Si je pouvais choisir une autre vie, je n’en changerais pour rien au monde.
Je me rappelle parfaitement le sentiment qui m’enivrait lorsque j’ai commencé à remettre en question l’autorité, je me rappelle les nombreuses contradictions et interrogations. En partant à la découverte d’idées, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui faisaient des idées des pratiques concrètes dans leurs bibliothèques, publications, athénées, etc …, ainsi que dans leur vie quotidienne… vivre les idées ici et maintenant. Il n’a pas fallu longtemps pour que je veuille en faire de même.
Je me rappelle l’angoisse que j’ai ressentie en apprenant que des compagnon-nes étaient emprisonné-es pour mettre en pratique les idées de liberté ; frères et sœurs d’idées aux quatre coins du monde dans la gueule de la bête panoptique. Ce sentiment d’angoisse n’a jamais changé, mais il s’ accompagne du geste solidaire.
Nous sommes beaucoup d’anarchistes à nous trouver de l’autre côté du grand mur et la liste s’est encore allongée ce mardi 16 décembre.
Les tentacules du Pouvoir sont tombées sur des espaces anarchistes, des athénées libertaires, des squats et les domiciles de plusieurs acrates de Catalogne et de Madrid. La chasse a mené à la capture de onze compagnon-nes, dont sept sont resté-es en prison, accusé-es d’appartenance à une bande armée à caractère terroriste. Ce n’est pas du tout un hasard si les personnes arrêtées font partie de mes proches, d’ailleurs plus de la moitié d’entre elles me rendent fréquemment visite en prison. Le maillet juridico-policier a puni la solidarité.
Je ne peux me taire face à tant de misère, la vengeance répressive étatique frise le délire. Les médias (porte-voix des dominants) parlent de chefs et de subordonnés, j’insiste pour eux et quiconque aurait quelque doute sur le fait que nous sommes anti-autoritaires ! Personne n’est au-dessus de moi et je ne suis au-dessus de personne !
Les espaces attaqués en Catalogne n’ont pas non plus été choisi arbitrairement, d’une part la Kasa de la Muntanya est un symbole important de l’occupation et ses 25 ans loin de la logique capitaliste ont apporté à de très nombreuses générations de dissidents vis-à-vis de ce système de terreur. Les athénées libertaires et espaces anarchistes frappés n’ont jamais caché leurs idéaux, offrant un terrain fertile où semer des graines de liberté.
Le prix à payer dans cette lutte pour reprendre nos vies en main est très haut, personne n’a dit que ce serait facile, mais sans aucun doute si je pouvais choisir une autre vie, je n’en changerais pour rien au monde. Dans cette bataille contre la domination, aucune cage, aucun mur ne pourront étouffer nos voix, mais sans vous, compagnon-nes, elles ne se transformeraient qu’en échos.
Si à un moment, très chèr-es compagnon-nes incarcéré-es récemment, vous pouvez lire ces mots, je vous dis que j’ai la certitude que vous resterez intègres et à la hauteur des circonstances comme vous l’avez toujours fait.
Je me rappelle toutes les fois où j’ai lu ou entendu que la solidarité est une arme nécessaire pour les anarchistes. J’espère aujourd’hui que ces souvenirs se feront réalité … transformer nos idées en action.
Après deux heures de réunion en chambre de conseil, la Cour d’Assise du Tribunal de Turin a condamné Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò à 3 ans et 6 mois chacun, les reconnaissant coupables d’avoir saboté le chantier de la Grande Vitesse, mais les relaxant du chef d’accusation principal, celui d’attentat terroriste, grâce auquel le Parquet avait demandé une peine totale de 9 ans et demi.
19.00 – Manifestation dans les rues de Bussoleno
18.00 – Rassemblement de solidarité à Brescia sur la Piazzetta Bella Italia, à l’angle de Piazza della Loggia
18.00 – L’accusation de terrorisme est tombée, les sites internet du Parquet et du Tribunal de Turin tombent eux aussi, grâce à une attaque informatique d’Anonymous.
17.00 – A Florence, un cortège de solidarité défile dans les rues du quartier de Rifredi, dans les environs du chantier de la Grande Vitesse.
14.00 – Un groupe de personnes solidaires bloque l’autoroute Turin-Fréjus à la hauteur de la galerie de Giaglione, interrompant la circulation.
13.00 – Un train régional venant de Milan vers Turin est arrêté par la police ferroviaire à la gare de Novara, avec à bord 30 No TAV qui avaient très justement refusé de payer leur billet.
Une interview téléphonique (en italien) d’un compagnon présent au tribunal sur Radio Blackout, et un commentaire plus articulé (toujours en italien) sur Radio Onda Rossa.
Entretemps, Francesco et Graziano, arrêtés en juillet avec Lucio pour les mêmes faits que les quatre condamné-e-s d’aujourd’hui, ont été transférés dans la section de Haute Sécurité de la prison de Ferrara. Le transfert est une conséquence directe de l’accusation « d’attentat à finalité terroriste » que le Parquet de Turin a porté contre eux il y a une semaine. Leur nouvelle adresse est donc :
La matinée du mardi 16 décembre nous a surpris par une vague de perquisitions et d’arrestations. Elle nous a surpris ? Nous ne mentirons pas. Reprenons depuis le début. Le matin du 16 décembre ne NOUS A PAS surpris. La police autonome catalane, les Mossos d’Esquadra, la Guardia Civil et les agents judiciaires de l’Audienca Nacional* sont partis à l’assaut de plus de 10 domiciles et de quelques locaux anarchistes à Barcelone, Sabadell, Manresa et Madrid, avec leur lot de perquisitions, d’arrestations, de confiscation de matériel de propagande et informatique, en plus de profiter de l’occasion pour tout retourner et piller quelques choses aussi, en utilisant tout le corps anti-émeute de la Brigade Mobile des Mossos d’Esquadra, dans la vieille Kasa de la Muntanya, un espace occupé qui vient de fêter ses 25 ans.
Selon la presse, qui a comme toujours démontré son rôle de porte-voix policier, l’objectif de ces arrestations est de désarticuler « une organisation criminelle a finalité terroriste et de caractère anarchiste violent ». Bien qu’il soit facile de répéter une fois de plus une phrase tout faite, nous allons le faire : la seule organisation criminelle qui cherche à terroriser les gens de par son caractère violent est l’État et ses tentacules : la presse, l’appareil juridique, ses corps répressifs et ses politiciens, d’où qu’ils proviennent.
Pourquoi cette répression ne nous surprend-t-elle pas ? Parce que nous l’attendions.
Il se s’agit pas de jouer à être des oracles, rien de tout cela, seulement de savoir lire entre les lignes et, parfois de façon littérale, les évènements. Comme cela s’est déjà déroulé avec la détention d’autres compagnon-ne-s l’année passée, il y a longtemps que s’orchestrent des vagues comme celle de mardi contre les milieux libertaires et anti-autoritaires. Et si les différentes rafles n’ont jamais été aussi grandes, elles mettaient en évidence un horizon semé de situations de ce genre.
Opération « à l’italienne ».
Depuis deux décennies, le milieu anarchiste de la région voisine qu’est l’Italie vit tous les quelques temps, et de façon toujours plus régulière ces dernières années, des macro-opérations similaires à celle de mardi. Pas seulement du fait de leur aspect de rafles simultanées et de perquisitions dans différentes maisons, mais aussi à cause de l’utilisation de noms faciles à retenir et un certain humour noir, comme dans le cas de la présente opération, surnommée Pandora car dans ce cas, selon ce que la presse a répété de ses sources judiciaires, « c’était une boîte qui, du fait des nombreuses frayeurs que nous avions, il était impossible d’ouvrir ». Par « nombreuses frayeurs », ils se réfèrent à différentes actions ayant eu lieu ces dernières années sur tout le territoire de l’État espagnol. Pour revenir aux opérations italiennes, il suffit de rappeler les noms de quelques-unes de celles de ces dernières années, comme l’Opération Thor, dont le nom renvoyait à l’accusation d’une série d’attaques au marteau contre des distributeurs automatiques et autres bureaux ; l’Opération Ixodidae, qui se réfère au nom technique de la famille des tiques, la façon qu’avaient les fascistes de nommer les communistes et les anarchistes ; ou d’autres comme Ardire, Cervantes, Nottetempo, etc.
En plus de la procédure et de la nomenclature, un facteur qui nous rappelle lui aussi beaucoup le pays voisin est le rôle de la presse, laquelle nous a aussi aidé-e-s à voir ce qui était sur le point d’arriver. Depuis environ 3 ans, voire un peu plus, la presse espagnole a commencé une campagne pour préparer le terrain de manière à ce que des opérations comme celles-ci ne soient pas seulement possibles, mais aussi prévisibles. En pointant du doigt des milieux, et même parfois des espaces précis ou des personnes avec leurs nom et prénom, des collectifs, etc, elle travaille à construire une image caricaturale et un rien bizarre d’un ennemi intérieur qui, bien que cela soit habituel depuis des décennies, a pris ces dernières années les caractéristiques très spécifiques de « l’anarchiste violent », de « l’insurrectionnaliste », de « l’anti-système qui s’infiltre dans les mouvements sociaux », etc.
Le fiasco chilien
L’année 2010 a été une année glorieuse pour l’État chilien. Sebastián Piñera, de droite, entrepreneur et quatrième fortune du pays, en plus d’être élu président, s’est orchestré une opération policiaire, médiatique et judiciaire contre le milieu anti-autoritaire avec plus d’une dizaine de perquisitions et d’arrestations, connue en tant qu’Opération Salamandre, plus connue comme « Caso bombas » puisqu’elle prenait comme point de départ l’enquête sur une série d’attentats à l’explosif survenus les années précédentes, et la création à travers l’imaginaire policier d’une macro-structure hiérarchique d’un supposé réseau chargé de toutes ces détonations : un cirque qui non seulement a affaibli l’image de l’État, en plus de le tourner en ridicule, mais qui a surtout mis en évidence la grossièreté des procédures d’investigation, qui incluent falsification de preuves, chantage et pression pour obtenir des informations ou des « repentis », hasard, etc. La procès a abouti a la relaxe de toutes les personnes mises en cause, et à une soif de vengeance de la part de l’État chilien contre le milieu et les personnes mêlées à l’enquête.
Un an après la finalisation de cette farce qu’était le « Caso bombas », et à travers une autre opération, de ce côté de l’océan cette fois, les ministères, les juges et les policiers espagnols et chiliens ont travaillé de concert sur un nouveau cas. Mónica Caballero et Francisco Solar, tous deux auparavant poursuivi-e-s dans le « Caso bombas », sont arrêté-e-s à Barcelone, où ils vivaient alors, avec trois autres personnes qui ont plus tard été écartées de l’affaire, sous l’accusation d’avoir posé un engin explosif dans la Basilique du Pilar à Saragosse, la conspiration en vue de réaliser un acte similaire et l’appartenance à une supposée organisation terroriste. Ces compagnon-ne-s sont actuellement en prison préventive, en attente d’un procès dont on ignore la date, et nous ne savons pas non plus en quoi leur procès sera altéré par cette nouvelle vague répressive.
La situation est plus ou moins connue de tous et toutes, et si nous sommes bien sûr-e-s d’une chose, c’est que les récentes arrestations servent à donner corps à une affaire qui ne tient pas debout toute seule.
Un hasard ?
