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Bristol, Royaume-Uni : A propos de l’opération Rhone et la chasse à Badger

Quand l’anarchiste de bristol Huw ‘Badger’ Norfolk  s’est fait la malle ailleurs courant août 2011, le mot s’est rapidement répendu dans les communautés anarchistes et radicales de Bristol. Sa décision de s’extraire de toute investigation policière fut immédiatement évidente pour touTEs les nombreuxES amiEs à qui il n’a pas eu le temps de dire au revoir. Sans doute, beaucoup ont soupçonné que cette fuite ailleurs serait d’une courte durée. Mais au lieu de ça, rien, si ce n’est cet appel en ligne anonyme deux mois plus tard, dans lequel il affiche sans ménagement sa non-confirmité.

Avancé rapide à décembre 2014 et les yeux de Badger nous regardent fixement depuis tous les médias nationaux et un bon nombre de journaux locaux. Crimestoppers [1] et l’opération Rhone de la police d’Avon et Somerset annoncent une récompense de 10 000 £ en échange d’informations, tout en imposant également à ses parents du nord-ouest de Bristol de se retrouver sous le feu des médias. Badger est recherché pour deux actions particulières, bien qu’il n’existe pas de preuves ayant été cité pour aucune d’entre elles. Il est clair que la chasse à Badger, et ces deux actions, sont juste une partie de l’investigation menée sur plus de 100 actions de « personnes inconnues » [2] au cours des quatre dernières années.

Alors pourquoi ce tourbillon d’attention policière et médiatique ? En réalité la police a été active tout ce temps, soutenu par leurs limiers de média-esclave du Bristol Post. Nous, à Bristol Defendant Solidarity [Solidarité avec les accusés de Bristol], avons une chronologie de leurs activités depuis août 2011, quand les victimes d’un raid policier infructueux sur un squat de Bristol nous ont contacté pour soutien et conseil. Depuis, l’activité policière a fluctué, rien pour des mois, puis une activité intense, comme ces derniers 6 mois de 2014 – déclenchée apparemment par des forces extérieures à celle de la région, ce  qui a mené à la mise en place officielle de l’Opération Rhone. En plus de trouver et d’arrêter des suspectEs, les buts de cette opération incluent notemment le rassemblement d’informations sur « la menace de l’extrémisme domestique » et afin de «maintenir la confiance publique».

Il est clair que la police ne sait rien. Aucune piste, si ce n’est l’identité de Badger et les déclarations postées en ligne par « persons unkown ». Donc comme un homme soûl à en être aveugle dans une allée sombre, ils s’en sont pris à quiconque pouvait être selon eux intimidéE ou piégéE. Il y a eu de nombreuses arrestations menant à des extensions de libertés surveillées, et même des bracelets élétroniques, 6 au moins depuis juin 2014, mais pas de jugements ; des perquisitions de maisons et de voitures ; visites chez les genTEs et lieux de travail pour « bavarder » ; coups de fil à des numéros de portables privés ; harcélement des partenaires actuelLEs et passés d’individuEs ; des interpellations à l’aéroport ; demandes constantes pour que les genTEs mouchardent ; et sans doute un nombre incalculable de cas de surveillances secrètes. Tout cela en vain et à grand coût. Il y a à présent eu une arrestation et un plaidoyer de culpabilité lié à un incident la veille du Nouvelle An, mais cela se révèle être un cas à part qui ne résulte pas du travail de l’opération Rhone – même s’ils ont été impliqué peu après. Il se dit que l’opération Rhone implique au moins 10 officiers CID [Central Intelligence Departement : Département de Renseignements Central] – dans n’importe quel autre domaine de travail quelqu’unE aurait été viré à cette heure-ci !

Une déclaration d’une des personnes harcelées résume le tout : « Un matin il y a quelques mois, je me suis réveillé pour trouver ma maison pleine de policiers. Quand je dis pleine je veux dire littéralement – c’était difficile de se déplacer ! Ils avaient déjà arrêté la personne pour laquelle ils étaient venus. Il a été libéré peu de temps après sans charges et l’affaire contre lui a depuis été totalement abandonné. S’ils n’avaient même pas assez de preuves contre lui pour le charger, je ne vois pas comment ils peuvent justifier le fait de fouiller ma maison en premier lieu – je ne pense pas qu’ils avaient quoique se soit contre lui. En tout cas, en plus de prendre tous les trucs élétroniques (comme un disque dur et un ordinateur portable), ils semblaient empaqueter n’importe quoi qui avait l’air politique… »

Alors pourquoi ce mur de silence, et pourquoi ce manque de succès de la police ? D’un côté ils harcèlent les genTEs – des anarchistes et radicaux impliquéEs dans des activités publiques, des musicienNEs, et de simples connaissances – qui ne savent clairement rien. D’un autre côté, le fait est qu’un large nombre de personnes ont une méfiance totale, et une haine, envers la police.  Quelque soient les opinions personnelles qu’ont les genTEs sur la validité des actions menées par « personnes inconnues », ils ne coopéreront pas avec la police – ils sont l’ennemi, le bras droit autoritaire de l’État, et ils ont de lourds précédents. Par conséquent, un grand nombre ont soutenu une « déclaration publique contre le harcèlement policier ».  En plus de cette chronologie, Bristol Defendant Solidarity a publié des conseils à destination des personnes faisant face au harcélement policier, et a aidé celleux qui nous contactaient à se mettre en lien et à planifier une réponse. Entre autre chose, ce groupe a organisé une manifestation au siège du CID de Bristol, ce qui a tant dérangé la police qu’ils ont riposté avec des flics armés [3] et des maîtres-chien.

Il est communément accepté que la police existe pour maintenir le status quo – le règne d’un petit nombre sur une majorité. L’historique de leurs magouilles et de la négation des droits limités que nous avons est sans fin. Leur soutien des chefs contre les luttes des travailleurEUSEs est continu. Leur sexisme et racisme, institutionnel. Leur violence est bien documentée puisqu’ils tuent en toute impunité. Leur pouvoir de surveillance est hors de contrôle. Leur armement et équipement de plus en plus militarisé. Leurs agents inflitrés agissent comme agents provocateurs et contraignent les genTEs dans des relations. Leur corruption est à couper le souffle. Les plaintes contre eux et investigations de l’IPCC [Independent Police Complaints Commission : équivalent de la Police des polices] sont en pleine ascension, même le chef de police a été suspendu et est le sujet d’une investigation IPCC. Pourquoi diable qui que ce soit, sans parler des anarchistes et radicaux, aurait quoi que ce soit  à faire avec eux ?

Bristol Defendant Solidarity

BDS est un groupe indépendant, auto-financé et géré par des bénévoles locaux, formé après les émeutes de Stokes Croft en avril 2011. Notre but est d’assurer un soutien et une solidarité inconditionnelle, durable et efficace pour qui que ce soit arrêtéE ou emprisonnéE suite à des manifestations, des émeutes, actions directes et la guerre de classes croissante. Nous prenons clairement position contre la répression d’État et les violences policières.

Notes de traduction
[1] Selon leur propre description, une « agence indépendante de combat contre le crime ». Dans les faits, une extension de l’appareil d’État répressif destinée à chasser les criminelLEs accusés, comptant exclusivement sur le fait que les mouchardEs leurs fournissent des informations qu’ils transmettent ensuite directement aux flics – principalement quand la police échoue dans la capture de leurs fugitives.
[2] « personnes inconnues » : « person(s) unknown » correspond à la terminologie anglaise légale utilisée pour décrire des individuEs inconnuEs impliquéEs dans des investigations criminelles et des procédures civiles. De plus, « Person(s) Unknown Publications » est le nom d’un projet de publication se disant illégal et ayant publié la brochure « Since the Bristol riots ». C’est probablement pourquoi cette terminologie a été utilisé dans ce texte, plutôt que quelque chose comme « des individus anonymes ».
[3] Les policierEs aux Royaumes-Unis ne sont pas touTEs muniEs d’armes à feu. Ainsi le terme ‘armed police’ se réfère ici à l’unité munie d’armes à feu de la force policière territoriale.

Traduction française du texte de CrimethInc. « To Change Everything »

« To Change Everything, » voici le nom et l’objectif ambitieux du nouveau projet international lancé, en ce début d’année 2015, par le collectif anarchiste CrimethInc.

Traduit, à ce jour, dans pas moins d’une dizaine de langues, ce dernier est également disponible en version française.

Ce texte a pour vocation d’analyser les multiples problématiques du monde contemporain et de faire tomber, un par un, les différents concepts et construits soi-disant « fondamentaux » et « légitimes » sur lesquels sont fondés nos sociétés et systèmes.

Les diffusions ont commencé aux quatre-coins du globe, que ce soit aux Etats-Unis ou en Allemagne, en passant par le Brésil, la Slovénie, le Canada, ou encore le Brésil.

Maintenant, c’est au tour de la France de se lancer dans cette diffusion.

C’est pourquoi, nous mettons à la disposition de celles et ceux qui seraient intérésé(e)s par ce texte et projet, le pdf en version imprimable du texte.

A télécharger, imprimer, diffuser et lire sans aucune modération.

Pour tout changer !

Pour plus d’informations sur le collectif à l’origine de ce texte, ainsi que sur le projet en lui-même, vous pouvez consulter les sites suivants :
www.crimethinc.com | crimethinc.com/tce

Version imprimable : PDF.

Pour lire la brochure, cliquez ici.

Avalanche n°4 vient de sortir

Cliquez sur l’image pour télécharger le numéro 4 en pdf.

Chers compagnons, chères compagnonnes,

Le quatrième numéro de Avalanche vient de sortir. Pour obtenir des exemplaires, il suffit de nous envoyer un mail : correspondance[at]riseup.net. Sinon, il est toujours possible de télécharger le journal sur le site avalanche.noblogs.org. La version espagnole et allemande de ce quatrième numéro sortiront bientôt.

des salutations anarchistes,
avalanche

Dans ce numéro :

Uruguay – Introduction nécessaire à un travail plus nécessaire encore
Mexique – L’apologie libertaire envers le langage juridique
Mexique – Le conflit au Mexique et une critique du milieu anarchiste
Chili – Sur le danger de transformer l’anarchie en un ensemble de pratiques “alternatives” sans contenu offensif contre le pouvoir
EU – Nous accueillons le feu, nous accueillons la pluie
Suisse – Contre la « ville des riches »
Espagne – La boîte de Pandore et le fourre-tout de l’antiterrorisme espagnol
Italie – La légende de la vallée qui n’existe pas
Grèce – Déclaration d’Andreas-Dimitris Bourzoukos au procès de Velvento
Grèce – A propos de la nouvelle loi

Mexique : Les cellules autonomes comme moyen de lutte de l’anarchisme

ParoDe nombreuses et éternelles discussions ont existé au cours des ans à propos de la forme d’organisation entre individus anarchistes. Certains proposent l’organisation anarchiste traditionnelle ou l’anarchosyndicalisme, nous-autres insurrectionnalistes proposons l’organisation d’individus anarchistes à travers les cellules autonomes informelles. Ce mode d’organisation fonctionne déjà depuis quelques décennies, et il s’agit d’une forme plus viable de pratiquer l’action directe, la propagande par le fait ou de pratiquer le conflit permanent contre les institutions et les individus qui représentent l’État et le Capital. L’importance de ces cellules autonomes est grande, parce qu’en elles ne s’efface pas l’autonomie de l’individu, ni la liberté d’agir individuellement ou collectivement. Cette forme d’organisation est aussi un outil très utile pour agir de façon immédiate et coordonnée avec d’autres cellules, si celles-ci le désirent. Prenons pour exemple le cas de la FAI (Fédération Anarchiste Informelle) et du FRI (Front Révolutionnaire International), qui agglomèrent des dizaines de cellules anarchistes informelles sur l’ensemble du globe terrestre : cela est une démonstration du fait que la lutte révolutionnaire par le biais des cellules autonomes ne concerne pas seulement ne région ou un pays déterminé, mais est véritablement internationale. On pourra nous accuser d’avant-gardisme, de séparatisme, voire même « d’agents du gouvernement » comme cela s’est déjà produit une infinité de fois. Mais cette forme d’organisation n’est en rien avant-gardiste, séparatiste : elle est tout le contraire. Personne ne s’attend à ce qu’une seule cellule ou quelques cellules autonomes portent la lutte insurrectionnelle. Mais que les cellules qui la mènent se comptent par milliers… PAR MILLIONS !

