sur Macerie, les voix de Mattia, Niccolò, Claudio et Chiara lisant leur déclaration au tribunal.

Vive la résistance No TAV !

Ci-dessous, les déclarations lues au procès :

Je connaissais la Maddalena et la Val Clarea avant que n’y soit implanté le chantier de la grande vitesse. J’ai marché dans ces bois, j’y ai dormi, j’y ai mangé, chanté et dansé. Dans ces lieux, j’ai vécu de précieux fragments de vie aux côtés d’amis qui ne sont plus là aujourd’hui, et que je porte dans le cœur.

Je suis retourné là-bas de nombreuses fois au cours des années.

De jour, de nuit, le matin comme le soir ; en été comme en hiver, en automne et au printemps. J’ai vu cet endroit changer à mesure que le temps passait, les arbres tomber, abattus pas dizaines pour faire de l’espace aux haies d’acier barbelé. J’ai vu le chantier grandir et une partie du bois disparaître, de nombreux phares surgir hors de terre et l’armée arriver pour surveiller un terrain lunaire et désolé, avec les mêmes engins qui patrouillent dans les montagnes afghanes.

Et ainsi, je suis retourné une fois de plus en Val Clarea, pendant cette désormais célèbre nuit de mai.

Beaucoup de choses, trop, ont été écrites et dites sur cette nuit et ce n’est pas à moi, et cela ne m’intéresse d’ailleurs pas, de dire comment ce geste se transcrit dans la grammaire du code pénal.

Ce que je peux dire, c’est que cette nuit-là, j’étais moi aussi présent.

Que je n’aie pas été là dans le but de provoquer la terreur chez d’autres, voire pire, n’importe quelle personne peut le comprendre, pour peu qu’elle soir dotée d’un minimum de bon sens et ayant une idée même lointaine de ce qu’est la nature de la lutte No TAV et du cadre d’éthiques qui se coordonnent à l’intérieur duquel cette même lutte exprime sa résistance depuis plus de vingt ans.

Que j’aie été là pour manifester une fois de plus ma radicale inimitié envers ce chantier et, si possible, en saboter le fonctionnement, je vous le dis moi-même.

Et si nous avons décidé aujourd’hui de prendre la parole avant que ce procès ne s’aventure dans la jungle des expertises et des contre-expertises vocales, c’est tout simplement pour affirmer une vérité simple : ces voix sont les nôtres.

Là-dessus, l’accusation a construit son histoire.

Une histoire selon laquelle des téléphones deviennent les preuves de l’existence d’une chaîne de commandos, voire même d’une planification paramilitaire, mais la vérité – comme cela arrive souvent – est beaucoup plus simple et moins grandiose.

Il existe une devise en Val Susa, qui est entrée depuis des années dans le bagage commun de la lutte NoTAV et en oriente en pratique les actions contre le chantier.

Cette devise est : « Si parte e si torna insieme » [On part ensemble, on revient ensemble]. Ce qui signifie que dans cette lutte, tout bouge ensemble. On part ensemble, et on revient ensemble.

Personne n’est abandonné sur la route. C’est à cela que servaient les téléphones cette nuit-là, c’est à cela que se sont prêtées nos voix.

Parler au lieu de ça de chefs, d’organigrammes, de commandos, de stratèges, signifie vouloir projeter sur cet évènement l’ombre d’un monde qui ne nous appartient pas et pervertir notre propre façon d’être et de concevoir l’agir en commun.

En ce qui me concerne, je laisse aux enthousiastes spéculateurs à grand vitesse le triste privilège de n’avoir aucun scrupule vis-à-vis de la vie des autres, et je leur abandonne aussi le culte de la guerre, du commando et du profit à tout prix.

Nous gardons près de nous les valeurs de la résistance, de la liberté, de l’amitié et du partage, et c’est à partir de ces valeurs que nous chercherons à porter de la force partout là où les conséquences de nos choix nous mèneront.

Mattia.

*

La nuit du 13 au 14 mai, j’ai pris part au sabotage du chantier de la Maddalena à Chiomonte. Voilà le voile levé sur le mystère.

Je ne suis pas surpris du fait que les enquêteurs, dans leur tentative de reconstruire les faits, utilisent des mots tels qu’« assaut, attentat terroriste, groupes paramilitaires, armes létales ». Qui est habitué à vivre et à défendre une société fortement hiérarchisée ne peut comprendre ce qu’il s’est passé ces dernières années en Val di Susa. Pour le décrire, il ne pourra que puiser dans sa culture empreinte de termes belliqueux. Il n’est pas dans mon intention de vous ennuyer avec les raisons pour lesquelles j’ai décidé de m’engager dans la lutte contre le TAV et sur ce que signifie la défense de cette vallée. Je veux simplement souligner que tout ce qui peut avoir un rapport avec la guerre ou les armées me répugne.

Je comprends l’effarement de l’opinion publique et de ses affabulateurs par rapport à la réapparition de cet illustre inconnu, le sabotage, après qu’ils se soient tant démenés pour l’enfouir sous des quintaux de mensonges.

La lutte contre la train à grand vitesse a le mérite d’avoir dépoussiéré cette pratique, d’avoir su choisir quand et comment l’employer, et d’être parvenue à distinguer le juste du légal.

C’est aussi à elle qu’incombe la grande responsabilité de maintenir la foi et les espoirs que de nombreux exploités mettent en elle, et de faire savourer de nouveau le goût savoureux de la libération.

Je me permets de retourner quelques accusations à l’envoyeur. Nous sommes accusés d’avoir agi dans le but de toucher des personnes, ou en tout cas d’être totalement insensibles à leur présence, comme si nous éprouvions un profond mépris envers la vie des autres. S’il y a bien quelqu’un qui démontre un tel mépris, ce sont les les militaires qui exportent la paix et la démocratie aux quatre coins du monde, les mêmes qui président le chantier de la Maddalena avec dévotion et professionnalisme. En ce qui concerne l’accusation de terrorisme, je n’ai pas l’intention de me défendre. La solidarité que nous avons reçue depuis le jour de notre arrestation jusqu’à celui d’aujourd’hui démonte suffisamment bien une incrimination aussi hardie. S’il y avait derrière cette opération la tentative, pas tellement dissimulée, de régler son compte à la lutte NoTAV une bonne fois pour toutes, je dirais que cette tentative a misérablement échoué.