Quelques heures avant les arrestations de mardi, le gouvernement espagnol faisait écho dans ses médias du fait que « les ministères de l’Intérieur d’Espagne et du Chili ouvrent une nouvelle phase de collaboration renforcée dans la lutte contre le terrorisme anarchiste ». Le lundi 15 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur espagnol, Jorge Fernández Díaz, a rencontré au Chili le vice-président et ministre de l’Intérieur chilien Rodrigo Peñailillo, dans le Palais de La Moneda, siège du gouvernement à Santiago du Chili. « Dans la lutte contre le terrorisme, le Chili trouvera en l’Espagne une solide alliée », se gargarisait l’Espagnol, tandis qu’il recevait la Grande Croix de l’Ordre du Mérite chilien, « la plus grande décoration de mérite civil du pays », selon la presse, un trophée que l’État chilien octroie en ce cas pour le labeur policier et comme prix pour l’arrestation des compagnon-ne-s Mónica et Francisco l’an passé.
En plus de ces prix et de ces éloges, Fernández le commerçant a vendu un peu de sa marchandise : perfectionnement policier, judiciaire, matériel répressif varié, etc.
Et ce qui reste à venir…
Quel sera le prochain épisode répressif ? Nous l’ignorons. Jusqu’à présent, on ne sait presque rien de comment vont nos compagnons et compagnonnes, de quoi on les accuse exactement, à quelles mesures répressives ils et elles seront soumis-es, si la prison préventive les attend, etc.
Ce qui est sûr, c’est que cette opération n’est pas un fait isolé, mais plutôt qu’elle est un maillon de plus d’une chaîne. Une chaîne répressive parfois brutale et parfois subtile, dans laquelle peuvent rentrer les nouvelles lois (il n’y a qu’à penser à la récente Ley Mordaza**), l’assaut mené contre les sans-papiers par des rafles racistes toujours plus énormes, la brutalité policière, ou encore l’aspiration à gérer la misère et à administrer la répression (qui est ce que fait l’État, après tout) par une partie de la pseudo-gauche (avec Podemos*** en tête) qui se réduit de façon toujours plus évidente à une parodie d’elle-même. Expulsions locatives, matraques, fascistes, durcissements légaux et punitifs en tout genre, jeux de miroirs nationalistes et sociaux-démocrates sont ce que nous dépeint le présent. Il n’y a rien de pire à attendre : le pire n’est jamais parti.
L’éventail des possibilités de l’antiterrorisme espagnol est un fourre-tout. Il est là, bien en vue, pour nous rappeler que pour l’État, lutter signifie terrorisme. Il fonctionne comme un épouvantail. Allons-nous nous laisser effrayer ?
L’État et ses agents disent avoir ouvert la boîte de Pandore. Dans la mythologie grecque, Pandore est l’équivalent de la Ève biblique. Avec la misogynie caractéristique des deux mythologies, Pandore ouvre sa boîte comme Ève mange sa pomme, et libère tous les maux qui s’y trouvaient.
Nous sommes capables de créer notre propre narration et de nous foutre leur mythologie merdique là où ça nous chante. Notre histoire est différente. La « boîte » que cette opération répressive a ouverte nous exhorte à agir, à ne pas baisser la garde, à rester attentif-ves à leurs prochains mouvements. Elle nous fait penser et repenser quel est le monde que nous voulons et quelle est la distance entre ce monde et le leur. Elle nous porte à voir l’urgence d’agir, d’aller de l’avant.
Les compagnonnes et compagnons arrêté-e-s font partie de différents projets, espaces, collectifs, etc., et il est très important que ceux-ci ne retombent pas, que la ruine (dans tous les sens du terme) à laquelle ces situations mènent généralement ne génère pas d’impuissance et de sentiment de paralysie.
Nous disons toujours que « la meilleure solidarité, c’est de continuer la lutte ». D’accord, mais, qu’est-ce que ça veut dire dans la pratique ? On rebat aussi que « s’il touche à une personne, ils nous touchent tou-te-s ». Cela s’est laissé démontrer par les réponses et les manifestations qui ont eu lieu dans différents endroits, ainsi que par la chaleur inconditionnelle des compagnon-ne-s resté-e-s dehors.
Nous pouvons être sûr-e-s d’une chose, et c’est que les compagnonnes et compagnons détenu-e-s peuvent sentir cette chaleur qui passe outre les barreaux et l’isolement, parce que c’est cette même chaleur qu’ils et elles ont su donner lors d’autres occasions.
Notes de Contra Info : * L’Audiencia Nacional est un tribunal suprême spécial chargé, entre autres de toutes les enquêtes antiterroristes en Espagne. ** La Loi Mordaza est la nouvelle loi sur la sécurité publique en Espagne, qui limite les ‘droits fondamentaux’, établit des quotas d’immigration, criminalise les occupations d’immeubles et dans la rue, etc. De nombreux rassemblements sont prévus ces jours-ci contre la mise en place de cette loi. ***Podemos (Nous pouvons) est une organisation de gauche issue de la rencontre des politiquards des cendres du mouvement du 15M et de la gauche trotskyste, qui se présente aux élections et prétend représenter l’alternative aux politiques libérales.
Nikos Romanos, anarchiste prisonnier en Grèce, a mené une grève de la faim du 10 novembre au 10 décembre 2014. Les appareils juridiques ont rejeté sa requête de sorties de prison à des fins d’étude. De nombreuses actions de solidarité ont été réalisées en réponse à cette décision, de formes différentes, à l’intérieur et à l’extérieur des prisons de la démocratie grecque et au niveau international.
Plus que toute autre chose, c’est l’urgence de la situation qui a déclenché les affrontements de rue et a inspiré des dynamiques de rébellion sur tout le territoire contrôlé par l’État grec. Les compagnon-ne-s solidaires étaient disposé-e-s à échanger leurs idées et leurs désirs au cours de ce dernier mois, et de nombreuses actions ont pu voir le jour du fait de la grève de la faim de ce prisonnier : assemblées quotidiennes, banderoles, actions directes, telles que de nombreuses attaques incendiaires et à base d’explosifs artisanaux (contre des distributeurs de billets, surtout), attaques commando contre la police, émeutes et affrontements à grande échelle contre les forces de l’ordre, blocage de bâtiments, actes de sabotages (avec de la peinture ou de la colle, etc.), attaques physiques contre des représentants du Pouvoir, manifestations spontanées lors d’apparitions publiques de politiciens, occupations symboliques de stations de radio et de télévision, une vague d’occupations de bâtiments de l’État ou d’entreprises privées, rassemblements de contre-information et manifestations énormes.
Il est possible que la créativité et la conflictivité des nombreuses et diverses individualités et groupes ne soient pas assez fortes et décidées pour maintenir une intensité semblable dans la lutte de façon quotidienne, mais il existe toujours la possibilité que de nouveaux projets surgissent des récentes rencontres dans les immeubles occupés, des actions de rue, etc. Cependant, si les soutiens de Nikos Romanos, et les anarchistes en particulier, souhaitent réfléchir à propos des détails de ce qu’il s’est passé lors des deux derniers jours de la grève, alors peut-être qu’ils et elles seront prêt-e-s à pratiquer cette solidarité, tellement nécessaire avec les prisonnier-e-s, contre l’ouverture des prisons de haute sécurité de Domokos, ainsi que contre le durcissement des conditions d’enfermement en général. Vu que sa requête initiale a été rejetée de façon répétée et vindicative, ils ont fait du chantage à notre compagnon pour qu’il accepte le bracelet électronique comme option pour obtenir, à un moment, les sorties d’étude, comme « dernier recours » qui devenait toujours plus contraint à mesure que sa santé se dégradait. De fait, celui-ci a accepté de mettre un terme à sa grève de la faim seulement après que le parlement grec ait voté de façon quasi unanime (exceptés deux parlementaires du principal parti du gouvernement, selon le registre officiel, et alors que les parlementaires nazis étaient présent au moment du vote) en faveur de l’amendement proposé par le ministère de la justice. Cet amendement se réfère aux prisonnier-e-s convaincu-e-s (condamné-e-s par un tribunal) et mis-es en cause (en attente de jugement) ayant le droit d’étudier dans un établissement d’éducation supérieur de la même région que l’institution carcérale dans laquelle ils ou elles sont enfermé-e-s, mais à qui il a été refusé les sorties d’étude pour pouvoir assister aux cours de façon régulière.
Il y est dit que ces prisonnier-e-s doivent assister de façon satisfaisante à au moins un tiers des cours et des sessions de laboratoire d’un semestre d’une année académique en suivant des cours par correspondance, et c’est seulement alors qu’on leur permettra d’accéder aux sorties d’étude, avec utilisation de bracelet électronique pour assister physiquement aux classes. Le ministre de la justice a inscrit la clause du bracelet électronique au dernier moment, en s’assurant d’ajouter que le conseil administratif (carcéral) pourrait toujours refuser ces demandes de sortie d’un-e détenu-e s’il présente une « justification spéciale » (nous supposons que cela s’applique aussi si le ou la prisonnier-e a effectivement suivi les cours à distances nécessaires depuis l’intérieur de la prison, et même s’il ou elle a accepté de porter le bracelet électronique à l’extérieur). Cet amendement législatif s’applique pour tou-te-s les prisonnier-e-s condamné-e-s et, en attente de jugement, à celles et ceux privé-e-s de sorties d’étude (il ne s’agit donc pas seulement du cas de Nikos Romanos). Cette fois, presque tous les partis politiques tiraient un bénéfice électoral en faisant la promotion de plus de mesures répressives contre les prisonnier-e-s, en plus de ne pas perdre l’occasion de démontrer leur profil démocratique et humanitaire.
Nikos a mis fin à sa grève de la faim après 31 jours, mais il continue d’asphyxier pour quelques bouchées de liberté. Au vu du résultat, et sachant que sa revendication n’a toujours pas été satisfaite, nous exigeons ce qui devrait lui être concédé immédiatement : des sorties d’étude hors de prison. Au lieu de ce sentiment de « victoire » qui s’est répandu, il nous semble que rien n’a été gagné, mise à part la valeur de vie du compagnon et la prise de conscience que nous devrions répondre à tous les chantages des larbins de l’État non pas dans un futur distant mais dès maintenant, en intensifiant toutes les formes de lutte contre la société carcérale. Nous nous positionnons fermement aux côtés des prisonnier-e-s en lutte et contre l’application de l’usage des téléconférences et des bracelets électroniques, qui ne sont que des moyens de plus d’isoler les prisonnier-e-s de l’État/Capital. Maintenant plus que jamais, la solidarité avec les prisonnier-e-s doit passer à l’offensive par tous les moyens nécessaires.
Déclaration de Caferağa Mahalle Evi à propos de l’expulsion et de l’évacuation de la maison :
Le 1er décembre 2014, nous avons été informé-e-s que la Solidarité Caferağa Mahalle Evi – où nous vivions depuis janvier 2014 – serait expulsée le 5 décembre 2014 à 10 heures du matin, du fait d’une requête du Directorat Général de la Propriété Nationale (Milli Emlak), avec assignation du gouverneur du district et exécution des forces de police.
A peine avons-nous reçu cette nouvelle que nous avons fait de notre mieux pour vous informer par tous les moyens de communication. Nous avons utilisé les réseaux sociaux, les mails, les coups de téléphone aussi bien que les affiches, vidéos et autres textes. Nous avons appelé à un rassemblement de solidarité avec le centre de communauté squatté, le 5 décembre à 9 heures.