Il n’est pas possible que tous les individus s’agglutinent dans une seule organisation, ou dans une seule structure, parce que l’expérience et l’histoire nous ont appris que les organisations de masse avec des structures d’organisation, même si celles-ci ne sont pas « hiérarchiques » et que la tentative de faire exister la fameuse « horizontalité » est toujours présente, tendent à tomber dans le personnalisme de quelques-uns, ou porte à l’existence de quelques « leaders » (même si ils sont parfois maquillés en « leaders moraux »), et ces soit-disant « leaders » pourraient vendre leurs propres compagnons. Et cela est l’un des principaux risques des structures organisationnelles qui comptent sur le nombre : à l’intérieur peut s’y créer des leaders ou du personnalisme. Et à travers cela, la tâche est rendue plus aisée pour le système en ce qui concerne la désarticulation de l’organisation, si il la considère comme étant un danger, en coupant la tête du leader ou des leaders, en les absorbant, en intimidant les membres les plus actifs de l’organisation. Voilà où il nous faut placer une grande réflexion et beaucoup de critique. Car les cellules autonomes se proposent, en optant pour l’informalité, une informalité qui ne s’entrechoque pas avec la liberté de l’individu pour la faire finir dans des « commissions » qui, dans la majorité des cas, existent au sein des structures nombreuses. Ces commissions qui lors en de nombreuses occasions sont imposées par la majorité des individus à un individu.

Tout en reproduisant par cela la division du travail, car cela en reproduit en effet les méthodes d’organisation qu’utilise le système que l’on combat « en principe ». L’informalité permettra à l’individu de décider quelles actions réaliser et quand. Toujours sur la base de sa propre volonté, sans limiter sa liberté ni celle de ses compagnons, le compromis ne retombera pas dans des règlements imposés : le compromis retombera dans sa pleine volonté d’agir ensemble avec ses compagnons d’affinités. L’affinité qui existe entre le personnes qui appartiennent à une cellule autonome est d’une grande importance, puisqu’elle facilitera la prise de décisions, le choix des objectifs et des méthodes de lutte. On pourra alors passer à la pratique avec plus de facilité. Sans avoir à supporter d’éternelles assemblées plombantes pour définir quelle est la méthode de lutte correcte, ou d’interminables débats idéologiques qui ne mènent à rien et ne parviennent qu’à ennuyer ou à fatiguer les participants à l’assemblée. Nous espérons que cela ne sera pas mal interprété en faisant penser que nous sommes contre le débat, l’analyse et la discussion. Au contraire, nous pensons qu’ils sont extrêmement importants pour le développement individuel autant que collectif. Mais ce qui importe réellement est la praxis, et d’autant plus en ces temps où le capitalisme est passé à son étape la plus sauvage et la plus brutale, connue sous le nom de « néo-libéralisme ». Certains ont encore l’espoir et nous disent que le capitalisme est arrivé à sa dernière étape, qu’il est en crise et que sa fin est proche. Si cela est la vérité ou une simple illusion, nous ne le savons pas, tout comme personne ne le sait. Ce qui est une réalité, c’est que le capitalisme s’est arrangé pour consommer entièrement nos vies. Et qu’il est plus qu’urgent qu’existe le conflit permanent et la suversion qui puisse déstabiliser ce système assassin. Nous laissons pour cela derrière nous tant de débats et de discussions qui ne nous mèneront à rien et passons à la praxis. Ce saut est très largement facilité par ce que l’on a mentionné plus haut… par l’affinité, nous insistons. L’affinité entre les individus appartenant à la cellule autonome est très importante, parce qu’elle favorise en plus le fait qu’un réelle confiance existe entre eux : du fait d’avoir les mêmes objectifs et des pensées similaires, de réels liens de camaraderie et de complicité se créent. Les cellule autonomes sont des structures organisationnelles de praxis. La révolution doit être quotidienne, par l’attaque directe, par l’éternel antagonisme face à toute forme d’autorité. Les cellules autonomes sont praxis, parce qu’elles peuvent conspirer et attaquer à n’importe quel moment. Il ne peuvent pas nous subordonner avec leur fausse paix sociale ou leurs faux états de « confort ». Soyons astucieux et flexibles, soyons les cellules cancérigènes qui rendront malade, porteront à la phase terminale et tueront le système génocidaire connu en tant que système capitaliste. Les éternelles platitudes et discussions sur ce qui est correct et ce qui ne l’est pas sont une chose du passé.
LA REVOLUTION, C’EST MAINTENANT !

Lobxlibertarix

Italie : Cadeaux de Noël

refugi

Il y a quelques jours, nous nous plaignions du fait que la discussion autour des « incendies de Noël », potentiellement riche de points intéressants, aie déraillé avant même de naître. A plus d’une semaine de distance et malgré l’invitation des compagnons de Bologne de la remettre sur les rails, la situation nous semble en fait avoir empiré. Essayons donc d’y offrir nous aussi une contribution : qui sait si cela sera utile. Une note de méthode, avant de commencer. Le « nous » qui parle dans ces lignes ne se réfère ni à un individu sujet à des délires d’omnipotence, ni à des groupes particulièrement élargis de compagnons : ceux qui parlent ici sont simplement les rédacteurs de Macerie.

Sous sous une proposition

Reprenons depuis le début. Au cours des nuits précédant Noël dernier, d’abord à Florence et ensuite à Bologne, quelqu’un met le feu aux câbles du mécanisme de gestion et de contrôle du trafic de la ligne à Grande Vitesse. Matériellement, il y  peu de dégâts, mais dans les deux cas, le système fait tilt et les retards s’accumulent aux retards, dès l’aube – et ça, c’est un dégât conséquent. Personne ne se fait mal, ou n’aurait pu se faire mal ; simplement, deux fois en quelques jours, la circulation ferroviaire est compromise sur ces tronçons, en particulier ceux des trains super rapides.

Le lien entre ces faits et la lutte contre le TAV surgit de façon spontanée, puisque ce sont justement des canaux et des transformateurs électriques de la nouvelle ligne qui sont partis en flammes ; du reste, il y a quelques années déjà que de gros groupes d’opposants au train armés de banderoles et de  drapeaux envahissent périodiquement les voies dans toute la botte, pour bloquer les Frecciarossa, Frecciabianca et Frecciargento – ou les TGV de passage – en repeignant parfois les wagons, mais qui provoquent toujours des retards en chaîne sur les lignes. Il n’est pas complètement fou que parmi les milliers et milliers d’opposants au train super rapide se trouvent également des gens qui, ce Noël, ont voulu expérimenter un différent moyen d’obtenir le même effet que ces blocages déjà si répandus. Rien de particulièrement nouveau, par ailleurs : il y a moins d’un an, ouvertement déclaré en solidarité avec les arrêtés du 9 décembre, quelqu’un a bloqué la ligne à la hauteur de Rome en lançant une chaîne pourvue de briques à chaque extrémité sur les câbles, et personne n’a exprimé de suspicions particulières ou n’a eu quelque chose à en redire.

Seuls ceux qui y étaient peuvent dire pourquoi ce qui est arrivé est arrivé, mais il nous semble qu’il s’agit somme toute d’une situation limpide. Pour leur part, les journalistes et les politiciens ont fait leur métier, et de la façon habituelle, en brandissant une terreur et un terrorisme qui n’existent ni au ciel ni sur terre : après les incendies de Noël, les usagers habituels de la Grande Vitesse n’auront certainement pas peur de prendre ce train, ou alors seulement parce qu’ils sauront que ce train est tellement mal vu qu’il…arrive souvent en retard ; ceux qui ont subi les retards en chaîne sur les trains « normaux » n’ont eu aucune raison non plus d’être terrorisés. Parmi les passagers, il y aura certainement aussi eu des gens qui, solidaires avec la lutte contre le TAV, se seront marrés ; et puis d’autres qui auront été bien satisfaits d’avoir une bonne excuse pour rater quelques heures de travail. Les autres, la majorité, se seront simplement énervés ou seront restés indifférents, comme pour tous les blocages faits avec les banderoles et drapeaux de ces dernières années. Mais il ne suffit certainement pas d’une accointance de lieu et de date pour faire un parallèle avec les stragi de la gare de Bologne*, de l’Italicus** ou du Rapido 904***, qui ont sans doute possible été des épisodes de terrorisme, mais qui ont ici autant de rapport que des choux au petit déjeuner. Du reste, l’intelligence des journalistes est une chose mystérieuse et insondable, et il n’est pas toujours facile de comprendre où termine le raisonnement malveillant et la provocation étudiée (comme ces rapprochements abusifs) et où commence le simple laisser-aller, la tendance continue à la bêtise (comme dans le cas des signatures graffitis prises pour « la revendication No TAV »).

Malgré la confusion semée par les journaux et les politiciens, et surtout en absence d’éléments contraires, qui nous semblent inexistants dans le cas présent, il n’y a aucun sens de se demander, comme certains l’ont fait : « Mais ce sont vraiment « des nôtres » qui l’ont fait ? Ou il y a quelque chose qui se trame dans l’ombre ? ». Ce qui a du sens, par contre, c’est que chacun se demande si ces faits ne portent pas avec eux une proposition adressée à tous, si cette proposition est sensée, acceptable ; si elle est à défendre et à reproduire ou, au contraire, à laisser retomber dans le vide.

Possibilité à cueillir, ou pas

Du reste, il y a un an et demi, les choses se sont déroulées plus ou moins comme ça. On s’est réveillés le matin avec la nouvelle de l’attaque du chantier du 13 mai, avec les journalistes et les politiciens qui piaillaient et alimentaient la confusion. La « nuit du compresseur » portait en soi des éléments de rupture – que ce soit d’un point de vue organisationnel que de celui du choix des instruments pratiques – par rapport à ce qu’à ce moment-là le gros du « mouvement No TAV » était disposé à pratiquer et à soutenir, mais aussi des éléments de grande continuité : c’était un pas, une possibilité en plus qui ne pouvait évidemment pas être proposée, discutée et organisée dans les assemblées populaires ou dans les coordinations des comités, mais qui répondait (adéquatement ou non, ce n’est pas le sujet ici) à une nécessité de la lutte. De fait, quelqu’un a donné sa propre lecture de la situation, en a discuté et s’est organisé avec ceux qu’il préférait et, la nuit du 13 mai 2013,  fait ce qu’il avait à faire. Ce n’était certes pas la première fois que quelque chose du genre arrivait, mais jamais avec autant de force. Et comment a réagi, de son côté, le « mouvement No TAV » ? Il a lu cette nuit comme ce que, à notre avis, elle était : une proposition. Pour être clairs, lorsque nous parlons de « mouvement No Tav », nous le faisons dans la seule acception de ce terme qui nous plait, à savoir l’ensemble vivant, multiforme et privé d’une logique univoque qui recouvrerait ceux qui s’opposent à la construction de la ligne du super-train. Et c’est pour cela même que l’on ne pouvait clairement pas s’attendre à ce que cette proposition soit accueillie de façon unanime, ni univoque, ni définitive non plus. Où et quand vérifier une éventuelle unanimité ? Comment éviter que, de cette « nuit du compresseur », chacun ne prenne que ce qu’il veut et peut, ou que cette proposition ne soit favorablement accueillie que pour ne pas se retrouver hors jeu ? Et, enfin, nous sommes convaincus que le slogan « indietro non si torna » [”On ne retourne pas en arrière”] est un slogan qui décrit bien la fermeté et la détermination, mais pas la réalité des luttes où l’on doit être toujours disposés à recommencer depuis le début. Mais nous pouvons dire que, au moins en ce qui concerne son aspect le plus immédiatement pratique (l’usage du sabotage), cette proposition a été jugée comme positive par une frange considérable du mouvement, et les mots d’ordre hurlés à en perdre la voix après les arrestations de Chiara, Niccolò, Claudio et Mattia le démontrent suffisamment, nous semble-t-il. Son aspect méthodologique, c’est-à-dire la possibilité de s’organiser en-dehors des assemblées populaires et des coordinations des comités est par contre demeuré globalement dans l’ombre, et nous pouvons dire que cela n’a pas été entièrement digéré : cela est parfois accepté, comme dans le cas des sabotages survenus en Vallée l’été 2013 contre les entreprises impliquées dans l’affaire, et parfois non. Et l’air de ces derniers jours nous semble le démontrer.