Claudio.

*

Les motifs qui m’ont poussé en Val di Susa à prendre part à cette lutte sont nombreux ; les motifs qui m’ont poussé à rester et à continuer sur cette voie sont bien plus.

Il y a là-dedans un parcours de maturation collective, d’assemblées publiques et privées, de campements et occupations, de confrontations et d’affrontements. Là-dedans, ce qu’il y a, c’est la vie, celle de tous les jours, celle des aubes naissantes et des nuits blanches, de la gorge sèche sur les pentes rocheuses et des repas frugaux, des petits engagements et des grandes émotions.

A travers ce parcours, ceux qui luttent ont appris la précision du langage, à nommer les choses telles qu’elles sont, et non par l’emballage formel sous lesquelles elles se présentent, comme un chantier qui auparavant était un fortin et se transforme maintenant en forteresse. Des mots capables de restituer la portée émotive et l’impact de certains choix de l’adversaire sur nos propres vies, de qui a décider de s’embourber dans cette grande œuvre. Des mots dépoussiérés d’un lexique qui paraissait antique et qui se redécouvrent en fait dans toute leur puissance et leur simplicité par la description de nos propres actions.

Une finesse de langage dont je me rends compte qu’elle n’est pas si répandue que ça dans le monde qui m’entoure, lorsque je lis à propos d’improbables « commandos » qui, selon une certaine reconstruction, reprise entre autres par les journaux, auraient attaqué le chantier la nuit du 13 mai. Un mot ô combien malheureux, non seulement du fait de son appel à l’acte de commander mais aussi pour son allusion au mercenariat, inacceptable, par qui serait capable d’utiliser n’importe quel moyen afin d’atteindre ses fins.

Par qui lutte et a appris à canaliser avec intelligence jusqu’aux passions les plus fortes et impétueuses qui naissaient de tous les coups reçus lorsqu’un ami perdait un œil à cause d’un lacrymogène ou qu’un autre était en fin de vie.

En ce qui me concerne, la Val Clarea m’est amie depuis le moment où, en 2011, nous relancions la terre à mains nues dans les trous creusés par les pelleteuses pendant les agrandissements du chantier.

Je me souviens que d’entre les tentes de ce campement résonnait une chanson, parmi toutes celles qui avaient été inventées pour s’amuser et pour se donner de la force, sur l’air d’un vieux chant partisan. Le premier vers disait « Nous descendrons unis des bois de Giaglione ». Ces dernières années, ces mots ont de nombreuses fois été suivis, repris et relancés, et quelqu’un a décidé de le faire de nouveau cette nuit de mai, avec autant de conviction, et j’en faisais partie. L’une des voix derrière les téléphones est la mienne. Mais se focaliser sur une responsabilité personnelle pour en tisser plus ou moins les éloges n’est pas à même de restituer ce sentiment collectif qui a mûri dans les maisons de tant de familles, en vallée comme en ville, ou dans une discussion et un verre partagé dans un bar, sur les places et dans les rues, dans les moments conviviaux comme dans ceux les plus critiques. Un sentiment qui a su s’exprimer dans l’un des slogans les plus criés après nos arrestations et qui décrit bien ce à quoi appartient réellement ce geste : « dietro a quelle reti c’eravamo tutti » [derrière ces grilles, nous y étions tous]. Un slogan qui nous renvoie directement dans une assemblée populaire tenue à Bussoleno en mai 2013, lors de laquelle le mouvement dans son ensemble saluait et accueillait ce geste, en le nommant de son nom de sabotage.

Et si nous étions tous derrière ces grilles, un bout de chaque personne a su nous soutenir et nous donner de la force derrière ces barreaux. Pour cela, encore ici, quelles que soient les conséquences de nos actions, nous ne serons pas seuls à les affronter.

Niccolò.

*

Vous ne trouverez pas dans cette salle les mots pour raconter cette nuit de mai.

Vous utilisez la langue d’une société habituée aux armées, aux conquêtes, aux vexations.

Les attaques militaires et paramilitaires, la violence aveugle, les armes de guerre appartiennent aux États et à leurs émules.

Nous, nous avons lancé notre cœur au-delà de la résignation.

Nous avons jeté un grain de sable dans l’engrenage d’un progrès dont le seul effet est l’incessante destruction de la planète sur laquelle nous vivons.

J’étais présente cette nuit-là, et la voix féminine qui a été interceptée est la mienne.

J’ai traversé une partie de ma vie aux côtés de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui, depuis plus de vingt ans, opposent un non sans appel à une idée qui dévaste le monde. J’en suis fière, et heureuse.

Chiara.

Traduit de l’italien depuis Informa-azione

Italie : Lettres d’anarchistes Chiara Zenobi et Michele Garau depuis la prison

JE L’AI VU

Prison des Vallette (juillet 2014)

Il serait extrêmement long et difficile de s’exprimer sur chacune des innombrables choses dites et faites en solidarité à notre égard. Il est plus facile de regrouper les suggestions, les pensées légères et celles plus lourdes, un peu de douce nostalgie, une once de perplexité et reverser le tout sur ces feuilles.

Une continue et impressionnante succession de messages publics et privés, d’initiatives, de prises de positions et d’actions, individuelles et collectives, ont marqué ces mois. Ce flux d’affect nous a toujours réchauffé le cœur et rempli l’estomac de papillons, des sensations pour lesquelles manquent les mots lorsque l’on cherche à les décrire. Aucun d’entre nous ne s’est jamais senti « à plat » ou brisé par la détention. La prison est le même court-circuit de la logique et de l’humanité pour quiconque y a affaire, et presque tous l’affrontent, à la différence de ce qu’il se passe pour nous, privés de tout soutien affectif, économique et légal, et sans que personne ne se relève publiquement les manches.