La conversation d’un ami avec les autorités locales nous a appris que forces de l’État ne pourraient passer à l’action et expulser le bâtiment à cause du quartier, ainsi que du fait de la réponse et de la réaction des gens d’Istanbul. Le peuple a revendiqué cet immeuble.
En conséquence, nous avons appelé le gouverneur du district pour demander un rendez-vous. Celui-ci, Birol Kurubal, a répondu à notre requête en envoyant les forces de police au Mahalle Evi le 9 décembre autour de 6h30 ou 7 heures du matin pour expulser le bâtiment.
Au cours de cette opération, que nous pourrions appeler « raid à l’aube », l’un de nos amis a été sorti de sa maison par la force, maltraité et emmené au Mahalle Evi. La rue Hacı Şükrü et les rues environnantes étaient bloquées par la police anti-émeute. Les résident-e-s n’étaient autorisé-e-s à rentrer ni dans le Mahalle Evi, ni dans leur quartier.
Les forces de police sont entrées dans la maison sans attendre la présence d’un magistrat. Ils ont (si l’on veut) emporté tout le matériel et l’équipement et plus d’un millier de livres qui avaient été collectés ces derniers mois. Ils ont (sans raison) déchiré les documents d’archives comme les affiches ou les notes. Au moment de quitter le Mahalle Evi, ils ont scellé la porte extérieure historique et la porte métallique après elle, de façon à fermer le bâtiment à la communauté. Ils sont repartis en ne laissant derrière eux aucun document officiel ou sceau qui indiquerait la légalité de leur acte.
Nous n’avons pas pu assister à l’évacuation, mais leur vandalisme (exposé sur les réseaux sociaux avec des photos avant/après) pouvait se voir à travers les fenêtres du rez-de-chaussée. Personne n’est entré dans l’immeuble après l’expulsion, et nous ne connaissons pas l’étendue des dommages causés aux efforts que les gens avaient fait.
De façon très représentative, dès les premières heures du matin, des gens du coin, des résidents de Kadıköy, des gens d’İstanbul, des natifs de Turquie et citoyens du monde, de nombreux individus et groupes ont déclaré leur solidarité avec nous. L’après-midi du même jour, des gens se sont rassemblés dans la rue où se trouve le Mahalle Evi pour manifester contre l’attitude répressive et l’approche non-négociatrice du gouverneur Birol Kurubal et des forces de l’État, et ont mené une action de protestation, qui a compris de la musique et de la danse.
Pendant la manifestation, en tant que groupe de solidarité, nous avons fait de notre mieux pour prévenir toute intervention de la police qui aurait pu agir de façon violente contre la foule, comme elle l’avait fait auparavant contre l’immeuble. Nous sommes restés fidèles aux paroles que nous avons portées et aux choses que nous avons faites. La porte du Mahalle Evi a été ouverte, mais à notre connaissance, personne n’est entré dans la maison.
Pour nous, le Mahalle Evi n’est pas une affaire « d’atteinte à la propriété », comme l’État veut le voir. Tandis que l’État a abandonné le bâtiment et l’a laissé vacant pour de nombreuses années, la maison a évolué en « espace commun » aux portes ouvertes à toutes les personnes qui désiraient l’utiliser.
Nous n’avons aucun doute sur la raison et la légitimité de ce que nous avons fait. Tous les cœurs braves qui sont restés à nos côtés et ont défendu le Mahalle Evi l’ont démontré une fois de plus.
Nous remercions tous ceux et toutes celles qui nous soutiennent. Cette lutte n’appartient pas qu’à nous, mais aussi à celles et ceux qui veulent défendre les espaces communs et publics.
Et ce processus n’est pas encore terminé. La Solidarité Caferağa continuera ses activités dans le quartier de Caferağa. La maison communautaire a été fermée aux habitants. Mais les idées qui ont fait vivre cette maison se diffusent avec la participation de celles et ceux qui nous soutiennent.
Nous savons que les portes qui ont brutalement été fermées par les autorités seront ouvertes de nouveau par la solidarité et par la lutte, jusqu’à la liberté.
Comme nous le disons tou-te-s ensemble, ce n’est qu’un commencement. La lutte continue !
Le prisonnier anarchiste Nikos Romanos, utilisant les seuls moyens dont il disposait en isolement en prison, son corps, a mené une grève de la faim dure et décidée qui a débuté le 10.12.2014, pour demander un souffle de liberté. En utilisant les contradictions du système légal, il a confronté et exposé ces contradictions. L’État, qui maintenait un silence absolu face à cette grève de la faim qui a duré jusqu’au 6 décembre, moment où la polémique a atteint son point culminant, a fini par reculer et a été conduit à un changement du corpus légal en ce qui concerne les sorties d’étude pour les prisonniers.
Le réajustement de l’arsenal légal est ambigu. D’un côté, les prisonniers politiques auront à présent la possibilité de faire des sorties d’étude en portant un TAG. L’État a rétrocédé face au combat mené par Nikos et le mouvement de solidarité, ce qui représente une victoire du mouvement face au pouvoir de l’État. D’un autre côté, les sorties d’étude des prisonniers en attente de procès font à présent partie du régime de contrôle digital récemment mis en place, le TAG. La recherche menée par le système pénitentiaire de pouvoir plus aisément distribuer des peines à des franges toujours plus grandes de la population semblent gagner du terrain et de la légitimité. Cependant, il ne s’agit pas d’une tactique explicitement agressive, mais plutôt une condition pour le compromis auquel l’État a été contraint.
La gauche institutionnelle, qui agit de toute façon comme la bonne conscience du système, a été, et particulièrement dans ce cas, un catalyseur de la restructuration de la trame institutionnelle dans la direction d’un renforcement du contrôle et de la répression et du désarmement de la résistance. En se servant de la grève de la faim de Nikos, les réformistes ont tenté de dégrader une lutte purement politique en affaire humanitaire. La demande d’éducation comme valeur sociale suprême n’est rien d’autre qu’une tentative de dépolitiser la lutte pour la liberté.
La grève de Nikos a été le pivot pour l’émergence et la convergence de différentes mobilisations, parce que le compagnon a vigoureusement défendu les visions radicales plus larges qui animent les opprimés, inspirant la recherche de victoire. Un prisonnier rebelle anarchiste, activement lié aux sujets de la révolte, combattant jusqu’au bout, réveille ce qui ne peut être abattu. Le mouvement de solidarité qui est sorti de terre a eu une résonance de masse, parce que la lutte de Nikos a touché quelque chose chez les opprimés, qui se reconnaissaient dans leur propre lutte pour la vie et la dignité. La lutte de solidarité a gagné du terrain en libérant des bâtiments publics à travers tout le pays et en les faisant fonctionner comme des centres névralgiques d’actions de mobilisation et de diffusion. En ce sens, elle est parvenue a subvertir en un rien de temps le régime totalitaire de contrôle de l’État sur les espaces publics qui s’est intensifié depuis la révolte de décembre 2008. Les espaces de résistance collectifs occupés ont été dépositaires d’un monde de liberté et d’auto-organisation. La continuité des initiatives agressives, malgré le fait qu’elles soient dans l’esprit restées moindres dans le temps et dans l’intensité que ce que le compagnon imaginait, ont été le rappel que les opprimés sont capables de créer une brèche dans le terrorisme d’État.
Le mouvement de solidarité qui s’est levé a fonctionné comme une menace, forçant les « représentants du peuple » à utiliser des méthodes de décompression, comme la tenue d’élections anticipées. C’est une méthode de l’État pour réfréner la confrontation imminente avec les franges résistantes de la société. Il nous faut remarquer que la résurgence de la révolte que Nikos a amorcé a été le facteur critique qui, dans la présente recomposition du régime, a forcé l’État à abandonner sa façade de scène parlementaire de députés en opposant un front uni.
Alors qu’il traverse actuellement une crise politique profonde, l’État tente d’éviter la confrontation, et a donc gardé un aspect défensif durant tous ces jours. Cependant, l’effort de restauration de la façade démocratique corrodée du pouvoir signifie l’intensification de l’agression de l’État et du Capital à travers toutes les forces de l’éventail institutionnel. La gauche institutionnelle, en particulier, qui tente d’assimiler la résistance au jeu institutionnel, joue un rôle déterminant dans le désamorçage de la lutte. Pour ces raisons, nous estimons non seulement que rien n’est terminé, non seulement que tout continue, mais que nous devons renforcer notre contre-attaque contre la civilisation de la prison et de l’exploitation. Ne permettons pas une seule seconde le silence mortel du consensus fictif mis en place.
LIBÉRATION IMMÉDIATE DES ARRETÉ-E-S DU MOUVEMENT DE SOLIDARITÉ ET FIN DES POURSUITES
RÉVOLTE PERMANENTE ET SANS TRÊVE
JUSQU’A L’ABOLITION DES PRISONS DE HAUTE SÉCURITÉ
JUSQU’A L’ABOLITION DES LOIS ANTI-TERRORISTES
JUSQU’A LA LIBÉRATION DE TOU-TE-S LES COMBATTANT-E-S EMPRISONNÉ-E-S
JUSQU’A CE QUE NOUS AYONS ABATTU LA DERNIÈRE PRISON
Le samedi 6 décembre, un groupe d’individus a attaqué l’ordre existant. A Rågsved et à Hagsätra, dans le sud de Stockholm, les chiens de l’État ont été attaqués avec des molotov, des pierres et des pétards. Suite à cet événement, le commissariat local a été pris pour cible et plusieurs véhicules ont brûlé. Dix de ces troubles-fête ont malheureusement été arrêtés la nuit même, et un juste après. Les flics recherchent activement les autres participant-e-s. Les flics font également de grands efforts pour comprendre pourquoi quelqu’un a pu planifier une telle action ; pour être planifiée, elle l’était, selon toutes les personnes qui se sont jusqu’à présent permises de commenter l’évènement.
Il ne devrait pourtant pas être si difficile de comprendre le pourquoi, même pour des agents fanatiques. Dès que des gens essayent de reprendre un peu de leur liberté, qui appartient à tout être vivant, les uniformes forment leurs rangs, prêts à frapper, enfermer, et même tuer, tout cela pour tous et toutes nous maintenir dans notre condition d’esclaves.
Repoussé dans la normalité, la violence directe de l’État et de ses institutions n’est plus que rarement la plus assassine de la liberté. Elle serait plutôt l’opposé, car elle porte avec elle un potentiel catalytique pour la révolte. Non, le pire de tout, et ce qui est le plus à même de faire pourrir notre liberté en tant qu’individus dans un territoire concret, c’est le pouvoir administré de façon bureaucratique : l’office du travail, le centre des impôts, l’autorité de l’assurance sociale, l’administration de la sécurité sociale, l’autorité des migrations, l’institution carcérale, l’office pour la jeunesse, les huissiers et tous ces collaborateurs capitalistes (les firmes de recherche d’emploi, les entrepreneurs de l’octroi d’asile, les collecteurs de dettes, les « marchands d’enfants », etc.). De pair avec la morale, forcés par la société, ils nous disent comment nous comporter et quelles sont nos obligations en tant qu’esclaves ; les structures religieuses et patriarcales dans les familles et les communautés locales… Tu devrais vouloir travailler, mais personne ne t’embauche. Tu trouves un boulot, mais pas d’argent. On t’a promis le droit d’asile mais au final, tu dois rester dans la clandestinité. Tu es sensé être motivé pour apprendre, mais ton intelligence est niée. C’est cette réalité, et une haine envers l’existant s’explicite, et ces points de conscience sont pris pour l’attaquer, ce n’est pas une surprise. Ou plutôt, il est inquiétant que tant de gens continuent à se soumettre à ces relations sociales.