Si ce n’est maintenant…

Revenons-en donc aux faits de Noël. Selon nous, ces incendies ont été une bonne idée. La ligne à Grande Vitesse est, selon l’expression dont on abuse et très banale, un géant aux pieds d’argile : les soldats enfermés à double tour dans le chantier de Chiomonte ne peuvent certainement pas suffire pour surveiller des centaines et des centaines de kilomètres de voies qui, dispersées dans tout le pays, sont un peu les nerfs à vif d’une Grande Oeuvre qui n’est pas haïe et n’a pas fait de dégâts qu’en Val di Susa. A travers la lutte de ces dernières années, les Valsusains ont conquis une sympathie, dans toute l’Italie, qui s’est souvent transformée en soutien concret et déterminé ; et il y a aussi les gens qui sont opposés au TAV et qui sont disposés à se battre au-delà des histoires spécifiques de la lutte dans la Vallée. De plus, avec les rassemblements devant les auberges, les entreprises et les blocages de gares, les lieux dans lesquels se déroule la lutte se sont déjà extraits du seul chantier. Pour cela, le saut ne nous semble pas du tout incompréhensible, et la suggestion de ces nuits de Noël aurait pu encore être reprise, et ailleurs : la qualité des initiatives telles que celles-ci résident dans leur potentiel aspect quantitatif, c’est-à-dire dans la possibilité que, ne semblant pas complètement extraterrestres au contexte ni difficilement réalisables, celles-ci soient reprises par d’autres et répétées, augmentant leur caractère incisif. Il est vrai que des initiatives telles que celles-ci échappent, du fait de leur nature, aux discussions publiques préalables, et posent aussi des problèmes pour la discussion de l’immédiateté de l’ensuite – alors qu’il faut déjà toujours faire gaffe à ce que nos perplexités ne finissent pas par indiquer aux flics, par élimination, les suspects sur lesquels enquêter. Mais il est également vrai que, si l’on ne se sentait pas obligés de répondre à chaque sifflement des journaux, on pourrait trouver une façon de se confronter, parce qu’il est toujours important de discuter et de critiquer ; et il est encore vrai que lorsque les propositions sont inadéquates dans une situation donnée, elles ne trouveront tout bêtement personne pour les accueillir, et mourront d’elles-mêmes. Et puis, il faudrait se résigner au fait que le « mouvement No TAV » ne peut être une signature, ni un seul contexte organisationnel, mais un ensemble beaucoup plus vivant et hétérogène où il n’est pas forcément obligatoire d’être tous d’accord et où personne ne peut prétendre tout contrôler. Cette fois, les choses sont allées au-delà de ça, avec les affirmations objectivement délatrices contenues dans un bref article publié par l’un des sites les plus suivis du mouvement. Des affirmations corrigées par leurs propres auteurs le jour suivant, quand elles avaient déjà largement circulé, finissant jusque dans les journaux. Ce ne sont que ces tout derniers jours que les auteurs ont publiquement admis, à la fois par écrit et dans les assemblées, qu’ils avaient fait une erreur. Il est important qu’il l’aient reconnu, étant donné qu’il est fondamental de signaler qu’il n’y a pas de polémique qui justifie ce genre de dérapages ; et s’ils l’avaient fait plus tôt, nous aurions évité cette longue série de communiqués, rédigés avec des tons et des manières diverses, et parfois tout sauf précis, qui demandaient des comptes. Et il aurait été possible de discuter de choses plus intéressantes.

En somme, ces incendies nous semblaient être une bonne idée à Noël, et ils nous semblent être une bonne idée encore à présent. Cela dit, si ce qui semble être une bonne idée ne fonctionne pas ou ne prend pas racine, on peut aussi, à un moment, la mettre de côté et… la garder sous le coude pour quand elle pourra s’enraciner et fonctionner. Et le point central est peut-être celui-ci. Chacun d’entre nous peut évaluer le caractère adéquat d’une proposition donnée dans une situation donnée, puis conclure : « pas mal du tout cette idée, dommage que ça ne soit pas le meilleur moment ». Mais ensuite, les efforts doivent être faits pour que demain puisse se faire ce qu’il n’est pas possible de faire aujourd’hui, parce que si certaines conditions qui rendent adéquat au contexte un fait particulier sont imprévisibles et tout à fait séparées de notre volonté, d’autres dépendent de nous, de la clarté de nos discours, de la direction dans laquelle nous décidons d’aller. Ceux qui ont pensé que les sabotages de Noël étaient une bonne idée en théorie, mais à mettre en pratique à un autre moment de la lutte (par exemple lors d’un des pics combatifs du mouvement, comme juste après la chute de Luca du pylône ou à certains moments du procès des quatre du 9 décembre) et parlent maintenant de ces initiatives comme de dépréciables « chiffons imbibés d’essence » n’en favoriseront certainement pas la reproposition, mais au contraire, en éloignera à l’infini la mise en pratique. Un raisonnement identique peut se faire pour ceux qui pensent que le sabotage est effectivement un bon outil, mais à utiliser au compte-gouttes, puisqu’il n’a pas encore été digéré par le gros du mouvement, qui l’estime utilisable contre le chantier et ses prolongations dans la Vallée seulement, et non pas contre les lignes déjà en fonctionnement : il faudra alors trouver les moyens pour en favoriser la digestion, avec des discussions et avec des propositions pratiques. Et il nous semble que l’exact contraire a été fait : nous comprenons la fougue polémique, mais quelque chose ne nous va pas.

Est-ce tout ? Non, nous voudrions, au moins pour cette fois, vous indiquer deux facteurs apparemment opposés qui contribuent tout deux à ranger un peu trop vite de côté la proposition contenue dans les incendies de Noël : l’éternelle théorie du complot et l’opposition entre ces épisodes et la lutte « dans la Vallée ».

Sombres ficelles et réflexes conditionnés

Il existe en Italie une mentalité diffuse qui veut toujours voir sous la superficie des choses des complots cachés et des intelligences occultes qui ont le pouvoir et la capacité d’organisation pour mettre sur pied des raisonnements machiavéliques et sans scrupules. Des grandes trames obscures, il y en a eu, et il y en aura d’autres – Piazza Fontana**** nous l’a tristement appris. Et il y a et il y aura toujours des toutes petites trames de complot, faites de calculs individuels mesquins, comme dans le cas récent du chauffeur de Rinaudo. Mais bordel, on ne peut pas transformer cela en moteur du monde ou, plus banalement, en clé de lecture pour tout ce que l’on ne comprend pas ou qu’on ne partage pas. Il y a des éléments concrets, factuels, des contradictions grosses et visibles dans les faits qui se produisent, pour autant que nous puissions les connaître. Pour faire un exemple simple : le tag du Nouvel An attribué à Noa, qui énumère à tort et à travers des noms de compagnons, et menace, et promet sans rien faire, est évidemment un bobard bon pour les journaux en mal de titres ronflants (qu’il s’agisse d’un faux étudié et organisé ou, plus simplement, de l’accouchement de travers d’un mythomane, nous ne nous hasarderons pas sur ce terrain). Mais dans le cas des incendies de Noël, la seule chose « bizarre » n’est pas dans le fait en soi, mais dans la narration qu’en ont fait les journaux, dans la démence manifeste avec laquelle ils ont préparé les fotogallery du graffiti. Mais que les journalistes soient sélectionnés pour leur bêtise et pour le mauvais fonctionnement de leurs synapses est un mystère que nous avions déjà découvert depuis quelque temps. Ou devrions-nous peut-être donner du crédit au juge Imposimato qui, en vertu de sa longue expérience et du haut de son profil facebook, nous informe que ces incendies sont une « stratégie de la tension » : et qui le lui a dit, à celui-là ? Et sur la base de quels éléments, de quel raisonnement, de grâce ? Et accepter aujourd’hui de lui donner un peu d’espace, à lui, n’est-il pas un peu semblable à si dans n’importe quelle lutte du futur, nos enfants acceptaient de se faire donner la leçon par Rinaudo ? Avec trente ans de plus, un peu de bide et un dentier, il ferait un parfait expert en terrorisme…

Soyons sérieux. Nous ne pouvons fournir aucune recette prémâchée pour identifier les canulars et les provocations et séparer à coup sûr, comme on dit, le bon grain de l’ivraie. Mais si nous ne pensons pas l’avoir nous-mêmes, nous ne pensons pas que qui que ce soit d’autre l’aie. Et puis c’est vrai : les désirs influencent le regard, et la confiance que nous avons dans l’initiative parfois individuelle, dans la détermination parfois éparpillée de ceux qui veulent se jeter dans la bataille contre le super-train, peut jouer de sales tours et nous faire prendre des lucioles pour des lanternes. Mais le comportement contraire, celui un peu esthétique de ceux qui prétendraient que tout se passe sous leur contrôle préventif, celui de ceux qui voudraient que ne se produisent que les choses qu’eux jugent opportunes, crée des effets qui nous semblent pires, puisque cela contribue à rogner les ailes à des possibilités de lutte qui peuvent par la suite nous servir à tous ; ou bien, ce qui revient plus ou moins au même, à empêcher la discussion à propos de propositions qui, comme cela peut arriver, sont simplement erronées ou mal placées.

Ces quelques lignes ne suffiront certainement pas à convertir les complotistes à tout prix, nous en sommes bien conscients, et nous sommes également conscients que cette mentalité suspicieuse que nous critiquons est très enracinée et n’est pas exclusive aux gens de mauvaise foi : il suffit d’aller faire un tour dans les contextes dans lesquels les luttes parviennent à impliquer non seulement les militants plus ou moins professionnels mais aussi les gens communs, dans les contextes dans lesquels le tissage des luttes rend possibles des discussions directes en éludant un instant le phantasme de « l’opinion publique », pour se rendre compte que l’hypothèse du complot est un réflexe conditionné qui se déclenche chaque fois que se passent des choses que l’on a du mal à comprendre et à partager. C’est pour cette raison que ceux qui, comme nous, critiquent cette mentalité, devraient arrêter de hurler, du sang plein les yeux, « politiquards opportunistes » [politicante paraculo] chaque fois qu’ils la voient réémerger périodiquement. Non pas parce qu’il n’y aurait personne qui lui donne de l’espace par simple calcul politique et pas non plus par conviction propre avec pour unique objectif de déqualifier des pratiques plus généralement ou à certains moment retenues non opportunes  : il y en a, et comment, qui continueront de le faire tant qu’ils trouveront un terrain fertile dans les milieux de lutte. Et nous ne pouvons intervenir sur ce terrain seulement si nous apprenons d’un côté à critiquer ce réflexe conditionné et, simultanément, pousser vers la compréhension critique des faits qui l’ont déclenchée.