Nous ne nous sommes pas sentis être des victimes, à aucun moment, même si les mains de quelques-uns (incroyablement peu, en vérité) nous ont naïvement décrits comme tels, s’adressant à la presse ou même jusqu’à la politique, auxquels il n’a jamais été dans nos intentions de dire ou de demander quoi que ce soit. (Par cohérence et par honnêteté, je ne peux pas faire moins que de préciser que j’éprouve une méfiance totale envers les journalistes et les politiciens de toutes les formes et de toutes les couleurs. Pour ceux-ci, l’unique intérêt est de vendre leur petit produit commercial et l’asservissement à la recherche du consensus, se débrouillant pour la plupart pour se poser comme porte-paroles de la mauvaise conscience d’autrui. Et tous ceux-ci, au besoin, peuvent revêtir le masque du subversif, du sincère démocrate ou du bourreau selon le temps et le lieu où ils s’expriment. Les journalistes qui ne se reconnaissent pas dans ces lignes sont probablement au chômage, ou le seront bientôt, ou bien sont relégués dans les marges de la diffusion publique des nouvelles. Dans tous les cas, ils ne pourront qu’admettre qu’ils partagent leur toit, et souvent leur pain, avec les je-m’en-foutistes, les vautours et les chacals).

Choisir de s’opposer à la folie du statut quo peut être grave de conséquences. Dont est loin d’être la moindre celle d’être identifiés en tant qu’ennemis de l’humanité : malfaiteurs, provocateurs, violents. Terroristes. Ne pas se sentir victime ne signifie clairement pas d’accepter ces définitions, mais reconnaître qu’une hypocrisie aussi assumée et complice gouverne ce monde. La même qui réussit à nommer « développement » la destruction progressive et continue des sources de vie de toute espèce vivante, qui est prête à envoyer à la potence ceux qui réduisentt en miettes les vitrine de quelque géant de l’exploitation (humaine et environnementale), mais qui « ignore » la dévastation que l’ENI [Entreprise Nationale d’Hydrocarbures en Italie, NdT], au nom du peuple italien, apporte partout où elle pose ses sales pattes. Que l’on s’indigne et qu’on relève la poitrine si un dépositaire de l’ordre (et des privilèges) s’égratigne un genou, mais que l’on plonge la tête dans le sable lorsque quelqu’un est défiguré pour toujours ou termine sa vie dans une caserne ou dans une prison.
Eccetera, eccetera.

La réalité sans voile est triste et terrible. Mais à force de bien la regarder, il arrive aussi de s’énamourer d’un rêve de liberté, d’autodétermination, de justice sans le mensonge de la Loi, et de le chercher partout où il se manifeste à l’improviste.

Moi, je l’ai vu. Dans un centre de rétention en flammes. Dans la fuite précipitée d’un huissier qui, Code Civil à la main, voulait jeter quelqu’un à la rue. Dans l’affront à l’un des symboles de l’inégalité sociale. Dans une phrase peinte sur les murs des « précieuses » rues du centre.

Et je l’ai vu sur un échangeur d’autoroute, au coucher de soleil, après trois jours passés à partager la rage et la peur pour la vie d’un frère suspendu à un fil à cause de la diligence des serviteurs du TAV. Des milliers de personnes qui savent seulement ne pas vouloir partir de là. Quelqu’un prépare une soupe, d’autres enflamment une barricade. Et pas seulement pour la police, il est assez difficile de voir et de comprendre qui fait quoi. Ils finissent par arriver. Une mer de casques bleus. Un long jeu de poussées commence. Nous, en montée, les visages découverts, désarmés. Je cherche, parmi les autres, les visages de mes compagnons. Aucun d’entre nous n’aurait jamais choisi d’être aussi vulnérables : à un examen de guérilla urbaine, nous aurions reçu un beau zéro. Mais nous nous regardons en souriant. Autour de nous, des centaines de personnes chantent que « La Val Susa n’a pas peur ». Ce n’est pas de l’inconscience, tout le monde sait bien comment tout cela finira. Mais le temps se fait dense, les corps se dilatent, se fondent, et personne ne voudrait être ailleurs.

Allez donc le leur expliquer, après tout ça, à quelques pauvres types de basse stature morale que ce n’est pas à l’intérieur d’une loi qu’ils trouveront les mots pour raconter cette beauté. Et la détermination, et la ténacité.

Mais il semble bien qu’ils ne nous font pas peur avec leur mots. Le concept de terrorisme ne sert qu’à se foutre des idiots et des hommes de mauvaise volonté. Voilà ce qui est véritablement arrivé au travers de nos arrestations. Ce ne sont pas les habituels subversifs têtus qui renvoient les accusations à l’envoyeur. Il y a cette fois énormément de gens qui flairent l’arnaque et qui comprennent où tout cela mène : l’as dans la manche du terrorisme (dont l’usage n’est pas nouveau pour réprimer qui lutte contre l’oppression, l’exploitation et la dévastation) à appliquer aux luttes sociales, et voilà. Mais la Magistrature, ou quelqu’un pour elle, a mal fait ses comptes. Elle pense préparer un terrain sur lequel il lui sera facile de marcher. Elle pense jouer dans l’anticipation et arrive en fait trop tard. Il n’y a désormais plus aucune chance que des individus portant un NON de plus de vingt ans, entêté et encastré dans les têtes, se fassent avoir par quelque malin bavard. Et si l’accusation de terrorisme est déjà naufragée sur le plan symbolique, elle pourrait même ne pas passer d’un point de vue légal. Et c’est une bonne chose que l’État ne se pourvoie pas aussi facilement que ça en outils pour terroriser de nombreuses luttes et ceux qui y participent. Il n’est cependant pas possible de raisonner trop longtemps sur ce qu’il se passe à l’intérieur des salles des tribunaux. Nous ne nous attendons certainement pas à une tape dans le dos.