Celles et ceux qui ont choisi d’agir en conflit contre cette société ce samedi l’ont fait avec des intentions encore inconnues. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance non plus. Ce qui est important, c’est de voir que ces personnes ont attaqué les relations de pouvoir qui nous maintiennent en place et qu’en ce moment, onze personnes sont enfermées, accusées d’y avoir participé.
Beaucoup d’entre nous portons ces actions qui ont été commises dans nos perspectives et, à plus petite échelle, dans notre vie de tous les jours, mais nous laissons souvent des excuses nous empêcher de les réaliser… Peu importent leurs motivations, eux n’ont pas choisi les excuses…
Il ne nous intéresse pas de trancher entre culpabilité ou pas, onze personnes sont enfermées, accusées d’avoir attaqué les autorités. Le moins que l’on puisse faire est de leur démontrer notre solidarité en tant que combattant-e-s de la liberté anti-autoritaires. Et la solidarité est meilleure lorsqu’elle s’exprime par l’action…
Pour des institutions en flammes et des flics éclatés !
* le 9 décembre, les onze personnes arrêtées ont été relâchées, mais sont toujours suspectées d’incendie, émeute, violence contre personnes dépositaires de l’autorité publique, entre autres choses. La plupart des accusés ont moins de 18 ans.
Ce texte et ces quelques réflexions naissent d’une certaine déception ressentie vis-à-vis des résultats cette manifestation, et visent à contribuer à ce que nous gagnions en force pour les évènements à venir.
Le 29 novembre, nous étions quelques milliers à converger vers Lyon pour y manifester contre le congrès national du Front National qui devait s’y tenir. Il devait s’agir d’un grand rendez-vous, puisque l’appel avait été repris par de très nombreuses réalités politiques différents, des organisations de gauche classiques aux anarchistes. La présence de nombreux camarades venu-e-s d’autres pays mettait l’accent sur le fait que la lutte antifasciste est internationaliste, comme l’affirmait aussi l’un des slogans entendus lors de la manifestation (« Derrière le fascisme se cache le Capital, la lutte antifasciste est internationale »).
Les autorités et la Préfecture avaient prévu un dispositif policier de grande ampleur, non sans avoir fait au préalable des déclarations alarmistes à la presse sur l’arrivée prochaine de redoutables casseurs-anarchistes-ultraviolents-ultramegagauchistes prêts à réduire la ville de Lyon en cendres. Ce qu’elle mériterait, d’un certain point de vue, mais là n’était pas l’idée.
Des centaines de policiers, de gardes mobiles, d’équipages de la BAC, des canons à eau et un hélicoptère étaient donc venus contribuer à ce que tout le centre-ville soit bloqué (les bus, trams et métros étaient quant à eux à l’arrêt), et se sont employés à entièrement encercler la place Jean Macé, lieu du rassemblement, ne laissant que deux de ses accès praticables. Toutes les personnes qui souhaitaient se rendre à la manifestation devaient donc passer par ces accès et étaient fouillées à la recherche d’armes ou de matériel de protection. C’est d’ailleurs là qu’on eu lieu les premières arrestations.
La manifestation finit tout de même par s’élancer sur l’avenue Jean Jaurès (les organisations de gauche et autres syndicats en tête, puis les organisations libertaires et, en queue de cortège, le bloc anarchiste, composé d’environ 800 personnes). Après quelques mètres, les premiers tags apparaissent, et après quelques dizaines de mètres, les premières vitrines disparaissent. A partir de ce moment et jusqu’à ce que la manifestation atteigne le pont de la Guillotière, en passant par le boulevard Gambetta, toutes les banques, assurances, agences immobilières, publicités et vitres d’abribus sont détruites, et les tags continuent de proliférer (“ACAB“, “1 papa FN + 1 maman UMP = 1 enfer“, etc.). Au passage, un flic en civil sera repéré et tabassé. Les vitrines du Mac Donald’s qui avait proposé à la ville de Lyon de « nettoyer le quartier de ses Rroms » ne résistent pas longtemps non plus (“mange ça“, dit un tag). Quelques petits commerces sont eux aussi touchés comme dommages collatéraux, même si ils ne faisaient pas partie des cibles visées principalement. Les flancs de la manifestation sont complètement occupés par les anarchistes, tandis que les organisations et les syndicats se contentent de protéger les membres de leurs cortèges respectifs, mais sans qu’il n’y ait d’agressivité exprimée ni dans un sens, ni dans l’autre. Quelques charges de police ont lieu, mais sans trop d’importance.
Arrivés au pont de la Guillotière, où une énorme banderole “La chasse aux loups est ouverte” est déployée, la manifestation sera coupée en deux par les gendarmes mobiles, qui s’interposent avant de charger à grand renfort de lacrymogènes les personnes présentes sur le pont, qui courent de l’autre côté du Rhône (sur lequel patrouilles des bateaux de police) pour éviter d’être bloquées. Les entrées des rues commerçantes du centre bourgeois sont complètement blindées et bloquées par la police, comme on pouvait s’y attendre. On avance donc en suivant les quais (un autre agent de sécurité y sera poursuivi et frappé), poussé-e-s de temps en temps par du gaz ou des charges, jusqu’à ce que nous nous rendions compte qu’il ne reste presque plus personne devant nous. Des charges ont lieu, tout comme des arrestations, et presque tout le monde va alors s’engouffrer dans une petite rue adjacente débouchant sur les rues commerçantes de la Presqu’île, où quelques vitrines seront là encore attaquées. Mais le dispositif policier étant très important à cet endroit-là, tous les petits groupes finissent par se disperser et par se joindre à la foule de passant-e-s venu-e-s faire leurs courses pour le Noël à venir. Un autre groupe a rejoint la gare de Perrache et a été copieusement gazé. D’autres encore sont restés de l’autre côté du Rhône.
La manifestation s’est déroulée loin de l’endroit où les fascistes tenaient leur congrès. Parmi nous, personne ne pensait que nous pourrions l’atteindre, et c’est pourquoi l’essentiel de la journée s’est déroulée en centre-ville. Mais dans tous les cas, ce n’est pas le fait que le Front National tienne un congrès à un moment ponctuel qui détermine le fait que l’ensemble de la société glisse vers la radicalisation et vers des penchants réactionnaires. C’est l’ensemble du système de domination et d’exploitation qui en est à la racine, et ce sont entres autres les banques, la police et la politique capitaliste néolibérale qui contribuent à répandre ces idéologies nauséabondes, qui la servent en retour (il suffit de jeter un oeil à l’exemple grec d’Aube Dorée, qui est devenu un bras armé de l’instauration de l’austérité en Grèce). Voilà pourquoi il y avait du sens dans le fait de rester en ville.
La prise de parole prévue à la fin de la manifestation est annulée, le concert de soutien prévu dans la soirée est assiégé par la police jusqu’au lendemain. On apprend par Radio Canut que 17 personnes ont été arrêtées (5 sont finalement poursuivies et 2 sont en détention provisoire). La manifestation a duré environ une heure et demi. Et pas mal de gens ont un goût amer dans la bouche, qui n’a rien à voir avec celui des lacrymogènes.
Et pour cause : si des flics blessés, une quinze-vingtaines de vitrines brisées et une ville paralysée un samedi après-midi en période de Noël peuvent sembler un résultat intéressant sur le papier, il s’agit vraiment du minimum de ce que l’on pouvait espérer, et ce à plusieurs niveaux et pour plusieurs raisons. Au final, cette manifestation a été tranquille (selon les référentiels particuliers qui peuvent être les nôtres, certes). Et c’est bien là le problème.
Tout d’abord, nous (le bloc anarchiste) avons commis plusieurs erreurs tactiques et stratégiques sur lesquelles il nous faut être critiques pour que certaines pratiques deviennent des réflexes : nous n’avons pas réussi à rester groupé-e-s, à constituer un véritable bloc soudé. De là, l’essentiel des actions réalisées pendant la manif étaient plutôt le résultat d’un bouillonnement compulsif que de l’expression autonome d’une force collective. Rien de ce qui a été réalisé, mise à part la présence, n’a été réellement collectif (au sens large). De plus, la communication entre nous a été pratiquement inexistante (du fait de l’étalement des groupes le long de la manifestation et de ce bouillonnement, mais aussi du fait du caractère international). Et en passant, installer des barricades au milieu de la manifestation n’a absolument aucun sens, aucun, si ce n’est de mettre en danger les personnes qui se retrouvent entre celle-ci et la police, faisant de plus courir le risque de séparer le cortège en deux. Ce qu’il s’est d’ailleurs passé. Une autre erreur tactique a été celle de choisir une rue longue et étroite pour s’extraire du blocage sur les quais, quand d’autres rues se prêtaient bien mieux à la possibilité de pouvoir continuer rapidement et surtout tou-te-s ensemble. Cela a grandement contribué à notre dislocation sur la fin. Pour finir avec les aspects purement techniques, il a cruellement manqué d’une augmentation graduelle des actions, qui permet souvent justement d’acquérir ou de créer ce liant entre tous les groupes, à travers la communication et l’avancée collective vers la confrontation. N’ayant eu presque aucune dynamique collective, presque aucune communication et aucune cohérence de groupe, nous ne sommes parvenu-e-s qu’à la cheville de ce qu’aurait du être cette journée. Il me semble réellement que ces trois points sont essentiels pour les manifestations futures : rester ensemble, communiquer, augmenter graduellement le niveau des actions. C’est-à-dire pouvoir se constituer en tant que force, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan politique.
Parce que nous avons été politiquement mauvais-es. Nous avons tou-te-s vu comment certaines pratiques offensives sont remises au goût du jour ces dernières semaines lors des manifestations. Et au-delà des pratiques elles-mêmes, leur acceptation augmente aussi notablement par d’autres réalités que les nôtres. Et c’est notamment sur ce point-là que nous avons laissé passer quelque chose. En effet, si le seul rapport que nous avons avec les autres composantes de la manifestation est celui de les effrayer et de n’absolument pas les prendre en considération, le résultat que nous obtenons équivaut à donner des grands coups de latte dans le travail politique qui été réalisé jusqu’ici pour que l’opposition violence/non-violence s’effrite et que plus de monde s’approche de ces pratiques, ou au moins rejoigne l’idée que la diversité des tactiques et la composition entre plusieurs méthodes de lutte est souvent la marque des luttes les plus fortes. Là encore, les trois points précédemment cités permettent d’avoir une certaine cohérence vis-à-vis de ce qui nous entoure, et de permettre à plus de gens de nous rejoindre ou à soutenir les pratiques d’action directe.
Mais cette fois, aller trop haut, trop vite et de façon relativement désorganisée a eu une autre conséquence : nous n’avons pas eu les forces de durer. Le même schéma s’était produit à Barcelone lors de la manifestation du premier mai de cette année (2014), avec son florilège de dissociations. Nous aurions pu être bien plus redoutables et causer bien plus de problèmes que ce que nous avons fait. Arriver assez loin, de façon compacte et avec le soutien du reste de la manifestation (parce que l’antifascisme reste l’un des domaines les plus consensuels lorsque l’on parle d’action directe) aurait pu nous permettre d’atteindre des objectifs bien plus intéressants : semer le chaos dans le centre commerçant et, pour rester dans la thématique de ces dernières semaines, prolonger le mouvement en route contre les violences policières en lui intégrant d’autres caractéristiques politiques. Et de ce fait, créer en retour un point de plus dans l’élaboration d’une solidarité contre la police.