Bloqués au presbytère

Des dommages identiques risquent certainement d’être provoqués, paradoxalement, par certains des défenseurs les plus ardus de ces incendies de Noël. Déjà parce que dans ce chaudron, on trouve aussi certaines personnes qui ont voulu pointer une opposition nette, très nette, entre la lutte dans la Vallée et les sabotages de Bologne et de Florence : là-haut, tout est nase, comme il a été dit, et ces sabotages sont un bon moyens de ne pas y mettre les mains au milieu, mais à distance de sécurité. Là-haut, en montagne, parlementaires, maires, magistrats, écrivains boudeurs et glissants et tous types d’animaux politiques ; ici-bas, de nuit le long des voies, ceux qui sont contre le super-train mais aussi contre le Parlement, les Mairies, les Tribunaux, les artistes engagés, la basse politique des groupuscules et tout ce que ceux qui en ont voudront bien y rajouter. En somme, les anonymes et inconnus saboteurs de Noël auraient adressé leur proposition… aux anarchistes ! Et même pas à tous, parce que si en ce qui concerne le Parlement, les Mairies et les Tribunaux, les anarchistes sont d’accord entre eux, le débat est encore ouvert sur l’art et le militantisme. Si la proposition est celle-ci, il est évident qu’elle ne pourra pas s’étendre plus que ça et encore moins « déborder » : les anarchistes sont ceux qu’ils sont, ont les forces qu’ils ont, et le gros du « mouvement No TAV », sur ces sujets, a des positions des plus variées et disparates. Il en resterait donc forcément des bouts laissés de côté. Certes, il n’y a pas que le « mouvement No TAV » ! Mais nous ne voyons vraiment pas comment et pourquoi un exploité de San Zenone au Lambro, qui en a plein les couilles d’une vie d’exploitation, finalement déterminé à combattre mais tout à fait ignorant des débats du mouvement, doive reprendre ces bons exemples de Noël dans un sursaut de rage. Il ira beaucoup plus probablement mettre un bon coup de boule au responsable d’Equitalia de son bled, ou à son chef au travail : il fera une chose bonne et juste, donnant peut-être par là un exemple contagieux prêt à se diffuser en tâche d’huile et sans rien d’autre à soutenir mais… ceci est une autre histoire.

Rendons-nous clairs : nous ne sommes en rien opposés au fait que les anarchistes, sur le TAV ou sur autre chose, se fassent de temps en temps des propositions, y compris de cette façon, y compris à distance. Par contre, il n’est pas possible de s’attendre à ce qu’il se passe autre chose que ce les anarchistes sont en capacité de déterminer directement. Dans le cas présent : quelque sonnerie, un peu de carillons… Nous manquons peut-être de charité de Patrie, mais nous tendrions à exclure les volées de cloche.

Comme toujours, chacun voit dans les choses ce qu’il veut y voir. Et nous, dans les incendies de Noël, nous avons voulu y voir une proposition adressée au « mouvement No TAV » qui, par chance, est autre chose qu’une simple accumulation de petits groupes politiques. Une proposition qui aurait pu être accueillie favorablement et, qui sait, peut-être pu déborder ; si cela c’était passé ainsi, ceux qui nous ont collé cette opposition ne lui ont certainement pas rendu service, puisqu’ils contribuent à l’enfermer dans une dispute entre paroisses militantes. Et les cloches de ces paroisses ont effectivement sonné à la volée ces derniers jours.

Macerie, 19 janvier 2015
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Notes de Contra Info : * Le 2 août 1980, une bombe explose dans la gare de Bologne, tuant 85 personnes et blessant plus de 200 autres. Cette bombe y a été placée par les Noyaux Armés Révolutionnaires, un groupe néo-fasciste armé de l’époque.
** Le 4 août 1974, une bombe explose dans le train Italicus, tuant 12 personnes et en blessant 48 autres. L’organisation néofasciste Ordine Nero revendique l’attentat.
*** Le 23 décembre 1984, une bombe explose dans le train Naples-Milan, provoquant 17 morts et 265 blessés. Des mafieux seront condamnés pour cet attentat.
**** Le 12 décembre 1969, une bombe explose dans la Banque de l’Agriculture sur Piazza Fontana, à Milan, provoquant 16 morts et 88 blessés. Les anarchistes ont d’abord été accusés, avant que tout n’indique que l’attentat venait des milieux néofascistes.

Sur le terrorisme dans la bouche des États

dum

20 janvier 2015

Après les assassinats de Paris s’est déclenchée une nouvelle offensive des États et de leurs appareils au sein de la guerre civile mondiale en cours. De nouvelles lois d’exception, qui n’auraient auparavant pas pu être imposées, car les conditions n’étaient pas propices pour justifier un changement de la sacrosainte image de la Démocratie, sont à présent promulguées par décret sous diverses formes.

Des lois qui incrémentent encore plus le contrôle des citoyens à travers des interventions télématiques ou téléphoniques ou des données fournies par des entreprises, qui restreignent l’espace d’apparente liberté de frontières en Europe, qui fomentent la délation de concitoyens suspects car s’écartant de la norme (spécialement de la part de fonctionnaires au service de l’État dans les centres de santé, les prisons, etc.), qui incitent la magistrature et les législations en vigueur à mener des enquêtes ou à créer de nouvelles lois ou d’endurcir celles existant déjà, qui permettent un meilleur contrôle des frontières, dotent les organes policiers de plus de pouvoir… Ils génèrent ainsi un état d’urgence factice en utilisant le concept de terrorisme, et en évoquant surtout le djihadisme, car c’est celui qui effraie le plus, étant donné qu’il est culturellement différent et que, dans le discours du Pouvoir, qu’il n’a pas de racine socioéconomique, mais seulement religieuse et autoritaire. Un concept qu’ils souhaitent maintenant redéfinir en termes plus pratiques pour son usage policier et judiciaire, alors qu’ils prétendent inclure sous cet éventail des individus qui agiraient en solitaire (ceux qui sont déjà taxés de « loups solitaires » par toute la presse) ou des individus qui s’organisent de façon informelle et non-hiérarchisée.

Après l’approbation de la Loi Mordaza il y a quelques semaines, l’État espagnol s’efforce déjà de conclure une nouvelle réforme du Code Pénal qui justifierait l’application des lois d’exception antiterroristes contre ceux qui agissent en solitaire et qui justifierait l’action policière-judiciaire préventive d’attaques terroristes. Il s’agit de quelque chose qui a déjà été vécu en Italie à travers les différents montages anti-anarchistes, ou au Chili avec le Caso Bombas et avec les changements de la Loi Antiterroriste ou la Loi de Contrôle des Armes et Explosifs, ou encore en Grèce, avec l’instauration des prisons de type C pour freiner la lutte armée. Les partis politiques encadrés dans une position toujours plus étroite, et auto-conditionnés par leur propre rôle d’aspirants gestionnaires de l’État dépendants des votes de citoyens aliénés jour après jour, se disputent pour être sur la photo de fin, d’accord avec leurs discours de merde particuliers. Aucun ne sera capable de contredire ce qui est imposé par les conditions créées. Ils ne le peuvent pas, et ne le veulent pas, du fait de ce qu’ils sont et du rôle qu’ils endossent au sein du système.

L’opération Pandora, menée contre des anarchistes actifs dans la lutte contre l’État et le capitalisme, n’a pas été un hasard. Une opération préventive et, en tant que telle, justifiée aux yeux de tous les citoyens à la lumière de la succession des évènements. Ils ne trouveront rien de plus. Voilà pourquoi ils modifient et approuvent encore plus de lois qui recouvrent l’application de peines de prison sans preuves d’actes de destructions de propriétés ou d’attentats physiques contre les gestionnaires du Capital. La rencontre du fasciste Fernández Díaz avec son homologue chilien juste avant l’opération Pandora n’était pas non plus un hasard.

Entretemps, ces citoyens de bas étage dépourvus de sens critique, ainsi que de dignité, continueront de débattre pour savoir pour qui voter lors des prochaines élections, plaçant leurs illusions de modification de leurs conditions existentielles dans les vieilles promesses des nouveaux figurants politiques et oubliant leur misère quotidienne en commentant le prochain match de foot, ou le prochain scandale sentimental, ou le prochain cas de corruption. Le fait qu’ils assument leur propre incapacité et la délégation aux gestionnaires de leurs vies sert de moteur pour que le pouvoir continue de tout gérer comme bon lui semble. Il leur arrive bien de se mouiller de temps en temps (si on les vire de leur boulot, qu’on les expulse de leur maison, qu’on leur retire les aides sociales minimales, qu’on les oblige à payer plus d’impôts, qu’on augmente le prix des produits de première nécessité, qu’on gèle leurs salaires ou leurs retraites, qu’on les envoie faire la guerre…), et leur possible action de résistance sera largement criminalisée et réprimée, et ils devront se convaincre eux-mêmes qu’il s’agit d’un effet collatéral dans le but d’obtenir un plus grand bien général (imposé par l’État et l’Économie), et ils ne comprendront même pas le pourquoi de la chose.

En ce qui nous concerne, nous n’oublions pas qui profite de tout cela. Les nouvelles conditions que renouvelle continuellement le pouvoir sont dirigées vers le maintien et l’amélioration des formes de relation capitalistes que la domination requiert. Ces nouvelles lois, ces guerres, ne sont pas séparées de l’exploitation au travail, de la destruction du territoire, de l’invasion et de la destruction d’autres cultures, de l’augmentation du nombre de prisons et du durcissement des conditions qui y sont imposées aux guérilleros et guérilleras, des morts aux frontières, etc. Ce sont d’autres conséquences du maintien d’une économie comme toujours dirigée vers le profit de quelques-uns par n’importe quel moyen.

Pour toutes ces raisons, la vision étroite et intéressée mise en avant du « Je suis Charlie » nous répugne. Cet intérêt est celui de l’État, cet intérêt est celui du Capital. Cet intérêt passe par les citoyens aveugles et à la vue courte, et se diffuse par les médis de désinformation du Pouvoir. Participer de façon a-critique à cette marée émotionnelle revient à s’aligner avec les États et le Capital. Et ne pas le faire ne veut pas dire soutenir cet État Islamique dont ils parlent. Cette polarisation sans nuances est un autre intérêt du Pouvoir pour isoler et créer son discours totalitaire.

Lire le texte en espagnol (original), en portugais.

Argentine : Tchernobyl pour tous

Du 17 au 21 novembre s’est tenue à Bariloche la 16ème conférence internationale du Groupe International des Réacteurs Expérimentaux. Cette organisation, qui se réunit chaque année, est l’avant-garde internationale scientifique de l’étude de la potentialité de la fission nucléaire utilisée pour la génération d’énergie.

Rien de nouveau dans cette intention de l’État Argentin autour du développement de l’énergie nucléaire pour son usage commercial. Courant juillet, pendant la visite de Poutine, Cristina Kirchner déclarait « notre pays est en tête dans la génération d’énergie nucléaire à des fins pacifiques, et pas seulement en tête du point de vue scientifique, mais aussi en matière de non-prolifération ». Il est tranquillisant de savoir que nous vivons sous contrôle de Forces Armées qui n’aspirent actuellement qu’à acheter des avions de chasse et des bombardiers israéliens, et non pas à se doter de l’arme nucléaire.

Ces derniers jours, une nouvelle déclaration des pays du Mouvement Non Aligné a été faite : « le MNA rappelle le droit basique et inaliénable de tous les pays à développer, rechercher, produire et utiliser l’énergie atomique à des fins pacifiques, sans aucune discrimination et en conformité avec leurs obligations légales ». Il semblerait qu’aucune bourgeoisie nationale ne souhaite rester sans la possibilité de posséder son propre Tchernobyl. Ils intégraient à cette rencontre des prix Nobel et des environnementalistes qui affirment que l’énergie nucléaire amène avec elle un effort considérable à la lutte contre le réchauffement global. Est-ce pour cette raison qu’ils nous bombardent de ce charabia idéologique depuis des décennies, avec ce faux objectif réformiste ?

Il y a un peu plus d’un mois, il a été annoncé que la Centrale de Fission Nucléaire Nestor Kirchner – Atucha II avait atteint 75% de sa capacité maximale espérée (525 MW). Cette centrale, dont la construction a été paralysée pendant plus de 20 ans, a vu son chantier reprendre en 2006, et son achèvement au début de l’année a été l’occasion de célébration avec les huiles du gouvernement et de la bourgeoisie industrielle de la région.