Mais la revendication collective qui s’est déployée incroyablement autour de cet acte de sabotage remplit de force. Parce que nous sommes allés bien au-delà du simple fait de dire que ce sont eux les terroristes. Nous en sommes arrivés à dire que sous ces capuche, à l’ombre de cette lune de mai, il y avait les visages de tous les hommes et de toutes les femmes qui ne veulent pas de ce maudit train. Les catégories d’innocence et de culpabilité disparaissent et ne deviennent plus que miettes pour les grattes-papier et les comptables. « Quella notte c’eravamo tutti » (Cette nuit-là, nous y étions tous). Rien ne pourrait nous faire nous sentir plus libres que cette phrase.

Chiara

*

MICHELE EN ISOLEMENT

Prison d’Asti, 11 juillet 2014

Salut à tous,

Je me trouve en isolement disciplinaire pour une semaine. Ils voulaient me mettre en isolement dans une cellule « lisse » (sans rien), mais je me suis attaché à la porte avec une ceinture et ils n’ont pas voulu m’emporter de force. Je reste donc dans la section, avec la porte blindée fermée. Je voulais savoir pourquoi on me refuse la rencontre avec Andrea, mais surtout revendiquer que celui-ci soit transféré dans la section au lieu de demeurer dans la zone de « transit » (PTB). Les « Transits » sont faits pour y rester deux ou trois jours maximum et donc, excepté les moments où il y a de nouvelles arrestations, ils sont complètement vides et comportent assez logiquement, lorsque l’on y reste pendant longtemps, une solitude presque pérenne.

Ils m’appellent au bureau de surveillance, après trois jours d’insistance, et me disent ne me devoir aucune explication et me menacent de sanctions disciplinaires. Alors je leur hurle au visage et ne rentre pas en cellule. Un peu de temps passe et je suis envoyé chez le sous-intendant en chef, lequel utilise des tons inacceptables. Je l’insulte lourdement, très lourdement. Il dit « isolement », je m’assois dans le couloir des bureaux, sur le sol, et dis que je ne bougerai pas si je ne peux pas prendre mes affaires en personne. Une fois remonté en cellule, je prépare mes affaires puis leur dis d’appeler des renforts, parce que je n’irai pas de mon plein gré, avant de m’attacher de nouveau au même endroit. Des heures et des heures d’attente. On aurait dit qu’ils avaient à me trimballer dans une autre prison. Je finis par savoir par des voies détournées qu’Andrea viendra en section. Je me délie donc et attends. Le soir, ils me communiquent que je resterai en isolement pour une semaine. Nous verrons le conseil disciplinaire, et pour le moment il y a un rapport dans lequel on trouve l’accusation de résistance. L’air, je le crée moi-même dans un très petit couloir aux murs très hauts.

Michele

*

Pour écrire aux gens qui sont encore en prison :

Andrea VentrellaMichele Garau
C.C. Strada Quarto Inferiore, 266 – 14030, località Quarto d’Asti (Asti), Italie

Paolo MilanToshiyuki Hosokawa
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Fabio Milan
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Niccolò Blasi
C.C. San Michele strada Casale, 50/A – 15121 Alessandria, Italie

Chiara ZenobiAlberto Claudio
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Italie : Lettres de Marianna Valenti, Francesco Di Berardo et Nicolò Angelino

Lettre de Marianna
Depuis la prison de Vercelli – 12/06/2014

Et si la peur changeait de camp ?

Qui est-ce qui étouffe chaque jour la liberté de circuler dans les rues du quartier ?

J’habite à Porta Palazzo et je croise inévitablement les rondes interarmées qui font la chasse aux sans-papiers à encager dans un centre de rétention, je tourne, j’arrive sur la place et je vois un groupe de flics municipaux qui font démonter les petits stands des vendeurs de menthe à la sauvette, ils font fuir les dames avec leurs chariots remplis de pain, de msemen et de botbot. Je monte sur le bus 4 pour arriver rapidement jusqu’à Barriera, et les voilà, les contrôleurs agressifs qui traquent et qui poussent dehors ceux qui n’ont pas l’argent pour le ticket. Il faut donc prendre le 51, qui est lent, moins fréquent et blindé de monde.

Qui menace et effraie les gens jour après jour?

Les patrons font chanter : soit tu acceptes d’être exploité.e, soit du boulot, t’en auras pas. Qui n’ a pas envie d’être exploité.e, tente le vol, un braquage, l’arnaque, ce qui fait planer sur chacun de ses gestes l’ombre d’une cellule de prison.

Toujours plus fréquemment les sous pour payer le loyer manquent, et toujours les proprios et petits patrons apparaissent pour menacer les locataires retardataires de les envoyer valser, ensuite la police pour défoncer la porte et jeter les valises sur le trottoir, pour qu’enfin arrivent les assistants sociaux et leurs menaces d’enlever les enfants aux parents considérés tellement malavisés d’avoir décidé non pas de payer un proprio, mais de manger. Et si la peur changeait de camp ?

C’est ainsi que des possibilités se créent, à partir des besoins partagés, des soucis communs dialoguant entre eux. Qui a déjà vécu des luttes et qui est agité.e. a une suggestion à la bouche. S’organiser.

D’un coté, la densité des expulsions locatives entre Porta Palazzo et Barriera augmente et il est toujours plus difficile pour ceux et celles qui peuplent ces quartiers de récupérer de l’argent ; d’autre part, les processus de requalification nettoient et chassent : les immeubles sont rénovés et les loyers augmentent dans ces mêmes coins de la ville.

Pour défendre les maisons des expulsions locatives, des piquets devant les portes sont organisés en attendant l’huissier pour lui arracher un délai, avec l’implication de la famille, des voisin.e.s et des ami.e.s.