Le problème n’est donc pas tant ce qui a été fait que comment cela a été fait, et cela influe considérablement sur ce qui n’a pas pu être fait, et sur le coût politique que cela représente pour nous.
Certaines choses ont quand même été intéressantes, et notamment le fait que la BAC n’a pas été très visible (les fascistes non plus), et le fait que des centaines de personnes soient prêtes à les éclater sans besoin d’en débattre si un flic était découvert dans le cortège y a certainement contribué.
En espérant que ces quelques notes serviront pour le futur et seront prises simplement pour ce qu’elles sont, à savoir une contribution au débat sur nos façons de nous organiser de façon collective et autonome.
Solidarité avec les personnes arrêtées, contre l’Etat, le Capital et les frontières.
Pour un internationalisme de combat !
Les flics flinguent des gamins et le spectacle continue.
Le marché immobilier s’effondre et le spectacle continue.
Les écosystèmes sont détruits et le spectacle continue.
Les marchés déterminent le prix de nos vies
Et soumettent l’enseignement à leurs besoins.
Bloquons ce mécanisme.
Bloquons tout.
Commençons par le début.
1. Dans une ville dans laquelle la vie est basée sur le commerce et sur l’échange de biens, bloquer tous les circuits commerciaux revient à interrompre la normalité. Vous pouvez dire : “Ça va être gênant.”
Nous répondons que nous ressentons beaucoup plus d’inconfort lorsque l’on prétend qu’il est tout à fait normal que des flics assassinent des adolescents noirs et que les banques et les multinationales décident de notre futur. Quand l’insécurité à propos de la vie se transforme en peur. Quand les dernières limites de la dévastation sociale et environnementale sont sur le point d’être atteintes.
2. Une manifestation spontanée de 200 personnes chaque jour génère plus de problèmes qu’un gros événement organisé de 20.000 personnes une fois par lustre. C’est tout la différence entre l’efficacité et la participation vide.
3. La multiplicité des formes de lutte et des moments de conflit depuis le bas nous rend moins contrôlables. De cette façon, il n’est pas possible de nous faire rentrer dans les voies prévues ou de nous taxer de soutenir partis politiques ou syndicats. Au contraire, nous devenons plus agiles et moins prévisibles. Nous acquérons une richesse de pensée et d’action.
4. Nous vivons dans une société frénétique où la logique de l’économie détermine le rythme de la vie. Production-profit-rapidité dans le parcours scolaire, au travail, au supermarché. Les êtres humains sont des débris abandonnés aux flux des échanges commerciaux, des corps isolés dans des réseaux virtuels, incapables de comprendre où nous allons. Réjouis par les confortables ondes du spectacle, occupés par le fait de courir derrière de faux besoins et le mirage d’une promotion de carrière, nous sommes désormais incapables de saisir la possibilité d’un changement réel. Il est donc urgent que nous nous arrêtions. Nous devons arrêter ce spectacle qui nous écrase.
5. Bloquons tout (des écoles aux rues) pour pouvoir enfin respirer et mettre fin à cette course au profit et à la mort, pour voir les choses depuis une perspective différente, une perspective de surprise et de plaisir en faisant l’expérience partagée d’une liberté inattendue. Créons l’auto-organisation et étendons le conflit pour pouvoir récupérer notre force et nos esprits avant de commencer à inverser la course.
6. Un blocage inattendu et joyeux est un instrument de provocation. C’est un instrument de sabotage des mécanismes d’une machinerie sociale qui nous veut indifférent-e-s au monde qui nous entoure et insensibles à nos passions.
7. Sortir dans la rue veut aussi dire se réapproprier tous les espaces urbains qu’ils nous refusent, se déplacer à travers la ville et rencontrer d’autres réalités sans créer de nouveaux dogmes.
8. Si l’économie bloque la libre circulation des personnes et de la connaissance, nous voulons bloquer l’économie par la libre et naturelle circulation des personnes et par la connaissance. C’est-à-dire : si leur économie a pour objectif de piller et de détruire nos vies, notre objectif est de détruire leur économie et de reprendre ce qui nous appartient.
9. Le blocage n’est qu’un moyen parmi d’autres. Il n’y a pas de voie toute tracée vers la victoire ; Au contraire, de nombreux chemins sont a explorer. Nous laissons les tuyaux d’écoulement à ceux qui afflueront bientôt dans des luttes compatibles avec le Pouvoir. Nous laissons les égoûts à ceux qui surferont sur le vague de la protestation avec pour seul but de rajouter de l’eau à leur moulin politique.
Nous préférons le grand large.
Répandons les blocages et les occupations, pour Mike Brown, et pour chacun-e d’entre nous.
Deux frappes contre les comicos – Fin septembre, des inconnus ont fait exploser deux petites bonbonnes de gaz devant le commissariat de police dans la rue Van Lint à Anderlecht. L’explosion s’est produite vers 4h30 du matin. Les pompiers sont venus rapidement sur place afin d’éteindre l’incendie. Les dégâts seraient limités. Rappelons que ce même commissariat avait été entièrement détruit en 2009 à coups de cocktails molotov comme vengeance pour les tortures que des policiers de cette zone ont commis contre des prisonniers à Forest, au moment où ils remplaçaient les gardiens en grève. Le comico était alors resté fermé pendant 2 ans. Le lendemain de cette explosion incendiaire, un autre incendie a visé un commissariat de la zone de police Bruxelles Capitale-Ixelles. Seul un journal flamand a mentionné cette attaque, ajoutant que le Centre de Crise du Ministère de l’Intérieur aurait émis une directive avec des consignes aux policiers de Bruxelles suite à ces deux attaques : ne jamais sortir sans gilet pare-balle et ne jamais laisser leurs véhicules sans surveillance. L’Organe pour l’Analyse de la Menace considère de son côté d’augmenter le niveau de la menace, qui se trouve aujourd’hui à 2 (sur 4) concernant les infrastructures policières.
112 – Lors des émeutes le 6 novembre 2014 à Bruxelles suite à une manifestation massive contre le nouveau gouvernement, 112 policiers ont été blessés, presque tous des effectifs des différentes zones de police de Bruxelles. Plusieurs bâtiments, commerces et bureaux ont été dégradés, 11 véhicules (dont une moto de police) ont été brûlés. 112, c’est alors devenu le chiffre de la colère, le chiffre de la vengeance pour toutes les personnes tabassées, enfermées, torturées et tuées par les flics, le chiffre de la rage contre le serrage de vis général.
Briser le train-train – Le jour avant la manifestation, un incendie a détruit les câbles de signalisation des chemins de fer près de la Gare Centrale à Bruxelles. L’incendie a paralysé l’ensemble de la circulation ferroviaire pendant quelques heures. Un petit avant-goût pour la grève du lendemain ?
Un supermarché pris pour cible – La veille de la manifestation émeutière à Bruxelles, quelqu’un a tenté de brûler un supermarché Delhaize à Roeselaere en boutant le feu à l’entrée et à la sortie de secours. Les pompiers étaient rapidement sur place, limitant les dégâts.
Brûle, collabo, brûle – Début novembre, vers 3h du matin, le chantier du nouveau campus de la Haute Ecole AP à Anvers, est frappé par deux incendies. Deux baraques de chantiers partent entièrement en fumée, dont le bureau de l’ingénieur. Ailleurs sur le chantier, un autre incendie ravage du matériel de construction. Cette nouvelle construction fait partie de l’énorme projet de gentrification du quartier populaire du nord d’Anvers, le fameux “Park Spoor Noord“, et est réalisé par les entreprises de construction Willemen, Interbuild et BAM, toutes les trois aussi impliquées dans la construction de nouvelles prisons en Belgique.
Incendie solidaire avec le Testet – « Dans la nuit du 4 au 5 novembre, une pelleteuse et un engin de forage sont partis en fumée sur le chantier de la rue Vandenbranden dans le centre de Bruxelles. Un tag a été laissé sur place « A Rémi ». Ils aménagent, on saccage ! »
Vague incendiaire à Liège – Pendant la nuit du premier novembre, à différents endroits, quatre voitures, deux cars scolaires et une cabine de chantier ont été incendiés dans le quartier populaire de Saint-Léonard à Liège.
Briser le train-train (bis) – A Dilbeek, près de Bruxelles, des câbles de signalisation qui courent le long du chemin de fer ont été incendiés. L’incendie volontaire a eu lieu vers 3h30 du matin et a provoqué des retards pendant toute la journée.
Couper la télécommunication – A Montigny-le-Tilleul et à Gosselies (région de Charleroi), des inconnus ont pénétrés dans deux bâtiments techniques de Proximus, une des principales entreprises de télécommunication en Belgique. A l’aide d’une visqueuse, des câbles de fibre optique et de cuivre ont été sectionnés. Ce sabotage a paralysé l’Internet, la télévision et le téléphone dans toute la région, ainsi que les alarmes de particuliers dépendant de Proximus, mais aussi les alarmes de différentes chaînes de supermarchés et de banques. Lors de la panne, des renforts de sécurité et de police se sont chargés de protéger notamment les banques dans la région. Aussi les terminaux Bancontact étaient hors service. Les réparations ont durée plusieurs jours : « il s’agit d’un travail manuel et fastidieux puisque des milliers de câbles doivent être ressoudés les uns après les autres ». Quelques jours plus tard, deux bornes de Proximus ont été incendiées, privant quelques centaines de clients de leurs connexions de télécomunication.
Nik la justice – Pendant la nuit, quelqu’un a mis le feu à la boîte aux lettres de la Maison de la Justice à Bruges, l’agence responsable entre autre pour la gestion des libérations conditionnelles et des peines de travail. Le feu ne s’est pas propagé à l’intérieur du bâtiment.
Dans la salle Bunker de la prison des Vallette, il aura fallu à Rinaudo et Padalino quatre heures abondantes de réquisitions pour confirmer la structure d’accusations contruite contre Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò. Attentat a finalité terroriste, attentat terroriste avec engins pouvant causer la mort et explosifs, détention et transport d’armes de guerre, dégradation par incendie et violence contre personne dépositaire de l’autorité publique sont donc les délits qui, en appliquant les règles de l’arithmétique pénale, ont amené les deux procureurs à requérir des peines de 9 ans et 6 mois pour chacun des quatre compagnons. En ce qui concerne les parties civiles, LTF (Lyon Turin Ferroviaire) demande la somme “symbolique” de 50.000 euros pour l’action de sabotage contre le chantier de Chiomonte. Les demandes du SAP et du Barreau seront entendues plus tard.
Tandis que ces chiffres sortaient dans la salle Bunker, une longue manofestation a traversé les rues de Turin : une “grève sociale” qui a vu manifester des milliers de personnes dans plus de 20 villes. En plus des tags, des slogans et des interventions qui s’en prennent aux politiques du gouvernement Renzi sur l’école, le travail et le logement, de nombreux autres étaient dédiés à la lutte No TAV, à la solidarité avec Chiara Niccolò, Claudio et Mattia et au rappel des prochains rendez-vous en vue de la sentence de leur procès le 17 décembre.
Pas de justice, pas de paix, pour Rémi Fraisse, tué par l’État français.