En ces sombres temps, où la science occupe la place que jadis avait le catholicisme, et avec la raison dans la main, comme la foi l’était pour leurs prédécesseurs, il est sain pour les prolétaires de réaliser une mémoire des luttes de notre classe contre l’aliénation, la destruction de l’environnement et la prolifération de technologies qui échappent clairement au contrôle humain et qui se retournent contre nous.

Nous nous souvenons de quand le prolétariat du Pays Basque réussit à empêcher la construction de la centrale nucléaire de Lemoniz en 1984, après des années de luttes sociales généralisées. Nous n’oublions pas non plus l’assassin Felipe González et son génocidaire Parti Socialiste Ouvrier Espagnol qui, en un exécrable sale coup politique, ont signé le moratoire nucléaire, essayant par là de s’octroyer les lauriers de la courageuse lutte prolétarienne.

Ou encore, en 1986, en Allemagne, des centaines de manifestants attaquèrent les policiers qui surveillaient le site de la construction de la centrale de Wackersdorf. Deux années plus tard, la construction fut abandonnée.

En Italie, des années de stratégie décentralisée de sabotages systématiques du programme nucléaire de l’État a porté ses fruits lorsque, en 1990, après la controverse ayant suivi Tchernobyl (1986), la dernière des 4 centrales de ce pays fut fermée. Il est à noter qu’une perspective de lutte similaire est actuellement menée par des dizaines de groupes anarchistes et autonomes contre les Trains à Grande Vitesse.

Il y a plus de trois ans avait lieu le désastre de la station Fukushima I dans le centre du Japon, à la suite d’un tremblement de terre et du tsunami qui l’a accompagné. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, la bourgeoisie ne peut offrir aucune estimation certaine de la véritable ampleur du désastre. Nous ne saurons jamais avec certitude le nombre de morts et de blessés et la quantité de matière qui aura filtré dans les nappes phréatiques et dans l’Océan Pacifique.

Notre seule possibilité d’en finir avec ce désastre global est de désarmer non les centrales et les armes nucléaires, mais la bourgeoisie. En finir avec ce terrifiant règne de la science, de la technologie et de la raison bourgeoise pour construire une relation intègre de l’humanité communiste avec son environnement, en récréant nos liens avec la vie et en décidant collectivement, sans ingérences de marchés et de monnaies, comment nous souhaitons que soit notre alimentation, notre habitat et l’énergie dont nous avons besoin.

Lire le texte original en espagnol ou sa traduction en grec.

Etat espagnol : Douze morts

skullsDouze morts. Passés du statut de personnes à celui de corps sans vie en quelques minutes à peine. Nous savons qu’il meurt beaucoup plus de gens, et en moins de temps, au cours des guerres, à cause de bombes lancées depuis un avion, de gaz mortels, de mines antipersonnelles. Mais nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes dans une démocratie. Le monde libre rêvé. L’image de laquelle le monde entier est avide : la grande Europe, la civilisation exemplaire.

Douze morts, assassinés par des personnages qui eux, sont en guerre, qui eux, sont entraînés pour tuer.

Mais ne vous méprenez pas. Ce n’est pas l’image exploitée – dans tous les sens – de la mort de quelques dessinateurs et d’autres membres d’une revue satirique parisienne il y a quelques jours qui nous vient en tête, mais le souvenir des corps de ces 12 migrants subsahariens criblés de balles et noyés en quelques minutes par la Guardia Civil il y a presque un an, le 6 février 2014, lorsque cette police militaire les obligeait à repousser chemin vers la mer. Beaucoup plus ont alors été assassinés, mais seuls 12 corps ont été retrouvés. Le reste a été avalé par la mer.

Ils n’ont eu droit ni à de grandes marches ni à la répudiation, et personne n’a pensé à un slogan qui dirait « Nous sommes tous et toutes des migrants qui mourrons aux portes de l’Europe ». Bien sûr, ils n’étaient pas blancs et ne venaient pas de pays riches, mais ils ont été assassinés de façon cruelle et terrible. Non pas en défense d’une quelconque religion ou fondamentalisme, apparemment, mais bien en défense de la frontière sacrée et de l’État. Pour marquer une fois de plus, par le sang et par le feu, sa frontière.

Il n’y avait aucune intention de tuer les migrants qui osaient entrer en territoire espagnol, assure le ministre de l’Intérieur Jorge Fernández et sa Guardia Civil, il s’agissait seulement de « tracer une espèce de frontière aquatique avec les impacts de balle dans l’eau ». Et il ne s’agit en aucun cas d’une blague. Ils le disent sérieusement.

Rien que dans la Mer Méditerranée, la frontière maritime de l’Europe, cette année 2014 a battu son propre « record » (comme disent les médias), avec plus de 3200 migrants morts noyés en moins de douze mois alors qu’ils tentaient de rentrer sur le continent européen, sans compter tous les morts sur les différentes frontières, dans les déserts où ils sont abandonnés sans eau et sans vivres par les différents polices aux frontières ou entres les mains de mercenaires fascistes et d’autres forces de l’ordre, ni ces morts en Centre de Rétention une fois arrivés dans le paradis européen, ou dans les rues entre les mains de la police, puisqu’une fois à l’intérieur du territoire Européen, la bienvenue n’est pas très différente du traitement qu’ils reçoivent à sa porte d’entrée. L’acharnement policier contre des populations entières (principalement celles qui portent leur provenance sur la peau), la xénophobie croissante, le racisme fomenté par les médias de communication et les politiciens ou encore les campagnes contre tout ce qui n’est pas identifiable avec « l’européen ».

Charlie est européen, et pour cela, nous ne sommes pas tous Charlie. Il y a des valeurs, des coutumes, et même des blagues (dont certaines sont un tantinet lourdingues) qui sont très identifiables avec cette entité abstraite qui veut se faire nommer « l’européen ». Mais ce qui est sûr, c’est qu’énormément de gens, principalement ceux qui ne peuvent s’identifier avec les valeurs dominantes qui définissent ce qui « est » et ce qui « n’est pas » européen, qui ne peuvent s’identifier à Charlie ou à ses valeurs, et encore moins avec son sens de l’humour.

Ce « Je suis Charlie » est une tentative de définir une ligne très précise : qui n’est pas avec nous est contre nous. Des milliers de personnes ont défilé sous ce mot d’ordre à Paris. Rajoy n’a pas raté le rendez-vous, lui qui est l’un de ceux qui terrorisent les migrants sur les frontières et dans les cachots espagnols, entre beaucoup autres faits d’armes ; et Netanyahou non plus, lui qui à l’aide de son armée mitraille des centaines de Palestiniens sur sa Terræ Sanctæ et enferme chaque année ces israéliens qui refusent de participer à sa manière particulière de terroriser ; et comme il fallait s’y attendre, Erdogan non plus n’a pas manqué à l’appel, lui qui sème la terreur contre le peuple Kurde. Tout comme les chefs des principales puissances capitalistes. Tous les chefs d’État, gardiens de l’empire et de la civilisation, ont marché contre la barbarie. Avec eux, des milliers de fascistes du continent entier ont profité de cette impulsion de Charlie pour sortir semer leur merde sur un terrain plus que fertile, qui donnera bientôt des fruits des plus acides.

Et les rues de Paris et de Barcelone, parmi tant d’autres, se militarisent encore plus, en défense de ces valeurs. Avec des fusils et mitrailleuses, on peut voir les mercenaires de l’État préparés pour marquer à coups de balles, comme ils l’ont fait dans les eaux de Ceuta, une frontière : c’est avec des impacts de balle que se marqueront les limites qui séparent le dedans et le dehors, ce qui est et ce qui n’est pas Charlie.

Que dit Charlie de ce terrorisme ? Fait-il des dessins marrants et rigolos à son propos ? Parce que nous, le monde de merde dans lequel nous vivons ne nous fait pas beaucoup rire. Cela veut-il dire « soutenir » le fondamentalisme ? Non, en rien. Nous ne voulons qu’aucun fondamentalisme ne nous effraie ou ne nous opprime. Et peu nous importe que l’on puisse lire sur son épigraphe « État Islamique », « État Laïc », « État Charlie » ou « État » tout court.

Ils nous parleront de liberté d’expression, comme toujours. Mais pour celles et ceux qui, comme nous, connaissent la « liberté d’expression » de l’État, nous connaissons la relation que celui-ci entretient avec la terreur : son existence se base sur la peur. La liberté de laquelle parle l’État est l’expression du monopole de la violence.

C’est pour cela, une fois de plus, que ces évènements nous démontrent que tout État est terroriste.

Quelques anarchistes
Barcelone, 14 janvier 2015

France : “Nous ne sommes pas Charlie”

Ce tract a été distribué – difficilement – dans certaines manifestations de commémoration de ces derniers jours en France, pour tenter de contribuer à faire sortir du pathos identitaire et saper l’édification de “l’union nationale” qui se construit après le massacre dans les locaux de Charlie Hebdo ce mercredi 7 janvier, et d’essayer de réfléchir à ce qui va nous tomber sur la gueule dans les temps à venir.

Cliquez sur l’image pour télécharger le tract en pdf.

NOUS NE SOMMES PAS CHARLIE

Le massacre de mercredi est horrible et abject. Les mots ne suffiront sans doute jamais pour qualifier ce carnage.

Une cible logique ? Charlie Hebdo ne nous faisait plus rire ces derniers temps. Comme bien d’autres ces dernières années, le journal jetait allègrement de l’huile sur le feu du racisme ordinaire, de l’islamophobie rampante et du discours pro-occidental. A sa manière – crasseuse, obscène et sexiste, mais de « gauche » – Charlie alimentait, peut-être même sans le vouloir, ces idées nauséabondes. Brandissant les grands alibis de la liberté d’expression et de la laïcité, Charlie Hebdo n’a fait que booster les divisions nécessaires aux riches pour asseoir le pouvoir.

Ce carnage nous est insupportable.
L’injonction au « Je suis Charlie » l’est tout autant.

Nous sommes contre l’obscurantisme religieux. Nous le combattons avec vigueur.

Les curetons de toutes obédiences – chrétiennes, juives ou musulmanes – n’ont toujours fait que canaliser les populations en leur promettant le Paradis en échange de leur docilité sur Terre. Quel est le dieu à chérir ? Quels sont les hérétiques à combattre ? Quel ordre moral suivre ? Quel comportement avoir ? Comment s’habiller ? Comment baiser ? Qui aimer ? Autant de fausses questions, autant d’injonctions.
Et à chaque religion son lot de fanatiques. Des djihadistes prêts à se faire sauter aux cathos intégristes de la Manif pour tous qui vont faire la chasse aux homosexuel-le-s.

Nous sommes contre les fascistes et les racistes de toutes sortes.
Nous nous battons contre eux et leurs idées. Quotidiennement.

Les fanatiques et les fascistes jouent le jeu de la tension et de la peur. Ces fachos de tous poils sont sur notre dos depuis un certain temps déjà, mais désormais les chiens sont lâchés. Antisémites comme Soral ou Dieudonné, islamophobes et anti-immigrés comme tant d’identitaires, de « France aux français », et de skinheads à la Ayoub ou Gabriac, ils laissent infuser dans les têtes leurs idées nauséabondes, jour après jour : la haine de l’étranger, la peur de l’autre, le chacun chez soi et autres conceptions mortelles. Ils n’ont pas tardé à réagir. Le Front National réclame le retour de la peine de mort. Les plus virulents de ces bas-du-front ont déjà attaqué un certain nombre de mosquées et kebabs et tabassé de jeunes arabes (Villefranche-sur-Saône, Le Mans, Port-La-Nouvelle, Poitiers, etc.). Et l’organisation Riposte Laïque (sic) appelle à une grande manifestation à Paris « contre l’islamisation de la France ».

L’islamophobie déjà bien installée va se faire encore plus virulente. Les amalgames avec les personnes issus de l’immigration vont aller bon train. Et les arabes et les musulman-e-s vont malheureusement en payer les frais plus que tous les autres.