C’est le lieu où on se rencontre et où on se connaît, où se tissent et se resserrent les ententes et les complicités entre et autour de celles et ceux qui sont expulsables, là où débute un réseau d’aide mutuelle capable de se tenir debout tout seul.

Une assemblée se forme pour s’organiser au niveau logistique, pour affronter les problèmes et les peurs, pour discuter des propositions, en se partageant les tâches et les responsabilités, les voix qui y prennent la parole sont toujours plus nombreuses. « Qui savait déjà lutter » laisse la place aux personnes directement concernées, il n’y a pas de spécialiste en « résolution d’expulsions locatives », ni l’envie d’avoir le rôle d’un organisme d’assistanat. On veut lutter ensemble, en tendant vers la réciprocité dans les rapports.

J’ai connu les rues du quartier à travers la lutte. J’ai découvert comment m’orienter, quel raccourci prendre, en vivant ces rues, en courant vers une maison menacée d’expulsion, en y retournant en marchant, en faisant des manifs joyeuses après avoir arraché un long délai, énervées quand quelqu’un était jeté.e à la rue.

En plus de connaître vers où mes pieds m’amenaient sur le bitume, j’ai appris à reconnaître les visages amicaux et les lieux solidaires. Dans la chaleur de relations réelles, la lutte a grandi, en envenimant en même temps les inimitiés envers ceux qui veulent contrôler ce bout de la ville et ceux qui sont à leur service. On prend un café dans le bar à côté de la barricade, on écoute les histoires denses de vie ouvrière de Barriera racontées par la dame derrière le comptoir, émigrée du Friuli Venise Giulia dans les années ’50 ; peu après, en passant devant le serrurier qui n’arrête pas de collaborer avec la police et les proprios, on lui lance une insulte et on lui fait la gueule.

On a préféré ne rien demander à la mairie, on savait qu’elle avait peu à offrir et qu’elle aurait utilisé ce peu pour nous diviser. Certain.e.s ont essayé tout de même, ils n’ont rien obtenu, à part le conseil de créer une asso d’expulsé.e.s.

Pour satisfaire directement le besoin d’un toit qui n’était plus là, on a occupé des maisons vides qui sont aussi devenues des lieux d’habitation et de rencontre, carrefour d’histoires, vedettes sur le quartier. Et bien oui, en s’organisant pour faire face à n’importe quelle éventualité, en élargissant et en approfondissant les rencontres, on déployait une force.

On n’était plus tout le temps en échec, on réussissait à respirer plus aisément en vivant comme il nous fallait, en commençant à parler de désirs. Dans un monde à l’envers où les proprios ne reçoivent pas de loyer, où la police ne fait pas peur, où l’Etat est de trop.

Le 3 juin, la police fait irruption dans de nombreuses maisons, perquisitionne et procède à des arrestations. 111 personnes sous enquête, tou.te.s luttent contre les expulsions locatives à Turin. 12 sont en prison, 5 assigné.e.s à domicile, 4 avec obligation de résidence, 4 avec l’interdiction du territoire dans la commune de Turin et 4 avec l’obligation de signer tous les jours. Continue reading Italie : Lettres de Marianna Valenti, Francesco Di Berardo et Nicolò Angelino

Turin : nouvelles vagues de répression

Mesures préventives et intervention des flics à l’Asilo Occupato et rue Lanino.
Traduit de informa-azione (3/6/2014)

Dans les premières heures de ce matin, 3 juin 2014, s’est lancée une opération policière orchestrée par les procureurs Pedrotta et Rinaudo, contre différents milieux anarchistes. Pour l’instant, les nouvelles sont floues, mais il y aurait 25 perquisitions à Turin et région Piemontaise comprise parmi lesquelles l’Asilo Occupato et le squat d’habitation de la rue Lanino, auxquelles s’ajoutent la notification et l’exécution de diverses mesures préventives : 11 [10] personnes en prison, 6 assignés à résidence sans permission de sortie, 4 en obligation de rester sur le territoire, et 4 en interdiction de territoire.

Il y aurait en tout 111 personnes impliquées avec des chefs d’inculpation allant de « dévastation et saccage » à « offense envers la nation » , en passant par « incitation à l’insurrection armée contre l’Etat », « séquestration de personnes », « dégradation », et résistance à agents détenteurs de l’autorité publique, occupation illégale de bâtiments ; le choix stratégique des inquisiteurs ne prévoit pas d’instruments comme les délits d’association, mais de « participation » dans le fait d’avoir commis ces dits délits.

Fondamentalement, il s’agit d’une enquête menée avec la prétention de plaire aux grands pouvoirs de la ville. Banquiers, bétonneurs, et le Parti Démocrate, qui notoirement à Turin, s’amassent et se mélangent sans stratégie commune.

Les accusations portées contre les compagnon/e/s regarderaient principalement les pratiques de résistance aux expulsions locatives (des blocages aux occupations des bureaux des huissiers), les manifestations spontanées et les attaques des locaux du Parti Démocrate de ces derniers mois. Cela, dans l’intention de calmer à coup de mesures préventives ceux qui, dans différents quartiers de la ville, sont en train de promouvoir l’auto-organisation des exploité/e/s et des expulsé/e/s, la réappropriation d’espace d’habitation, la lutte contre la gentifrication, contre la spéculation immobilière et contre les acteurs politiques et financiers qui saccagent partout nos existences.

Mise à jour : après des heures de résistance sur le toit, les flics lachent finalement l’Asilo Occupato et même l’occupation de rue Lanino reste aux mains des occupant/e/s et des familles qui l’habitent.

Vous êtes invité/e/s à passer au 12 rue Alessandria pour contribuer à nettoyer la dévastation laissées par les sbires en uniformes.

Assemblée ouverte à 17h30à l’Asilo Occupato, suivie d’un repas bénéfit en soutien aux personnes arrêtées et impliquées.

* * *

Pour écrire aux personnes incarcérées, voir ici [mise à jour : 23 juin].