Tôt dans la matinée du 26 octobre, Rémi Fraisse a été tué par la gendarmerie mobile sur le site du de protestation du Testet, dans le sud-ouest de la France. Il était là-bas, avec 7.000 autres, pour essayer d’empêcher la construction d’un barrage dans une zone humide et de forêt comptant plus de 93 espèces protégées. Il a été tué par une arme explosive de maintien de l’ordre tirée par la police.
Ici, au Royaume-Uni, nous avons une longue histoire de meurtres policiers, du meurtre de Mark Duggan en 2011, qui déclencha des émeutes dans tout le pays, à Olaseni Lewis, tué en 2010 dans un hôpital psychiatrique par la police ou à Ian Tomlinson, tué lors des manifestations contre le G20 en 2009 pour avoir été au mauvais moment au mauvais endroit. Ou encore Blair Peach, tué lors d’une manifestation antifasciste en 1979, et ainsi de suite. La police est partout la même, dans le sens où elle ne protège pas les intérêts du peuple, mais ceux de l’État, qui sont tous trop souvent racistes, classistes, guidés par les profits et qui essayent d’écraser quiconque les remet en question.
Nous ne parlons pas ici seulement d’un meurtre qui a été commis par la police, mais d’un meurtre qui a été commis par le gouvernement français. Ils doivent en être tenus pour responsables.
Le projet de barrage du Testet est une bataille d’État pour l’argent et pour le pouvoir, et nous avons vu ici directement que l’avidité tue. Normalement, elle tue celles et ceux qui sont loin de tous les regards – les marginalisé-e-s, les pauvres, les opprimé-e-s dans d’autres nations – mais pas dans ce cas. L’avidité des affaires a tué un étudiant Français de 21 ans.
Nous écrivons ceci depuis Londres, la capitale géographique de cette avidité et du béton, où la seule zone humide restante est au musée. Dans l’ombre des millionnaires, nombre d’entre nous luttent au quotidien pour pouvoir avoir à peine un toit sur la tête. Autour de nous, nous voyons la pauvreté grimper en flèche, la traque de celles et ceux qui n’ont pas de papiers, et la militarisation croissante d’un État de surveillance voué à la protection des riches et des puissants. Nous nous sentons inspiré-e-s par l’ambition, la diversité des tactiques et la détermination des luttes telles que celle de la ZAD du Testet.
Toutes nos luttes sont connectées, que vous occupiez une maison dans un arbre au Testet ou que vous occupiez le Bureau du Conseil de Londres pour demander qu’un groupe de mères sans abri aient un accès au logement. Que vous soyez en pleine émeute dans les rues d’Athènes ou de Ferguson, la racine systémique de nos colères est la même.
Pour tou-te-s celles et ceux tué-e-s par l’oppression de l’État Organisons-nous maintenant.
Au rassemblement de trois jours et trois nuits né à Marco di Rovereto pour bloquer les carottages liés au projet du TAV participe également un groupe de jeunes du coin. L’un d’entre eux, au cours d’une partie de cartes, dit : « Ce rassemblement sauve en partie le climat de merde qui s’était créé ici à Marco contre les réfugiés ». En juillet, à partir du prétexte d’une tentative de viol, presque tous les politiciens, du maire du Partito Democratico à la Ligue du Nord, de la circonscription aux fascistes, s’étaient exprimés pour la clôture du camp de réfugiés. Les discussions qu’on entendait un peu partout, sur les places et dans les bars, avaient l’odeur impossible à confondre du lynchage. S’il avait existé une présence fasciste organisée à Marco, il n’est pas exclu que nous aurions pu assister à une sorte de “chasse au nègre” réalisée avec la participation ou avec le consentement d’une partie de la population.
En octobre, dans toute l’Italie, et aussi dans le Trentin, les clérico-fascistes de Sentinelle in piedi[Sentinelles debout] étaient durement contestés. La “loi contre l’homophobie” présentée par le centre-gauche est gelée après une interview de Bressan au journal “Vita Trentina”, dans laquelle l’archevêque de Trente compare l’homosexualité à la pédophilie.
Même à Trente la démocrate, les rafles contre les immigrés privés de papiers se déroulent. L’opération s’appelle “Mos maiorum”, c’est-à-dire “les mœurs des ancêtres”. La police aime bien le latin. Il y a deux ans, la DIGOS [police politique] avait nommé “Ixodidae” (“tiques”)* une opération contre 43 anarchistes pour “association subversive à finalité terroriste”, qui s’était conclue par l’absolution des mis en cause. Mais les “mœurs” restent. Le 5 novembre, à Trente, au terme d’un débat sur les groupes fascistes qui s’était tenu dans la faculté de sociologie, trois patrouilles de police (de celles qui tournent en ville pour les contrôles « anti-dégradations » voulus par le démocrate Andreatta) tentent d’interpeller et de fouiller une quarantaine de compagnons, qui s’en vont en cortège pour éviter l’encerclement. Dans l’effervescence du moment, l’un des flics en perd son latin et hurle « Arrêtez-vous, les tiques ! ».
Tandis qu’en Italie la société est divisée entre les journées institutionnelles contre les violences contre les femmes et une violence sexiste qui marque tragiquement la vie quotidienne de milliers de femmes, les femmes kurdes de Kobane défendent les armes à la main leur propre parcours d’émancipation des assauts assassins des mercenaires de l’État Islamique. La morale démocrate défend les femmes en tant que “victimes”. Lorsque les femmes prennent les armes pour se défendre elles-mêmes, la morale démocrate s’en remet à la police (globale).
Selon Renzi, il est criminel d’affirmer que les intérêts des travailleurs et ceux des propriétaires sont différents. C’est le vieux rêve du Capital, et c’est aussi le sien. Mussolini l’appelait corporatisme. Mais aucune politique au monde n’a jamais pu réussir à effacer complètement la réalité de la lutte de classe. Les matraquages des ouvriers de Terni, tout comme les œufs et les émeutes qui accueillent le président du Conseil un peu partout sont, peut-être, les signaux d’un retour à la réalité après des années du mensonge organisé qu’est la paix entre les classes.
Et c’est justement ce retour à la réalité que démocrates et fascistes veulent conjurer, en remettant sans arrêt au goût du jour les “urgences sociales” par lesquelles faire dévier les exploités. Des lames fascistes à la matraque de la police, la politique parle la langue de l’ordre. Même le fleuve Adige, qui risque de déborder de ses rives cimentées à terme, se retrouve désigné comme étant “surveillé spécial par les patrouilles de la Commune et de la Province”par un journaliste.
Du 14 novembre au 17 décembre, le mouvement No TAV de Val Susa invite à la mobilisation diffuse sur les territoires, en solidarité avec les quatre compagnons accusés de terrorisme pour un sabotage du chantier de la Haute Vitesse à Chiomonte.
Tandis que plus de 700 personnes ont participé à la campagne d’achat collectif d’un terrain pour résister au TAV dans le Trentin, et tandis que l’on se lève tous les jours à l’aube pour se retrouver sur les zones des prochains carottages, faisons en sorte que la solidarité envers les compagnons en prison ne nous reste pas en poche.
Il a raison, ce jeune de Marco. Seules les luttes sauvent nos vies du climat réactionnaire qui nous assaillit de la droite comme de la gauche.
Assez de lamentations ou de pleurnicheries. Organisons la contre-offensive.
Contre les fascistes, bien sûr, mais aussi contre le monde qui les arme et qui les protège.
* “zecche” (“tiques”), est le sobriquet que les fascistes donnaient aux communistes, anarchistes et autres “rouges” sous le régime mussolinien. (Note de Contra Info)
Le 11 novembre 2014, des anarchistes ont symboliquement occupé les bureaux de l’AFP dans le quartier bondé de Kolonaki, dans le centre d’Athènes, pour protester contre le meurtre policier de Rémi Fraisse sur la ZAD du Testet, en France. Les compagnon-ne-s ont distribué des tracts en grec et en français, sur lesquels on peut lire : “De la France jusqu’en Grèce, transformons les foyers de résistance en signal de révolte pour les opprimé.e.s de la terre entière. La solidarité est notre arme“.
Une semaine après la manifestation du 1er novembre, qui avait déjà fini en affrontements avec la police, une manifestation nationale contre les violences policières a été convoquée dans la ville de Toulouse, la grande ville la plus proche de la ZAD du Testet, où est mort Rémi Fraisse dans la nuit du 25 au 26 octobre au cours d’affrontements.
Ce 8 novembre, la Préfecture a décidé d’interdire la manifestation, et les organisations et partis écologistes et de gauche ont appelé à ne pas venir. Malgré cela, nous étions plus d’un millier à nous rassembler sur la place Jean Jaurès, complètement encerclé-e-s par des centaines de flics. Le NPA a fini par négocier un nouveau « parcours » de quelques centaines de mètres sur les allées Jean Jaurès. Malgré les huées de la foule, tout le monde finit par suivre, pour voir s’il sera possible de sortir du piège policier. Très peu de temps après, la police bloque entièrement la route et toutes les issues, nous sommes enfermé-e-s sur ces allées. Les clowns clownisent, les pacifistes s’indignent, d’autres personnes se masquent, le NPA essaye de négocier sa sortie. Tout reste calme pendant un moment, puis les flics commencent à inonder la place de gaz lacrymogènes. Tout le monde court et les premières pierres volent, un semblant de barricade est élevée. L’échange de gaz et de pierres dure une vingtaine de minutes, et la manifestation est plus ou moins coupée en deux, la moitié reste prisonnière du piège et les gaz continuent de tomber. Quelques molotov volent, une voiture prend feu (apparemment à cause d’une grenade lacrymogène). On commence à se demander comment on va sortir de là.
Après un moment, ce qui reste de la manifestation est de nouveau coupé en deux. L’une des deux moitiés est repoussée dans les rues autour de la place Belfort à grands renforts de lacrymogènes, tout le monde court sans ses yeux et sans respirer. Une fois sorti-e-s du nuage de gaz, cette partie du cortège (essentiellement composée de pacifistes criant “Paix, Respect, Amour”) se disperse.
L’autre moitié, beaucoup plus masquée, se retrouve du côté de Jeanne d’Arc et finit par redescendre dans les rues en direction d’Esquirol et du Palais de Justice, levant des barricades au passage et détruisant les banques, en prenant la police de court. Malgré le piège policier, les rues du centre-ville ont fini par être atteintes par les manifestants. Tenir face à la présence policière a permis de pouvoir sortir de la souricière et de mener la manifestation ailleurs. Après quelques petites échauffourées, les gens se dispersent là encore.
Finalement, une vingtaine d’arrestations, et 17 personnes sont encore en garde-à-vue le lendemain. 9 personnes passent en comparution immédiate ce lundi 10 novembre.
La manifestation s’est relativement bien tenue malgré les mauvaises conditions, et toutes les pratiques ont relativement bien coexisté, sans trop de dissociations (excepté le NPA, mais passons). Un rassemblement a ensuite eu lieu devant le commissariat pour faire libérer les personnes arrêtées.
Une nouvelle grande manifestation contre les violences policières est prévue pour le 22 novembre à Toulouse. Il est important de parvenir a conserver un niveau de conflit assez élevé dans les manifestations, dans la rue, pour que les pratiques offensives soient vécues et pratiquées ensemble, et éviter de retomber dans les classiques divisions entre “bons” et “mauvais” manifestants. Ici, tout le monde manifestait ensemble. Plus ou moins offensivement, mais ensemble et de façon autonome. Et c’est cela qu’il nous faut mener de l’avant. Afin d’éviter de retomber dans la classique séparation qui portera les gens les plus “calmes” vers la récupération par les partis et organisations d’extrême-gauche classique, et les gens les moins “calmes” vers des pratiques plus spécialisées et plus secrètes d’action directe. Tout cela est tenu ensemble par ces manifestations, par cette capacité à conserver de la force de façon publique. Si nous devons un jour nous diviser, ce sera à nous de le choisir, en toute connaissance de cause.