Nous sommes contre l’État. Nous ne serons jamais flics.

Mais les flics, on les a vus, on les voit et on les verra toujours plus dans les rues et dans les têtes, munis de toujours plus d’armes (qui seront utilisées contre nous), de législations antiterroristes (qui seront utilisées contre nous), d’idéologies sécuritaires (qui seront utilisées contre nous). Ce n’est pas la liberté d’expression qui est tombée sous les balles de quelques décérébrés, c’est le processus de militarisation de la vie et de la société qui vient de connaître un nouveau grand point de bascule.

Si quelqu’un doit pleurer, au-delà des familles et des proches des personnes assassinées, ce sont celles et ceux qui feront les frais de cette pornographie de l’émotion qui s’est posée comme un voile sur toute pensée critique de la situation : celles et ceux qui continueront d’être exploité-e-s, encore plus qu’avant, et qui continueront d’être opprimé-e-s, encore plus qu’avant.
Le terrorisme a toujours été une arme de domination. C’est encore vrai aujourd’hui.
Et le Capital s’en frotte les mains.

Nous sommes pas les possédants, la bourgeoisie.
Nous sommes contre les patrons. Nous luttons contre eux chaque jour.

On nous inonde d’appels à « l’union nationale » contre l’ennemi intérieur (les immigré-e-s, les anarchistes, les musulman-e-s, les grévistes, etc., selon les besoins du moment) qui n’aboutiront, une fois de plus, qu’à diviser les pauvres entre eux. Et la guerre des pauvres contre les pauvres ne profite qu’à ceux qui s’en mettent plein les poches et à la libéralisation des conditions de travail, quand c’est une solidarité de classe – sans drapeau et sans nation – qu’il faudrait développer pour s’opposer à eux et à leur monde.

Nous sommes révolutionnaires, anticapitalistes, antifascistes.
Nous voulons d’autres rapports sociaux, sans hiérarchie ni exploitation.
Nous voulons l’émancipation individuelle et collective.
Il nous est nécessaire de nous organiser collectivement et largement.

Contre l’État, islamique ou pas…

Bolivie : Une porte ouverte de plus pour le capitalisme

weddingSur le territoire dominé par l’État de Bolivie est prévu de construire une centrale d’énergie nucléaire dans le département de La Paz. Le pantin du Pouvoir ne cache pas ses intentions progressistes, civilisatrices et développementistes et nous avons pu voir ces dernières années à quel point il a protégé les intérêts capitalistes, néo-coloniaux et bourgeois, en essayant par exemple de construire une route qui fasse partie de la IIRSA* qui passerait par le TIPNIS,** la route du Dakar ou son satellite en tant qu’icône de surveillance et de bénéfices des multinationales de la télécommunication. Selon le pouvoir, ces intérêts ont des fins « pacifiques » pour la recherche et le développement de nouvelles technologies en matière de recherche médicale et agroalimentaire. L’État bolivien est obsédé par l’installation d’un réacteur, une centrale nucléaire ne peut en aucun cas n’avoir aucun lien avec l’entreprise militaire.

Dans les pays qui ont installé ce type d’énergie depuis des années, cela a été un échec, malgré le fait que cette énergie émette moins de carbone que les résidus fossiles, car ils ne savent pas comment éviter de générer des résidus radioactifs et créer un stockage sécurisé. Leur impact commence dès l’extraction de l’uranium, puis par la fabrication des combustibles nucléaires, l’opération des centrales atomiques s’achevant par la génération de déchets hautement radioactifs.

Plusieurs facteurs nous font rejeter ce type d’énergie, en tant que stimulateurs du capitalisme, de l’expérimentation sur les animaux, des mutations génétiques sur les animaux humains et non-humains, les maladies cancéreuses, la pollution, l’emmagasinage des déchets toxiques dont le danger se prolonge sur le long-terme pour des centaines de milliers d’années, un potentiel péril radioactif qui peut devenir hors de contrôle et la fabrication d’armes de guerre. Le Pouvoir n’est pas intéressé par ces motifs, parce que son contrôle cherche à s’étendre et à se renforcer.

Rejet total de tout projet capitaliste et destructeur de la terre.
Motivons-nous pour combattre l’État/Capital.

NON A LA CENTRALE NUCLEAIRE !

depuis irakunditxs

Note de Contra Info :
* IIRSA = “Initiative d’intégration de l’infrastructure de la région sud-américaine”, un projet néolibéral ayant pour but de développer des infrastructures (routes, aéroports, voies navigables, chemin de fer, liaison à fibre optique, etc.) pour promouvoir le commerce et les échanges et les meilleures conditions pour la libre exportation
** TIPNIS = “Territoire indigène et parc national Isiboro Secure”

Chili : Premiers mots des comportements terroristes-sauvages

unciv

”Le flux est constant, stimulant les comportements sauvages.”

Si nous n’étions pas tout à fait sûrs qu’il soit judicieux d’écrire ces mots et, au-delà de ça, de nous risquer à les diffuser sur Internet pour qu’ils puissent parvenir aux yeux de ceux qui visitent ces espaces, nous avons décidé que cela était nécessaire pour expliquer notre existence, plus que nos actions, avec pour fin de pouvoir nous étendre comme nous le voudrions. Mais nous savons que vous saurez nous critiquer et c’est bien le centre des choses, la critique doit exister, pour avancer, pour transcender.

Bien que nous ne prétendions pas sortir un « communiqué » pour chaque action que nous pourrions réaliser dans le futur, parce que nous croyons que cela est une question de stratégie, c’est-à-dire ne pas « informer » de chaque coup que nous portons, pour laisser QUELQUES actes à l’anonymat, avec pour but de ne pas donner TANT de choses aux services de renseignement. Mais nous voulions effectivement publier quelques réflexions pour le futur que nous nous faisions avec le temps qui passe ; de plus, de nombreux sujets ne sont pas ici abordés, et nous considérons qu’il sera important de les mentionner plus tard.

Pour nous, diffuser cela par le biais d’Internet est une contradiction, mais nous pensons qu’il s’agit de l’unique moyen à notre portée pour qu’il soit possible de le diffuser de façon généralisée, et même comme ça, c’est une contradiction que nous assumons, étant donné les circonstances. Mais nous utiliserons cet « outil » lorsque nous le jugerons opportun et en accord avec nos perceptions et nos idées.

Nous y voilà donc…

A) Notre posture est claire : nous sommes contre le système techno-industriel, sa vie civilisée et ses valeurs, traits et concepts. Nous croyons à une vie sauvage, où la nature puisse primer dans son état le plus primitif, sans l’intervention destructrice de l’humain à travers les engins du système techno-industriel (oui, nous savons que l’humain primitif abimait la nature, mais pas à l’échelle de l’humain d’aujourd’hui). Mais nous savons que cela ne se passera pas d’une année sur l’autre, peut-être faudra-t-il que plusieurs générations passent et que certaines meurent pour que l’humain et la nature en général puisse arriver à un état primitif. Mais nous ne venons pas parler du futur, seulement d’aujourd’hui, de maintenant.

B) Et si nous souhaitons la destruction du système, nous savons que nous-mêmes n’y parviendrons pas, mais que nous contribuerons par contre à son effondrement, et c’est pour ça que nous croyons à l’attaque permanente et quotidienne contre le système.

C) Comme nous l’avons dit, nous ne prétendons pas prédire l’avenir, et encore moins le contrôler, et préférons nous concentrer sur la perspective actuelle : attaquer toute chose et personne qui représente le système techno-industriel. Mais pour attaquer le système, il est d’abord nécessaire de l’étudier, de le comprendre et, pour qu’il s’effondre effectivement, il faut attaquer ses points faibles. Cela, Kaczynski le disait déjà dans la plupart de ses écrits, avec lesquels nous tombons parfois d’accord. Cela dit, pour recadrer, nous ne sommes les disciples de rien ni de personne, nous exaltons notre posture individuelle et refusons tout concept que l’on pourrait nous coller sur le dos.

D) Et pourquoi la technologie ? Bien. Nous savons que les temps ont changé et que le système s’est complexifié à travers les siècles. Jadis, il était possible de déstabiliser la société et le système en impulsant des causes qui, bien que triviales, étaient la ferveur de l’époque (majoritairement des mouvements liés au travail salarié et aux « droits » des pauvres). Même s’il s’agit d’une exemplification rudimentaire, la population s’est à certains moments identifiée aux causes du « travail », et il existait des groupes qui impulsaient ces causes, parvenaient à faire une propagande efficace et à provoquer une tension dans la société et dans le système lui-même. Aujourd’hui, le système est différent, il s’est complexifié pour mener à bien ses propres fins. A un moment, il était lucide d’attaquer politiquement le système, quand il n’était pas aussi connecté et que ses diverses parties n’étaient pas aussi dépendantes les unes des autres. Aujourd’hui, c’est différent, et si nous nous concentrons, si notre objectif est de détruire le système, c’est-à-dire de le faire s’effondrer, notre cible directe doit être la technologie sous n’importe laquelle de ses représentations.

E) Mais même si nous ne voulions pas tomber dans le typique communiqué déjà lu tellement de fois, nous voulons être clairs : le système du prototype idéologique pro-technologique doit être détruit dans la théorie comme dans la pratique, en annulant ses valeurs structurées, sa forme de vie stéréotypée, en l’attaquant quotidiennement, en l’annihilant dans chaque aspect de nos vies. Nous conclurons par ces mots : la technologie est la base, la racine de ce système, et de là, il faut l’attaquer, poignarder constamment chacun de ses points faibles, là où elle ne peut réagir, et nous le certifions ici, nous nous lancerons dans une bataille à mort.

”A tous ceux qui veulent harceler l’ennemi jusqu’à l’épuiser, nous suggérons donc, en Italie et ailleurs […] de petites entités plus difficilement atteignables et identifiables. […] Il n’est pas dit que chacun doive nécessairement accomplir des actes violents ; que chacun accomplisse en revanche des actions qui offensent l’ennemi en fonction des attitudes, capacités et moyens des membres d’un groupe déterminé, constitué par l’affinité et la confiance réciproque. Que chaque groupe fasse et accomplisse sa part d’actions sans se demander ce que feront les autres groupes.
Tous tendus vers un but unique. Et parce que l’ennemi veille, attentif et insidieux, que chaque […] groupe d’action connaisse et contrôle ses membres”.

SEVERINO DI GIOVANNI

Nous nous retrouvons dans ces mots, au-delà de l’individu. Ce paragraphe est extrait de l’un des écrits de Di Giovanni.

F) Nous ne sommes pas pour un « mouvement » anti-technologique, mais plutôt bien pour des actions qui attaquent directement le système techno-industriel, qu’elles soient violentes ou non, mais des actions menées par des individus qui s’engagent, et qui soient capables d’en arriver jusqu’aux dernières conséquences.
Nous ne croyons ni ne nous dirigeons vers un mouvement structuré, c’est-à-dire unifié, mais avançons par les actions ; tout moyen qui fasse un apport concret à cette guerre est une force accumulée pour un coup létal au système. L’attaque frontale et sans trêve contre le système. Nous critiquons, mais ne jugeons pas. Cependant, ce faisant, nous autres nous jetons dans la conduite délictueuse.

”Chaque génération de rebelles [révolutionnaires] imite celle qui la précède”

G) Nous souhaitons être précis dans ce point, mais nous savons que, dans tous les cas, nous ne dirons rien qui n’ai déjà été dit. Mais même ainsi, comme nous l’avons dit, nous avons omis plusieurs sujets de grande importance que nous verrons plus loin. Si nous ne croyons pas en la « spécialisation » de la lutte, avec une chance fragmentaire, comme s’il y avait ceux qui se chargent des actions « pacifiques » et d’autres qui sabotent, ce que nous croyons – et nous le soulignons – est que ceux qui se décident à réaliser des actions, qu’on pourrait définir comme « délictueuses » ou « terroristes », et qui emploient comme méthode la fabrication d’explosifs, doivent dédier un temps important à l’étude de la chimie, et ceci est un appel ouvert : nous croyons que l’étude de cette matière est très largement utile et efficace, et a pour but de perfectionner chaque coup.