Marianna Valenti
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Daniele Altoè
C.C. Piazza Don Soria, 37 – 15121 Alessandria, Italie

Paolo Milan
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Toshiyuki Hosokawa
C.C. Località Les Iles, 14 – 11020 Brissogne (Aosta), Italie

Giuseppe De Salvatore
C.C. via dei Tigli, 14 – 13900, Biella, Italie

Francesco Di Berardo
C.C. via Roncata, 75 – 12100, Cuneo, Italie

Michele Garau
C.C. Strada Quarto Inferiore, 266 – 14030, località Quarto d’Asti, Asti, Italie

Fabio Milan
C.C. Via del Rollone, 19 – 13100 Vercelli, Italie

Nicolò Angelino
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Andrea Ventrella
C.C. Via Port’aurea, 57 – 48121 Ravenna, Italie

(prisonnier/e/s No Tav)

Niccolò BlasiMattia Zanotti
C.C. San Michele strada Casale, 50/A – 15121 Alessandria, Italie

Chiara ZenobiClaudio Alberto
C.C. Via Maria Adelaide Aglietta, 35 – 10151, Torino, Italie

Notes à chaud sur les arrestations.
Traduit de macerie (4/6/2014)

Après l’effervescence de la journée d’hier, passée à chercher à comprendre ou ont été envoyés les divers incarcérés, essayons d’esquisser quelques réflexions à propos de cette dernière enquête, qui, un peu pour son grand nombre d’inculpé-e-s (111) et de personnes soumises à des mesures judiciaires, un peu pour la particularité des chefs d’inculpation mérite une analyse plus approfondie.

Comment faire entrer dans une même enquête autant d’inculpé-e-s ?

La réponse est relativement simple : de ne plus seulement mettre les noms déjà connus à la préfecture de police de Turin.

Dans les 200 pages de ce qui compose le dossier d’accusation, nous retrouvons une part de la ville, celle des quartiers Porta Palazzo, Barriera di Milano et Aurora.

Nous retrouvons les noms et les visages de celles et ceux qui, ne pouvant plus se permettre de payer un loyer, ont décidé ces dernières années de s’organiser pour s’aider réciproquement. Des nombreu-x-ses, italien-ne-s et étrangèr-e-s, qui se sont barricadé-e-s derrière les bennes à ordures pour résister, qui ont attendu avec anxiété et détermination l’arrivée de l’huissier, et qui, une fois la maison perdue, ont décidé d’occuper.

Ce qui frappe immédiatement, c’est qu’il ne s’agit pas d’un délit associatif, mais plutôt à la fusion de délits singuliers en un seul fil qui suit toute l’enquête.
Le délit le plus cité est violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, mais l’on trouve aussi des inculpations plus spécifiques comme la séquestration, délit déja utilisé contre Giobbe, Andrea et Claudio. Selon la procureure cette fois les séquestrés seraient les huissiers, qui, encerclés de participant-e-s aux piquets, se voyaient contraints à concéder un report du sfratto.

Les mesures judiciaires ne sont pas tant justifiées par la gravité des épisodes singuliers que par leur réitération, retenue cohérente avec un cadre théorique que les procureurs identifient dans les tracts distribués aux piquets et des textes publiés dans la revue invece et sur ce blog (voir ici, ndt).

Mais venons en au fond : “l’effet de la multiplication d’ actions d’opposition concertés a été, substantiellement, de priver d’autorité et de force exécutives les décisions judiciaires […], avec l’intention d’empêcher, dans un contexte d’intimidation programmée, aujourd’hui et dans le futur, l’exécution des décisions de justice.”

Ce qui est touché, donc, est la volonté de satisfaire immédiatement un besoin comme celui d’avoir un toit au-dessus de la tête sans le mendier, sans attendre de meilleures politiques de logement par la mairie.

A Porta Palazzo et Barriera, pendant plus d’un an, les sfratti qui rencontraient une resistance n’etaient pas executés. On a parlé d’un moratoire de fait.

C’est justement cela qui est resté au travers de la gorge des propriétaires et des politiciens de tous bords habitués à recevoir demandes et révérences. Au contraire, ces seigneurs se sont vus arracher des mains renvois sur revois, obtenus sans aucun type de médiation.

Qu’est-ce qui distingue un moratoire comme celui là d’une concession de l’administration publique ? La seconde sert à adoucir le bâton et à tempérer les cœurs, confirmant les hiérarchie existantes. La première en revanche cherche à s’étendre et à se généraliser afin d’éliminer ces hiérarchies, en se rencontrant de manière différente, en étant dans la rue, en s’organisant.

Ce n’est pas pour rien que Davide Gariglio, peu d’heures après les arrestations, s’est dit satisfait de l’opération de la police, pour répondre à la situation d’illégalité diffuse qui s’était créée dans ces rues. Et ce n’est pas un hasard si c’est un des porte-voix du Parti démocratique (PS italien, ndt) qui parle. Le parti au pouvoir en ville, le parti du “plan maison”, le parti des banques et des sfratti, le parti avec le plus de dégradations de permanences ces derniers mois.

Paris : Concert en solidarité avec les inculpé.e.s du 9 décembre de la lutte No TAV

Le 9 décembre dernier, quatre compagnons ont été arrêtés à Turin et à Milan. Ils sont accusés d’avoir participé à une attaque incendiaire du chantier de la TAV (TGV italien) en Val Susa. Ils ont été incarcérés pour acte terroriste avec des engins mortels ou explosifs, détention d’armes de guerre et destruction. Sous de telles accusations la détention préventive peut être longue. Ils passeront en procès le 14 mai.

L’argent récolté au concert servira à leur envoyer des mandats et à les soutenir financièrement face à une procédure coûteuse.

La discussion avant le concert sera l’occasion de revenir sur les derniers événements et sur des années de lutte contre la TAV en Val Susa et ailleurs, à laquelle beaucoup de personnes de ce côté-ci des Alpes se sont intéressées et ont participé.

Le terroriste c’est l’Etat !
Liberté pour Chiara, Claudio, Niccolò, Mattia !
Liberté pour tou-te-s !