Il ne s’agit plus de barrage. Il s’agit de nos vies entières.
Lutter contre le capitalisme et ses grands projets, c’est lutter dans la rue, dans la tête, dans le cœur, de nuit comme de jour, contre toutes les formes de domination et d’exploitation, à chacun selon ses moyens.
Solidarité avec les arrêté-e-s !
Muerte al estado, y viva la anarquía.
Un autre compte-rendu de cette manifestation sur IAATA
Le lundi 3 novembre, environ 50 personnes se sont rassemblées devant le consulat de France pour démontrer notre dégoût des États et de leurs polices. Dans ce cas précis, il s’agissait de l’État français, qui à travers ses chiens de garde a assassiné Rémi Fraisse le 26 octobre dans le marais de Sivens, au cours d’une manifestation contre le projet écocide qu’ils essayent d’imposer depuis des années.
Après avoir crier contre la police, les États et appeler à la solidarité internationale, une manifestation spontanée a eu lieu, bloquant les rues du centre de Barcelone pendant une demi-heure.
En solidarité avec le compagnon et combattant Nikos Maziotis, nous avons accroché cette banderole le matin du 17 octobre 2014. Il est l’un des quelques combattants qui ne se sont pas compromis et l’une des personnes qui ont dédié leur vie à la lutte pour la liberté, sans penser à leur propre sécurité au sein de ce combat, et qui assument les risques que le chemin qu’elles ont choisi leur fait courir.
Nikos brille comme un exemple. La Grèce n’est pas la seule a être affectée par les capitalistes, les brutales mesures d’austérité et la guerre de classe, dans laquelle on trouve d’un côté l’État et les propriétaires d’un riche capital local et étranger, avec toutes les ressources financières et la logistique militaire ; et de l’autre, des gens désarmés qui sont appauvris et disparaissent sous le poids des capitalistes fascistes. Une guerre injuste au sein de laquelle les victimes sont toujours du côté des opprimés. La même chose vaut dans toute l’Europe et dans le monde entier, là où ce type de combat déclaré contre le système est absent ou a des formes plus douces.
Nikos montre que la dette de la Grèce dans l’Union Européenne d’aujourd’hui est destinée à faire payer les pauvres. Non seulement leurs dettes à la banque, mais aussi leur sang et leur peau. Souvenons-nous que le nombre de suicides a énormément augmenté en Grèce, parce que les gens ne peuvent plus payer leurs dettes. C’est le cas du retraité qui s’est tué devant le Parlement Grec en 2012, par exemple. Ce qui a causé des émeutes et des manifestations en Grèce. Le pourcentage de gens en grève de la faim pour leurs droits et de gens en prison augmente.
Nikos est derrière les barreaux, mais son esprit libre reste inébranlable. A présent, il intervient par téléphone auprès de ses proches, et son message sera transféré et diffusé pendant une soirée dans un bâtiment de Polytechnique (après la seconde lettre qu’il a écrit de prison, en mémoire de l’anniversaire d’Ulrike Meinhof).
Solidarité avec Nikos Maziotis et tous les prisonniers politiques qui restent en conflit ouvert contre le système et ses valeurs inhumaines.
LIBERTÉ POUR NIKOS MAZIOTIS !
VIVE LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE !
LIBERTÉ POUR TOU-TE-S LES PRISONNIER-E-S POLITIQUES !
Note de Contra Info : Le soir du 17/10, le compagnon a été empêché de pouvoir faire son intervention téléphonique depuis la prison de Diavata. L’excuse officielle pour ne pas le lui permettre était que le système téléphonique de cette aile de la prison est subitement tombé en panne.
La lettre que nous publions et que nous appelons à diffuser autant que possible (sites, radios de mouvement, situations de lutte, etc.) est un courageux acte d’accusation contre la prison de Terni et contre toute l’administration pénitentiaire. Nous ne faisons aucune illusion sur une enquête menée par la magistrature, mais nous ne pouvons pas laisser Maurizio seul. C’est un homme droit qui n’a jamais eu peur de se mettre en jeu. Le DAP (département de l’administration pénitentiaire) et les matons doivent savoir que nous sommes tou-te-s aux côtés de Maurizio pour leur hurler que ce sont des assassins.
Très chèr-e-s compagnon-ne-s
…
Avant tout, je dois vous dire quelque chose que j’avais gardée en moi et qui me faisait mal… mais la faute n’est pas uniquement la mienne, et vous pourrez comprendre et commenter la situation dans laquelle je me suis retrouvé et qui est à présent rendue publique.
L’année dernière, à Terni, alors que j’étais soumis au 14bis (l’isolement), deux jeunes sont arrivés. Je les entendais hurler qu’ils voulaient être transférés parce que les gardes avaient tué un de leurs amis… Je me fais alors raconter toute l’histoire, et ils me disent qu’un de leurs amis, qui avait 31 ans, avait été tabassé parce qu’ils l’avaient pris en train de faire passer une montre (à 5 euros) par la fenêtre à l’aide d’une cordelette. Ils lui ont dit de descendre et ont commencé à le frapper en lui disant qu’ils lui retiraient aussi le travail (c’était le barbier). Il a alors menacé de se pendre s’ils l’enfermaient. Ils l’ont alors envoyé dans la section, et il a essayé de se pendre, mais les détenus l’ont sauvé en tranchant la corde. Ces bâtards l’ont alors rappelé une nouvelle fois en bas et lui ont mis des baffes en lui disant que s’il ne se pendait pas, c’était eux qui allaient le tuer. Le pauvre est alors remonté, a préparé une autre corde, ses amis s’en sont rendu compte et ont averti les gardes, mais l’inspecteur était monté entretemps, car c’était l’heure de fermeture. L’agent a commencé à fermer les cellules, il n’en restait que trois à fermer, dont celle de ce pauvre homme. Les deux témoins criaient à l’inspecteur qu’il était en train de se pendre, mais ils ont pour toute réponse été menacés de prendre un rapport parce qu’ils refusaient de rentrer dans leur cellule. Eux aussi ont fini par rentrer, parce qu’ils avaient peur, après avoir vu que leur ami roumain s’était laissé tomber du tabouret avec la corde au cou. Et ces bâtards ont enfermé tout le monde et ne sont revenus qu’une heure plus tard avec le médecin pour constater le décès et prendre des photographies du mort…
Ces jeunes m’ont écrit un témoignage quand ils sont descendus en isolement, puis le commandant Fabio Gallo les a appelés, pour leur dire qu’ils les transféreraient là où ils les voudraient s’ils ne disaient rien… ils sont venus me voir en pleurant, m’implorant de ne pas dénoncer la chose et de leur rendre ce qu’ils avaient écrit. Dans un premier temps, j’ai refusé, et une perquisition a eu lieu dans ma cellule à la recherche du témoignage. Mais ils ne l’ont pas trouvé. Le jour suivant, les deux garçons ont été transférés, puis ils m’écrivirent que si je publiais la chose, ça les condamnerait à mort. Je leur ai alors confirmé qu’ils pouvaient avoir confiance en moi. Les faits remontent à juillet 2013, et il ne leur manquait plus qu’un an à tirer avant de pouvoir sortir, ils sont donc aujourd’hui dehors. Le témoignage est en sécurité à l’extérieur, avec un autre qui parle du tabassage d’un détenu que j’ai défendu et qui dit de très belles choses sur moi. Voilà pourquoi ils m’ont tout de suite transféré de la prison de Terni !
Maintenant, nous pouvons faire ouvrir une enquête, et il faudrait que vous vous mobilisiez à l’extérieur pour me soutenir, parce qu’à présent ils vont essayer de me le faire payer. Mais je n’ai pas peur d’eux.
Pardonnez-moi si je n’ai rien dit tout ce temps, mais je l’ai fait pour ces deux garçons qui étaient terrorisés … maintenant, il faut une enquête pour faire interroger tous ceux qui étaient présents dans la section, il faut un rassemblement devant le DAP de Rome pour qu’ils ne puissent rien me faire.
Nous ne pouvons pas laisser cette instigation au suicide impunie… ils doivent payer.
A présent, je me sens en paix avec ma conscience, je me suis senti très mal en pensant à la maman de ce pauvre garçon qui travaillait et envoyait 80 euros à sa famille pour manger. Ces deux jeunes étaient terrorisés, et je n’ai rien voulu faire avant qu’ils ne sortent, mais maintenant, pour rendre justice, il faut que nous commencions à nous mobiliser… je suis certain que vous comprendrez les raisons de mon silence jusqu’à aujourd’hui.
Je vous embrasse fort, avec affection et beaucoup d’amour.
Dans un précédent communiqué de mise à jour de notre situation, nous avions écrit à propos de la clôture de notre cas en Suisse, où la succession de recours sur les machinations des divers appareils de sécurité italiens et de la confédération helvétiques n’avaient mené à rien, a part à confirmer le fait qu’en matière de répression, la collaboration policière est toujours forte, surtout si les sujets concernés sont des opposants à leur démocratie d’oppression.
Dès le moment de notre arrestation en Suisse, sous l’accusation d’avoir voulu attaquer le nouveau centre de recherche (alors en construction) d’IBM et de la Polytechnique de Zürich, fleuron de la recherche en nanotechnologie au niveau mondial, à l’aide d’explosifs, l’Italie avait fait partir une enquête en étroite collaboration avec la police helvétique, dans le but de démontrer l’existence d’une organisation subversive avec finalité terroriste sur le sol italien et possédant des ramifications jusqu’en Suisse.
De fait, scénario déjà connu, cela a mené, pendant nos années d’incarcération, à une intense activité d’espionnage, en premier lieu du réseau de solidarité qui s’était créé entretemps, puis à l’encontre des milieux écologistes radicaux les plus actifs dans les différentes batailles ayant cours à l’extérieur pour suivre notre cas et pour faire ressortir des questionnements comme celui des nanotechnologies que l’on aurait voulu passer sous silence ou réduire derrière un seul son de cloche, de préférence celui de leurs promoteurs.
La magistrature de Turin, apparemment non contente du succès suisse qui nous a condamnés pour le fait spécifique mais n’a pas retenu l’importation de matériel explosif et, vexée de n’avoir trouvé aucune organisation, ni en Italie ni ailleurs, a récemment clos l’enquête articulée autour de l’article 270 bis (association subversive à finalité terroriste), pour demander au lieu de ça de nous renvoyer tous trois en jugement sur la base des accusations suivantes : « art.110, 280 c.p. … parce qu’en concours entre eux, au nom de l’ELF-Earth Liberation Front, mouvement inspiré de l’écologie radicale, avec finalité terroriste, ils accomplissaient des actes dirigés à l’endommagement de propriétés mobiles ou immobiles d’autrui, au moyen de dispositifs explosifs ou pouvant en tout cas causer la mort, art.110, 81, 61 c.p. … parce qu’en concours entre eux, au travers de plusieurs actions exécutées au sein d’un même dessein criminel … ils détenaient illégalement et emportaient dans des lieux publics, de par le transfert entre Valchiusella et Bergamo, et donc en Suisse, le matériel explosif suivant, prêt à l’emploi… art 110, 648 c.p. … parce qu’en concours entre eux … en ayant conscience de leur provenance délictueuse, ils recevaient de sujets restés inconnus le matériel pour la confection d’explosifs … provenant de leur soustraction illicite aux dépends d’une des entreprises, non identifiée, possédant une autorisation pour l’usage d’explosifs ». Toutes les accusations contiennent l’aggravant de la finalité terroriste.