Et nous voilà, nous existons, et nous sommes prêts à tout. D’Arica à Punta Arenas. Nous attenterons contre tout ce qui représente le système techno-industriel, de ses institutions à ceux qui décident de le perpétuer et de collaborer avec lui. Nous sommes des délinquants incivils, nous sommes là et nous nous radicalisons suffisamment pour ne pas faire un pas en arrière. Nous attaquerons consciemment tout et tous ceux qui nous paraissent apporter au système, sans pitié. Nous ne sommes ni anarchistes, ni écologistes, nous ne nous entacherons d’aucun nom, nous laissons derrière nous cette croyance inutile de devoir nous identifier derrière un concept, nous laisserons nos actions parler.
Et bien qu’il nous plairait de nous attribuer certaines actions, nous pensons que celles-ci n’ont eu ni la répercussion – ni les dégâts – nécessaire pour les porter à fleur de peau, mais nous portons néanmoins chacune d’entre elles dans nos mains, nous apprenons d’elles, nous perfectionnant pour chaque futur coup de façon différente. Et tel que nous l’avons dit, nous ne communiquerons pas sur chacune de nos actions, pour des questions stratégiques, mais le ferons pour certaines, quand nous le jugerons pertinent. Voilà tout pour l’instant, nous retournons dans nos cavernes.

“Bienheureux vous qui ne savez ni n’espérez rien. Vous rechercherez l’auteur à présent ? Même si vous enfermiez tous les « anarchistes » du globe, celui qui l’a fait, celui qui le fait, celui qui le fera, sera le seul, écoutez bien, le seul qui ne tombera pas dans vos filets. Il passera entre vous, sa bombe invisible en main, comme un mort avec sa langue muette dans la bouche. Mais les morts parlent !”

Italie / Espagne : Réflexions sur la répression

Le tortionnaire est un fonctionnaire.
Le dictateur est un fonctionnaire.
Bureaucrates armés, qui perdent leur emploi s’ils n’accomplissent pas leur tâche avec efficacité.
Ce ne sont pas des monstres extraordinaires.
Nous ne leur ferons pas cadeau d’une telle grandeur.

Eduardo Galeano

La matinée du 9 décembre, un nouveau mandat de capture a été remis à Francesco, Graziano et Lucio, déjà accusés du sabotage de la nuit du 13 au 14 mai 2013 et en prison depuis le 11 juillet 2014, dans lequel on trouve l’accusation d’attentat à la vie humaine (art. 280), fabrication d’armes de guerre (art. 280 bis) et l’aggravant de finalité terroriste (art. 280), c’est-à-dire les mêmes accusations que celles qui étaient portées contre Claudio, Chiara, Mattia et Niccolò. Pour l’occason, ils ont subi une fouille de leurs cellules et la confiscation de matériel et de courrier. Quelques-uns d’entre eux ont vu leurs parloirs immédiatement bloqués et Lucio a été placé à l’isolement. Après la sentence contre les quatre, pour qui l’accusation de terrorisme est tombée, car le fait n’est pas retenu. Mais le terrorisme reste utilisé contre Francesco, Graziano et Lucio. Lucio reste en isolement dans la prison de Busto Arsizio, et son transfert aura lieu d’ici peu, tandis que Francesco et Graziano ont été transféré à Ferrara dans le module de Haute Sécurité AS2,* où il leur est interdit de se voir entre eux ou de voir les autres compagnons de la section, donc en isolement. Plus tard, ils ont ré-obtenu la promenade en commun.

Au même moment, en Espagne, quelques jours après l’approbation de la loi Mordaza, une opération répressive du nom de Pandore commence contre le « terrorisme anarchiste ». Des 11 personnes arrêtées, 7 sont encore actuellement détenues.

L’appareil judiciaire est un théâtre de papier, mais protégé d’une forte cuirasse qui change de forme selon ses intérêts. Ses lois, ses matraques et ses condamnations nous touchent à différents niveaux et de différentes façons.

L’une des multiples finalités de la répression est de rompre et de dépersonnaliser l’identité individuelle et collective. L’identité nous aide à soutenir les idées, la sécurité émotionnelle et donc notre capacité d’action et de réaction, nous donnant conscience des diverses situations et de notre rôle au sein de celles-ci.
C’est justement pour cela qu’il est nécessaire de partager les réactions personnelles et de les élaborer collectivement dans les groupes d’affinité, pour les transformer en force collective. Nous avons toutes et tous besoin d’affection, de lumière, d’ombres, de chaleur, de soupapes de décompression, de soin et de conflit.

Lorsqu’une personne est arrêtée, la frustration et l’impuissance qui nous envahissent ne sont pas faciles à gérer, elles nous rendent désorganisés, passifs, distants de celles et ceux qui sont dedans. Et il est d’une importance fondamentale de transformer ces sentiments en un dialogue actif avec ceux de l’intérieur. Cette guerre permanente nous fait mal, c’est un doigt dans la plaie, mais nous devons nous en servir pour créer des ponts entre celles et ceux qui sont dans la petite cage oppressante de la prison et celles et ceux qui sont dans la grande cage apparemment confortable qu’est la société. Que la rage soit le carburant de nos actions, mais que l’occasion de réfléchir le soit également en créant des espaces d’intimité, de confiance, de convivialité, pour brûler les peurs qui nous réfrènent.

Partager analyses et sentiments avec d’autres, qui ont déjà vécu des situations de répression, aide à construire et à renforcer la lutte, la solidarité, nous-mêmes.
Accepter le langage du pouvoir, sa violence physique et psychique, dans le personnel comme dans le social, altère nos valeurs et risque de les faire disparaître et de nous englober dans le système.

Il est dès lors important de partir des expériences traumatisantes qui dérivent de la répression pour élaborer des moyens de les affronter, en renforçant par exemple des processus d’appui mutuel, en reconstruisant le réseau des groupes sociaux, la mémoire, en donnant priorité au sens communautaire. Tout cela est un parcours qui n’est pas facile, mais qui n’est pas impossible.

Il est nécessaire d’affronter la répression et les effets qu’elle a sur nos vies, de manière collective, pour créer de la conscience et des outils qui puissent nous donner de la force.

Quelques compagnonnes

* Note de Contra Info : Lucio a lui aussi été transféré depuis peu à Ferrara.

La boîte de Pandore et le fourre-tout de l’antiterrorisme espagnol.

Manifestation de solidarité à Madrid le 16 décembre : “Ni innocents, ni coupables / Solidarité avec les anarchistes arrêté-e-s à Barcelone et à Madrid / Ni murs, ni grilles”
Le même jour à Barcelone : “Liberté pour les prisonnier-e-s anarchistes / S’il en touche un-e, ils nous touchent tou-te-s”

La matinée du mardi 16 décembre nous a surpris par une vague de perquisitions et d’arrestations. Elle nous a surpris ? Nous ne mentirons pas. Reprenons depuis le début. Le matin du 16 décembre ne NOUS A PAS surpris. La police autonome catalane, les Mossos d’Esquadra, la Guardia Civil et les agents judiciaires de l’Audienca Nacional* sont partis à l’assaut de plus de 10 domiciles et de quelques locaux anarchistes à Barcelone, Sabadell, Manresa et Madrid, avec leur lot de perquisitions, d’arrestations, de confiscation de matériel de propagande et informatique, en plus de profiter de l’occasion pour tout retourner et piller quelques choses aussi, en utilisant tout le corps anti-émeute de la Brigade Mobile des Mossos d’Esquadra, dans la vieille Kasa de la Muntanya, un espace occupé qui vient de fêter ses 25 ans.

Selon la presse, qui a comme toujours démontré son rôle de porte-voix policier, l’objectif de ces arrestations est de désarticuler « une organisation criminelle a finalité terroriste et de caractère anarchiste violent ». Bien qu’il soit facile de répéter une fois de plus une phrase tout faite, nous allons le faire : la seule organisation criminelle qui cherche à terroriser les gens de par son caractère violent est l’État et ses tentacules : la presse, l’appareil juridique, ses corps répressifs et ses politiciens, d’où qu’ils proviennent.

Pourquoi cette répression ne nous surprend-t-elle pas ? Parce que nous l’attendions.

Il se s’agit pas de jouer à être des oracles, rien de tout cela, seulement de savoir lire entre les lignes et, parfois de façon littérale, les évènements. Comme cela s’est déjà déroulé avec la détention d’autres compagnon-ne-s l’année passée, il y a longtemps que s’orchestrent des vagues comme celle de mardi contre les milieux libertaires et anti-autoritaires. Et si les différentes rafles n’ont jamais été aussi grandes, elles mettaient en évidence un horizon semé de situations de ce genre.

Opération « à l’italienne ».

Depuis deux décennies, le milieu anarchiste de la région voisine qu’est l’Italie vit tous les quelques temps, et de façon toujours plus régulière ces dernières années, des macro-opérations similaires à celle de mardi. Pas seulement du fait de leur aspect de rafles simultanées et de perquisitions dans différentes maisons, mais aussi à cause de l’utilisation de noms faciles à retenir et un certain humour noir, comme dans le cas de la présente opération, surnommée Pandora car dans ce cas, selon ce que la presse a répété de ses sources judiciaires, « c’était une boîte qui, du fait des nombreuses frayeurs que nous avions, il était impossible d’ouvrir ». Par « nombreuses frayeurs », ils se réfèrent à différentes actions ayant eu lieu ces dernières années sur tout le territoire de l’État espagnol. Pour revenir aux opérations italiennes, il suffit de rappeler les noms de quelques-unes de celles de ces dernières années, comme l’Opération Thor, dont le nom renvoyait à l’accusation d’une série d’attaques au marteau contre des distributeurs automatiques et autres bureaux ; l’Opération Ixodidae, qui se réfère au nom technique de la famille des tiques, la façon qu’avaient les fascistes de nommer les communistes et les anarchistes ; ou d’autres comme Ardire, Cervantes, Nottetempo, etc.

En plus de la procédure et de la nomenclature, un facteur qui nous rappelle lui aussi beaucoup le pays voisin est le rôle de la presse, laquelle nous a aussi aidé-e-s à voir ce qui était sur le point d’arriver. Depuis environ 3 ans, voire un peu plus, la presse espagnole a commencé une campagne pour préparer le terrain de manière à ce que des opérations comme celles-ci ne soient pas seulement possibles, mais aussi prévisibles. En pointant du doigt des milieux, et même parfois des espaces précis ou des personnes avec leurs nom et prénom, des collectifs, etc, elle travaille à construire une image caricaturale et un rien bizarre d’un ennemi intérieur qui, bien que cela soit habituel depuis des décennies, a pris ces dernières années les caractéristiques très spécifiques de « l’anarchiste violent », de « l’insurrectionnaliste », de « l’anti-système qui s’infiltre dans les mouvements sociaux », etc.

Le fiasco chilien

L’année 2010 a été une année glorieuse pour l’État chilien. Sebastián Piñera, de droite, entrepreneur et quatrième fortune du pays, en plus d’être élu président, s’est orchestré une opération policiaire, médiatique et judiciaire contre le milieu anti-autoritaire avec plus d’une dizaine de perquisitions et d’arrestations, connue en tant qu’Opération Salamandre, plus connue comme « Caso bombas » puisqu’elle prenait comme point de départ l’enquête sur une série d’attentats à l’explosif survenus les années précédentes, et la création à travers l’imaginaire policier d’une macro-structure hiérarchique d’un supposé réseau chargé de toutes ces détonations : un cirque qui non seulement a affaibli l’image de l’État, en plus de le tourner en ridicule, mais qui a surtout mis en évidence la grossièreté des procédures d’investigation, qui incluent falsification de preuves, chantage et pression pour obtenir des informations ou des « repentis », hasard, etc. La procès a abouti a la relaxe de toutes les personnes mises en cause, et à une soif de vengeance de la part de l’État chilien contre le milieu et les personnes mêlées à l’enquête.