Flyer

Le Transfo est un espace occupé depuis novembre 2012. De nombreuses activités s’y déroulent, inscrites dans la lutte et l’ouverture. Tous les événements y sont gratuits ou à prix libre. Une partie du Transfo est déjà expulsable tandis que d’autres sont encore en procédures. Il veulent nous expulser, on se laissera pas faire !

Berne, Suisse : Action de solidarité avec la lutte No TAV

En solidarité avec le mouvement No TAV, nous avons accroché une banderole sur l’ambassade d’Italie à Berne.

Les terroristes sont ceux qui dévastent et détruisent vies et espaces dans lesquels nous vivons.
Combattons le capital ! Luttons contre l’Etat !

Liberté pour Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia !
Marco libre !

Le terroriste c’est l’Etat !

La banderole dit en italien: « No TAV – Chiara, Claudio, Mattia, Niccolò libres ! Le terroriste c’est l’Etat – Liberté pour tou-te-s ! »

Source : ch.indymedia (22 février 2014)

Atlanta, États-Unis : Tracteurs sabotés pour la ZAD, NO TAV et la forêt de Hambach

Dans la nuit du 22 février, nous avons versé un mélange de sable et d’eau dans les réservoirs de deux tracteurs utilisés dans la construction du nouveau tramway d’Atlanta. Le tramway est l’un des nombreux grands projets de développement que la ville a lancé ces 5 dernières années et qui s’inscrit dans le cadre d’un plan général de modernisation du centre-ville. Nous savons que ce plan signifie uniquement plus de police et des loyers encore moins abordables.

Nous offrons ce petit geste de solidarité à la ZAD, au mouvement NO TAV et à l’occupation de la forêt de Hambach. Nous voudrions aussi apporter de la force à celleux affecté-e-s par l’augmentation de la surveillance ou de la répression que les nouveaux projets de développements ont amenée à Atlanta.

Notre action a été très simple à mettre en place. Elle n’a pas été longue à planifier ou à faire et nous avons trouvé tout le matériel sur le bord de la route. Nous ne pensons pas que l’accumulation d’actions fait la révolution, mais nous avons voulu encourager les participant-e-s actuel-le-s et futurs des luttes révolutionnaires.

En avant, haut les coeurs !

en anglais

Italie : Lettre de Niccolò Blasi depuis la prison de Turin

Turin, 22 janvier 2014, prison des Vallette

J’écris à tous les compagnons de lutte, aux NoTAV des vallées et des villes, à ces jeunes voyous exalté-e-s qui en février 2012 envahissaient l’A32 et à celles et ceux, moins jeunes, qui en 2005 déjà se frayaient un chemin à coups de bâtons à l’intérieur des grilles du chantier. Je vous écris pour abattre la distance qui nous sépare aujourd’hui, pour faire que ce moment se transforme en une occasion de continuer à mieux nous connaître, pour lancer et recevoir des points de réflexions.

Quand j’habitais encore à Pesaro, avant de déménager à Turin, j’entendais les parents de mes camarades d’école parler de grande vitesse et de NoTAV. Les bien-pensants disaient qu’il ne s’agissait que de “4 montagnards”, et que ceux-ci n’allaient pas durer bien longtemps. Arrivé à dix-huit ans dans la capitale piémontaise, je compris que les comptes ne changeaient pas : en 2010, je me suis rapproché de la Val di Susa, rendu curieux par les récits qui m’en arrivaient depuis les presidi [endroits physiques, occupés ou non, où se retrouvent les NoTAV et autour desquels s’organise la lutte : chalets, campements, etc., NdT] et des nuits sans sommeil à attendre l’arrivée des pelleteuses. Il était clair que ces “montagnards” étaient soit pourvus d’une résistance physique inhumaine, ou bien qu’ils étaient beaucoup plus de 4 et bien organisés !

Je ne savais même pas exactement à quoi allaient servir les sondages, mais tout ce bouillonnement m’enthousiasmait et je m’y jetai la tête la première. Maintenant, il ne m’en reste que quelques fragments qui parcourent ma mémoire : le froid incrusté dans les os et la grappa de six heures du matin pour tenir bon jusqu’au changement de tour à l’Interporto de Susa ; les charges de police au milieu des bois et les boules de neige contre les boucliers. Et puis la police, encore, mais sur la SS24 cette fois, qu’un blocage organisé par des gens énervés avait obligé à retourner à la caserne en passant par Bardonecchia. Des mois plus tard, pendant une manifestation à Turin, j’avais entendu un flic marmonner à un autre, à propos de cette soirée-là : “on a mis plus de trois heures à rentrer à la maison”. Avec un peu de recul, et en repensant aux blocages d’après la chute de Luca, j’aurais aimé leur répondre “vous vous en tirez bien, soyez contents de ne pas y être restés la journée ” !

A cette époque, il y avait beaucoup de gens. Pas énormément, mais bien réparti-e-s, chaque personne avait une responsabilité directe ou son action à réaliser pour mettre en marche ce mécanisme qui cherchait à se concentrer et à tenter de différentes façons de s’approcher et de gêner les machines. Le quotidien se transformait, parce que les journées étaient toutes entières tournées vers cet objectif, chacun-e se sentait protagoniste à sa façon et comprenait quel réaction en chaîne aurait provoqué le fait de repartir, de faire un pas en arrière.

Cet hiver de lutte, qui n’a été pour moi qu’une mise en bouche, avait des caractéristiques que j’allais retrouver à une échelle beaucoup plus grande au cours des périodes qui suivirent, jusqu’à aboutir à l’extraordinaire mélange de pratiques de l’été 2011.