Nous pensions trouver face à nous, comme partie civile offensée, les techno-nazis d’IBM. Et en fait, la Suisse se présente à travers son excellence en recherche : l’Institut Polytechnique de Zürich, depuis toujours engagé dans les recherches nocives, desquelles les nanotechnologies ne sont que la pointe de l’iceberg.
En attendant que soit prochainement fixée l’audience préliminaire qui nous voit passer de la position de suspects à celle de mis en cause, nous réaffirmons la nécessité de nous mobiliser et de construire une opposition à ces frontières de la techno-science qui utilisent le monde comme une excroissance de leur laboratoire.
En vue du procès, nous nous voyons contraints d’assumer de nombreuses dépenses légales, et nous demandons à tous et à toutes un support, avec l’organisation d’évènements de soutien et de donations au compte courant postal au nom de Marta Cattaneo, code Iban IT11A0760111100001022596116, en spécifiant la clause : solidarietà a Silvia Billy Costa
29 octobre, répression sans limites dans la ville de Mesolongi
L’État policier n’a pas de limites à Mesolongi. Deux compagnons qui attachaient une banderole près de la place centrale de la ville ont été brutalement agressés par deux flics en civil (à coups de poings et de pieds). Les deux compagnons, qui ont fortement résisté, ont été emportés vers le commissariat, qui a peu après été la cible de deux attaques de personnes solidaires. Plusieurs véhicules de flics qui y étaient garés ont été éclatés à cette occasion. Plus de nouvelles plus tard.
Solidarité avec les compagnons détenus ! L’hiver qui arrive sera lourd, connards !
L’État ordonne, la presse signale et la police expulse la Gatonera : voilà comment, une fois de plus, commence cette histoire, qui loin d’être une nouveauté commence à se transformer en une routine suspecte. Une sale routine qui, à coups de répression et de peur, fait en sorte que, peu à peu, un mouvement entier et toute une histoire de lutte anarchiste s’habitue à vivre avec cette sensation déjà trop normalisée en leur for intérieur. L’importance de générations et de générations qui ont tout donné durant des années afin de démontrer qu’une autre vie est possible, qu’il y a des possibilités en-dehors du système dans lequel nous vivons, qui nous a dans le viseur parce que nous ne voulons pas faire une fois de plus partie de leurs misères et parce que nous aspirons à gérer nos propres vies.
En expulsant les centres sociaux, ils espèrent que tout ce qui en sortira sera la peur, la paralysie des luttes qui vont à la racine du problème, la normalisation de la répression et son assimilation par ceux qui luttent, offrant ainsi une possibilité de récupération et de contrôle total, comme l’est l’institutionnalisation de tout type de luttes afin d’éviter qu’elles ne leur échappent des mains, que ce soit en créant de nouveaux partis politiques de gauche, la concession d’espace ou la négociation avec n’importe quel type d’institution. De tout cela, nous ne tirons qu’une seule conclusion : SI LA LUTTE EST LÉGALE, ELLE N’A AUCUN EFFET. CAR SI ELLE EN AVAIT, ELLE NE SERAIT PAS LÉGALE.
Mais ils ne se rendent pas compte qu’il existe encore des personnes disposées à continuer d’avancer pas à pas, à ne pas laisser tout ça rester tel quel, que ce soit pour une question de dignité personnelle ou de solidarité collective. L’expulsion de la Gatonera n’est en théorie que la fermeture et la destruction d’un bâtiment. Mais ce bâtiment vivait à travers les personnes qui faisaient de lui un espace d’expérimentation anarchiste, de lutte, de complicité, de rencontre, de réunion et de création de nouvelles relations.
Ils nous ont expulsés de l’immeuble de la rue Amistad, mais il n’ont pas le moins du monde réussit à faire ce qu’ils prétendaient faire : nous effrayer.
Nous voulons être bien clair-e-s là-dessus et bien le faire comprendre : rien n’est fini, ce n’est que la continuation d’un projet de sept ans qui continuera d’être porté où, comment et quand nous le déciderons.
Nous croyons également que, bien que cela fasse partie d’une manœuvre contre les centres sociaux en général, nous sommes conscients que l’expulsion de la Gatonera ne s’est pas produite par hasard. Nous sommes restés fermes lors d’autres occasions, en refusant de céder aux chantages et en essayant d’être aussi fidèles que possible à nos idées. Nous avons reçu des menaces d’expulsion et des menaces personnelles, le centre social a été boycotté plusieurs fois et nous avons eu plus d’une confrontation avec les forces de l’ordre. Nous n’avons jamais recouru aux plaintes, à la victimisation ou au formalisme. Notre façon d’affronter ces situation a été de continuer sur notre ligne, qui au final est la chose qui nous a menés jusqu’ici. Et, fièr-e-s de cela, nous en assumons les conséquences, parce que c’est justement cela qui nous dit que ça les gêne, et que nous sommes donc sur la bonne voie.
Tout cela ne fait que commencer. Ils ont provoqué une étincelle qui nous servira pour donner une poussée à la nouvelle étape de lutte, avec plus d’envie que jamais, et beaucoup plus de fermeté et de rage.
A vous qui vous êtes solidarisés avec nous lorsque cela a été nécessaire, nous voulons vous dire que nous nous sentons très fier-e-s de cela. A vous tou-te-s qui avait fait que la Gatonera puisse exister, qui avez maintenu l’essence de l’espace et qui avez tant travaillé avec nous.
Nous croyons que la réponse la plus cohérente est celle de continuer à lutter, de faire en sorte que cette réponse soit visible, par les moyens que chacun-e préfèrera, en maintenant l’idée originale que la Gatonera a toujours voulu porter : décentralisation des quartiers et action directe.
A vous, les mafieu-se-s, les politicien-ne-s, les flics, les patron-ne-s, les exploiteur-ice-s, les mercenaires, les assassins, les traîtres, les bourreaux…
…TOUT CELA NE FAIT QUE COMMENCER
LA LUTTE CONTINUE.
MORT A l’ÉTAT, VIVE L’ANARCHIE.
Au petit matin du 24 octobre 2014, nous avons attaqué le bar “Bristol”, situé rue Davaki à Ambelokipi, avec un engin incendiaire. Cette entreprise appartient à Christos Zervas, un membre de l’aube dorée connu et candidat aux dernières élections municipales, en plus d’être un lieu fréquenté par les députés de l’aube dorée et autre racaille fasciste.
Nous dédions cette action à la mémoire de Pavlos Fyssas, Shehzad Luqman et les innombrables migrants qui ont été victimes de violence de l’Etat qui se manifeste aux frontières maritimes et terrestres.
Nous continuons la lutte antifasciste dans les rues et les places, et n’attendez rien de “l’anti-fascisme” étatique et ses partisans; au contraire, ils sont nos ennemis.
Nous n’oublions pas les personnes en captivité et poursuivies de la lutte. Les arrestations préventives, les persécutions et les tortures ne resteront pas sans réponse.
Un camarade tué au Testet – Appel à manifester contre la violence d’Etat – à Nantes et ailleurs
Rassemblement ce lundi 18h devant la préfecture de Nantes Rendez-vous dès 15h place du Bouffay pour préparer et informer
Pendant la nuit de samedi à dimanche un manifestant, Rémi, a été tué au cours des affrontements qui se sont déroulés lors du rassemblement contre le barrage de sivens au Testet. Environ 7000 personnes ont convergé sur la zad du Testet après des mois d’attaques policières, de destruction de la zone humide et des habitats de ceux qui la défendaient. En fin d’après midi puis plus tard dans la nuit, des dizaines de personnes s’en sont pris aux forces de l’ordre qui protégeaient le chantier. Elles souhaitaient ainsi marquer leur colère et retarder la reprise des travaux, initialement prévue pour lundi. Elles ont été repoussées à coups de flashballs, de grenades assourdissantes, de désencerclement et de gaz lacrymogènes. D’après les témoignages des camarades du Testet, la personne décédée se serait écroulée suite à des tirs de grenade puis aurait été emmenée par les forces de l’ordre. La Préfecture affirme ne rien vouloir déclarer à ce sujet avant le résultat public de l’autopsie lundi. Le gouvernement a déjà commencé à stigmatiser les manifestants, et tente de diviser pour noyer le poisson. Mais ils savent bien que, quoi qu’ils fassent, cette mort aura des conséquences explosives.
Ce décès révoltant n’est malheureusement pas suprenant dans ce contexte. A Notre dame des landes, au Testet et partout où nous nous opposons à leurs desseins, nous avons dû faire face au déploiement crû de la violence d’Etat. Si nous avons bien compris de notre coté que nous ne pouvions nous contenter de les regarder docilement détruire nos vies, eux ont démontré qu’ils ne nous feraient aucun cadeau. Pendant les mois d’expulsion de la zad de Notre Dame des Landes, de nombreux camarades ont été blessés gravement par des tirs de flasballs et grenades. Sur la seule manifestation du 22 février 2014 à Nantes, 3 personnes, visées à la tête par des flashballs ont perdu un œil. Depuis des semaines au Testet plusieurs personnes ont été blessées elles aussi et d’autres accidents tragiques ont été évités de justesse lorsque des opposants se sont faits délogés, notamment des cabanes qu’ils avaient construites dans les arbres. Pourtant c’est bien, entre autre, parce que des milliers de personnes se sont opposées physiquement aux travaux, aux expulsions, à l’occupation policière de leurs lieux de vie que le projet d’aéroport de Notre dame des landes est aujourd’hui moribond, et que le barrage du Testet et ceux qui devaient lui succéder sont largement remis en question. C’est cet engagement en acte qui a donné une puissance contagieuse à ces luttes et qui menace partout aujourd’hui l’aménagement marchand du territoire.
Plus quotidiennement la répression s’exerce face à ceux qui luttent dans les prisons, dans les quartiers et dans les centres de rétention et entraîne là aussi son lot de morts trop souvent oubliées, plusieurs dizaines chaque année. Face aux soulèvements et insoumissions, la démocratie libérale montre qu’elle ne tient pas seulement par la domestication minutieuse des individus et des espaces de vie, ou par les dominations économiques et sociales, mais aussi par un usage déterminé de la terreur.
Nous appelons à occuper les rues et lieux de pouvoir partout dès demain, pour marquer notre tristesse, saluer la mémoire du camarade tué ce samedi et pour exprimer notre colère face à la violence d’Etat. Nous ne les laisserons pas nous tuer avec leurs armes dites « non léthales ». Réagissons avec force pour qu’il y ait un avant et un après cette mort. Affirmons plus fort que jamais notre solidarité avec tous ceux qui luttent au Testet et ailleurs contre leurs projets guidés par les logiques de contrôle et de profit, mais aussi avec tous ceux qui tombent plus silencieusement sous les coups de la répression partout ailleurs. Nous ne nous laisserons ni diviser ni paralyser par la peur. Nous continuerons à vivre et lutter sur les espaces qu’ils rêvent d’anéantir, et à leur faire obstacle.
Nous ne laisserons pas le silence retomber, nous n’oublierons pas !
Des occupant-e-s de la zad de Notre dame des Landes
Une seconde manifestation se prépare pour samedi 14h