Il serait très utile de les dépoussiérer aujourd’hui pour affronter les défis qui se plantent devant nous en ce qui concerne le futur immédiat, mais le parquet ne semble pas être de cet avis. Si le mouvement a fait des pas de géant au cours de la dernière période en accueillant le sabotage en tant que pratique légitime de qui se rebelle contre les projets imposés par l’État, ce dernier a décidé, à travers cette enquête, d’attaquer un important bagage d’expériences accumulées au cours des ans, en en redéfinissant les contours et en en déformant le contenu. Ils parlent d’“organisation paramilitaire”, de “subdivisions des rôles”, de “hiérarchies” et de “groupes spécialisés”, les mêmes termes avec lesquels ils se réfèrent à la façon de conduire leurs guerres, et qui naturellement ne nous appartiennent en rien.

Contre cela, cela fait depuis 2010 que celles et ceux qui luttent ont compris que pour repérer une colonne de fourgons ou une pelleteuse, ou encore un bout d’une excavatrice, il suffit de se placer dans un bar, sur un balcon ou aux angles des rues qu’ils parcourent tous les jours et de regarder dans la bonne direction. A partir de là, le tam-tam d’appels suivra son cours, sans ordres ni commandants. Cela fait depuis 2010 que l’on se parle pour comprendre les exigences des un-e-s et les capacités des autres, entre qui peut prendre sa journée de travail et qui est disposé à sécher l’école, qui a des enfants assez grands pour ne plus avoir à s’en préoccuper et qui est là simplement parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Dormir à la belle étoile n’a jamais été un problème si les circonstances l’exigeaient, mais ce n’est pas vraiment pour ça que l’on peut parler de ninjas super-entraînés. Ces expériences se sont enrichies avec les années, et avec elles toutes les personnes qui y ont participé ou contribué d’une façon ou d’une autre.

Certain-e-s sont né-e-s dans la vallée et ont appris à lutter ici, et d’autres sont venu-e-s pour lutter et ont appris à marcher. Quelles que soient les personnes qui sont descendues vers le chantier cette soirée de mai, elles ne seront certainement pas plus spéciales que toutes celles qui ont grandi en s’opposant à la construction de ce train, justement parce qu’elles ne pourraient que puiser dans ce même bagage.

Non satisfaits de cette blague, les deux procureurs passent du coq à l’âne en lançant des sentences contre les NoTAV comme s’il s’agissait de torpilles, et dégainent un concept digne d’un cours de formation pour flics (mais de la première leçon) : contrôle du territoire. Un contrôle qui serait, selon leurs propres mots dans un passage fumeux de leur dossier, pratiqué par les franges violentes du mouvement.

Peut-être auraient-ils oublié le fait que n’importe qui luttant en Val Susa, plutôt que de contrôler, refuse d’être contrôlé-e ? De telle façon que les seules franges violentes qui poursuivent cet objectif sont ces messieurs et ces mesdames en uniforme ou en casque bleu, qui foncent dans leurs bolides de haut en bas et de bas en haut à travers la vallée. Depuis 2011 et jusqu’à aujourd’hui, des milliers de personnes ont rôdé sur les sentiers autour du chantier. Je me rappelle d’un tir à la corde constant pour arracher des bouts de bois qui puissent être parcourus librement, sans que de sales types en cagoule et en tenue de camouflage ne te barrent la route, en te pointant éventuellement le pistolet en pleine tête sans aucune raison, comme quelques NoTAV pourraient le raconter.

Août 2011 a été sué jour après jour : il fallait construire le presidio de Clarea. Mais les check-points sous l’autoroute, à l’entrée du chemin de terre, étaient asphyxiants. Malgré ça, quelqu’un a eu la brillante idée de proposer une rencontre quotidienne à Chiomonte pour regrouper une cinquantaine de personne et faire la traversée tous et toutes ensemble, pour que les arrestations et les identifications soient beaucoup plus difficiles à réaliser. Ce qui fonctionna, et permit que le matériel arrive jusqu’à la Baita, tandis que les personnes soumises à des interdictions de territoire pouvaient se déplacer de façon plus légère. Dans les moments de bonne humeur se montaient des banquets, qui s’achevaient souvent en véritables fêtes et qui se rendaient sous cette autoroute pour démolir de façon toujours plus improbable ces monstres de fer et de ciment que l’on appelle jerseys.

Leur concept de “contrôle” se voit démenti par une réelle connaissance diffuse du territoire que possèdent celles et ceux qui s’opposent. Celle-ci, ajoutée à l’inventivité et à la nécessaire détermination, a toujours été insaisissable pour les flics et les enquêteurs.

Ces gens tentent d’établir une présence massive et un œil indiscret sur les routes de toute la vallée, se déplaçant selon leur bon plaisir. Il y a quelques mois, un jeune me parlait du niveau de militarisation de Susa et, tandis qu’il le décrivait, cela me rappelait les histoires d’un ami tunisien à propos de l’assaut militaire de Gafsa lors des révoltes de 2005. A cette époque, lui et d’autres plus jeunes s’étaient retirés dans les montagnes, tandis que d’autres étaient restés résister en ville. Je ne connais pas bien l’histoire, mais dans ses souvenirs, quelques-uns avaient pris des coups de fusil tirés par les hommes en camouflage. Nous savons tous qu’à ce difficile “hiver” tunisien allait suivre un fleurissant printemps de révolte qui allait faire trembler le bassin méditerranéen dans son ensemble.

Bien sûr, nous autres n’avons pas ces prétentions, et nous nous contenterons de ne pas avoir nos montagnes percées et d’inutiles stations pharaoniques à Susa. Les outils pour continuer à lutter sont là. La créativité aussi.

Nous, entre-temps, nous résistons avec la tête de mule que ce mouvement nous a toujours inspiré. Nous espérons seulement que vous n’irez pas trop vite et que nous pourrons être dehors quand il sera temps de boucher ce trou à Clarea avec les ruines du chantier….et tant qu’à faire, avec un peu d’autoroute aussi.

Liberté !

Chaleureusement,
Niccolò

Pour lui écrire (Niccolò a été tranféré à Alessandria fin janvier) :

Niccolò Blasi
Casa di Reclusione, via Casale San Michele 50, IT-15100 Alessandria (Italie)