Un an après la finalisation de cette farce qu’était le « Caso bombas », et à travers une autre opération, de ce côté de l’océan cette fois, les ministères, les juges et les policiers espagnols et chiliens ont travaillé de concert sur un nouveau cas. Mónica Caballero et Francisco Solar, tous deux auparavant poursuivi-e-s dans le « Caso bombas », sont arrêté-e-s à Barcelone, où ils vivaient alors, avec trois autres personnes qui ont plus tard été écartées de l’affaire, sous l’accusation d’avoir posé un engin explosif dans la Basilique du Pilar à Saragosse, la conspiration en vue de réaliser un acte similaire et l’appartenance à une supposée organisation terroriste. Ces compagnon-ne-s sont actuellement en prison préventive, en attente d’un procès dont on ignore la date, et nous ne savons pas non plus en quoi leur procès sera altéré par cette nouvelle vague répressive.

La situation est plus ou moins connue de tous et toutes, et si nous sommes bien sûr-e-s d’une chose, c’est que les récentes arrestations servent à donner corps à une affaire qui ne tient pas debout toute seule.

Un hasard ?

Quelques heures avant les arrestations de mardi, le gouvernement espagnol faisait écho dans ses médias du fait que « les ministères de l’Intérieur d’Espagne et du Chili ouvrent une nouvelle phase de collaboration renforcée dans la lutte contre le terrorisme anarchiste ». Le lundi 15 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur espagnol, Jorge Fernández Díaz, a rencontré au Chili le vice-président et ministre de l’Intérieur chilien Rodrigo Peñailillo, dans le Palais de La Moneda, siège du gouvernement à Santiago du Chili. « Dans la lutte contre le terrorisme, le Chili trouvera en l’Espagne une solide alliée », se gargarisait l’Espagnol, tandis qu’il recevait la Grande Croix de l’Ordre du Mérite chilien, « la plus grande décoration de mérite civil du pays », selon la presse, un trophée que l’État chilien octroie en ce cas pour le labeur policier et comme prix pour l’arrestation des compagnon-ne-s Mónica et Francisco l’an passé.

En plus de ces prix et de ces éloges, Fernández le commerçant a vendu un peu de sa marchandise : perfectionnement policier, judiciaire, matériel répressif varié, etc.

Et ce qui reste à venir…

Quel sera le prochain épisode répressif ? Nous l’ignorons. Jusqu’à présent, on ne sait presque rien de comment vont nos compagnons et compagnonnes, de quoi on les accuse exactement, à quelles mesures répressives ils et elles seront soumis-es, si la prison préventive les attend, etc.

Ce qui est sûr, c’est que cette opération n’est pas un fait isolé, mais plutôt qu’elle est un maillon de plus d’une chaîne. Une chaîne répressive parfois brutale et parfois subtile, dans laquelle peuvent rentrer les nouvelles lois (il n’y a qu’à penser à la récente Ley Mordaza**), l’assaut mené contre les sans-papiers par des rafles racistes toujours plus énormes, la brutalité policière, ou encore l’aspiration à gérer la misère et à administrer la répression (qui est ce que fait l’État, après tout) par une partie de la pseudo-gauche (avec Podemos*** en tête) qui se réduit de façon toujours plus évidente à une parodie d’elle-même. Expulsions locatives, matraques, fascistes, durcissements légaux et punitifs en tout genre, jeux de miroirs nationalistes et sociaux-démocrates sont ce que nous dépeint le présent. Il n’y a rien de pire à attendre : le pire n’est jamais parti.
L’éventail des possibilités de l’antiterrorisme espagnol est un fourre-tout. Il est là, bien en vue, pour nous rappeler que pour l’État, lutter signifie terrorisme. Il fonctionne comme un épouvantail. Allons-nous nous laisser effrayer ?

L’État et ses agents disent avoir ouvert la boîte de Pandore. Dans la mythologie grecque, Pandore est l’équivalent de la Ève biblique. Avec la misogynie caractéristique des deux mythologies, Pandore ouvre sa boîte comme Ève mange sa pomme, et libère tous les maux qui s’y trouvaient.

Nous sommes capables de créer notre propre narration et de nous foutre leur mythologie merdique là où ça nous chante. Notre histoire est différente. La « boîte » que cette opération répressive a ouverte nous exhorte à agir, à ne pas baisser la garde, à rester attentif-ves à leurs prochains mouvements. Elle nous fait penser et repenser quel est le monde que nous voulons et quelle est la distance entre ce monde et le leur. Elle nous porte à voir l’urgence d’agir, d’aller de l’avant.

Les compagnonnes et compagnons arrêté-e-s font partie de différents projets, espaces, collectifs, etc., et il est très important que ceux-ci ne retombent pas, que la ruine (dans tous les sens du terme) à laquelle ces situations mènent généralement ne génère pas d’impuissance et de sentiment de paralysie.
Nous disons toujours que « la meilleure solidarité, c’est de continuer la lutte ». D’accord, mais, qu’est-ce que ça veut dire dans la pratique ? On rebat aussi que « s’il touche à une personne, ils nous touchent tou-te-s ». Cela s’est laissé démontrer par les réponses et les manifestations qui ont eu lieu dans différents endroits, ainsi que par la chaleur inconditionnelle des compagnon-ne-s resté-e-s dehors.

Nous pouvons être sûr-e-s d’une chose, et c’est que les compagnonnes et compagnons détenu-e-s peuvent sentir cette chaleur qui passe outre les barreaux et l’isolement, parce que c’est cette même chaleur qu’ils et elles ont su donner lors d’autres occasions.

Barcelone, 18 décembre 2014

Notes de Contra Info :
* L’Audiencia Nacional est un tribunal suprême spécial chargé, entre autres de toutes les enquêtes antiterroristes en Espagne.
** La Loi Mordaza est la nouvelle loi sur la sécurité publique en Espagne, qui limite les ‘droits fondamentaux’, établit des quotas d’immigration, criminalise les occupations d’immeubles et dans la rue, etc. De nombreux rassemblements sont prévus ces jours-ci contre la mise en place de cette loi.
*** Podemos (Nous pouvons) est une organisation de gauche issue de la rencontre des politiquards des cendres du mouvement du 15M et de la gauche trotskyste, qui se présente aux élections et prétend représenter l’alternative aux politiques libérales.

Prisons grecques : Nikos Romanos a mis fin à sa grève de la faim

Nikos Romanos, anarchiste prisonnier en Grèce, a mené une grève de la faim du 10 novembre au 10 décembre 2014. Les appareils juridiques ont rejeté sa requête de sorties de prison à des fins d’étude. De nombreuses actions de solidarité ont été réalisées en réponse à cette décision, de formes différentes, à l’intérieur et à l’extérieur des prisons de la démocratie grecque et au niveau international.

Plus que toute autre chose, c’est l’urgence de la situation qui a déclenché les affrontements de rue et a inspiré des dynamiques de rébellion sur tout le territoire contrôlé par l’État grec. Les compagnon-ne-s solidaires étaient disposé-e-s à échanger leurs idées et leurs désirs au cours de ce dernier mois, et de nombreuses actions ont pu voir le jour du fait de la grève de la faim de ce prisonnier : assemblées quotidiennes, banderoles, actions directes, telles que de nombreuses attaques incendiaires et à base d’explosifs artisanaux (contre des distributeurs de billets, surtout), attaques commando contre la police, émeutes et affrontements à grande échelle contre les forces de l’ordre, blocage de bâtiments, actes de sabotages (avec de la peinture ou de la colle, etc.), attaques physiques contre des représentants du Pouvoir, manifestations spontanées lors d’apparitions publiques de politiciens, occupations symboliques de stations de radio et de télévision, une vague d’occupations de bâtiments de l’État ou d’entreprises privées, rassemblements de contre-information et manifestations énormes.

Il est possible que la créativité et la conflictivité des nombreuses et diverses individualités et groupes ne soient pas assez fortes et décidées pour maintenir une intensité semblable dans la lutte de façon quotidienne, mais il existe toujours la possibilité que de nouveaux projets surgissent des récentes rencontres dans les immeubles occupés, des actions de rue, etc. Cependant, si les soutiens de Nikos Romanos, et les anarchistes en particulier, souhaitent réfléchir à propos des détails de ce qu’il s’est passé lors des deux derniers jours de la grève, alors peut-être qu’ils et elles seront prêt-e-s à pratiquer cette solidarité, tellement nécessaire avec les prisonnier-e-s, contre l’ouverture des prisons de haute sécurité de Domokos, ainsi que contre le durcissement des conditions d’enfermement en général. Vu que sa requête initiale a été rejetée de façon répétée et vindicative, ils ont fait du chantage à notre compagnon pour qu’il accepte le bracelet électronique comme option pour obtenir, à un moment, les sorties d’étude, comme « dernier recours » qui devenait toujours plus contraint à mesure que sa santé se dégradait. De fait, celui-ci a accepté de mettre un terme à sa grève de la faim seulement après que le parlement grec ait voté de façon quasi unanime (exceptés deux parlementaires du principal parti du gouvernement, selon le registre officiel, et alors que les parlementaires nazis étaient présent au moment du vote) en faveur de l’amendement proposé par le ministère de la justice. Cet amendement se réfère aux prisonnier-e-s convaincu-e-s (condamné-e-s par un tribunal) et mis-es en cause (en attente de jugement) ayant le droit d’étudier dans un établissement d’éducation supérieur de la même région que l’institution carcérale dans laquelle ils ou elles sont enfermé-e-s, mais à qui il a été refusé les sorties d’étude pour pouvoir assister aux cours de façon régulière.

Il y est dit que ces prisonnier-e-s doivent assister de façon satisfaisante à au moins un tiers des cours et des sessions de laboratoire d’un semestre d’une année académique en suivant des cours par correspondance, et c’est seulement alors qu’on leur permettra d’accéder aux sorties d’étude, avec utilisation de bracelet électronique pour assister physiquement aux classes. Le ministre de la justice a inscrit la clause du bracelet électronique au dernier moment, en s’assurant d’ajouter que le conseil administratif (carcéral) pourrait toujours refuser ces demandes de sortie d’un-e détenu-e s’il présente une « justification spéciale » (nous supposons que cela s’applique aussi si le ou la prisonnier-e a effectivement suivi les cours à distances nécessaires depuis l’intérieur de la prison, et même s’il ou elle a accepté de porter le bracelet électronique à l’extérieur). Cet amendement législatif s’applique pour tou-te-s les prisonnier-e-s condamné-e-s et, en attente de jugement, à celles et ceux privé-e-s de sorties d’étude (il ne s’agit donc pas seulement du cas de Nikos Romanos). Cette fois, presque tous les partis politiques tiraient un bénéfice électoral en faisant la promotion de plus de mesures répressives contre les prisonnier-e-s, en plus de ne pas perdre l’occasion de démontrer leur profil démocratique et humanitaire.

Nikos a mis fin à sa grève de la faim après 31 jours, mais il continue d’asphyxier pour quelques bouchées de liberté. Au vu du résultat, et sachant que sa revendication n’a toujours pas été satisfaite, nous exigeons ce qui devrait lui être concédé immédiatement : des sorties d’étude hors de prison. Au lieu de ce sentiment de « victoire » qui s’est répandu, il nous semble que rien n’a été gagné, mise à part la valeur de vie du compagnon et la prise de conscience que nous devrions répondre à tous les chantages des larbins de l’État non pas dans un futur distant mais dès maintenant, en intensifiant toutes les formes de lutte contre la société carcérale. Nous nous positionnons fermement aux côtés des prisonnier-e-s en lutte et contre l’application de l’usage des téléconférences et des bracelets électroniques, qui ne sont que des moyens de plus d’isoler les prisonnier-e-s de l’État/Capital. Maintenant plus que jamais, la solidarité avec les prisonnier-e-s doit passer à l’offensive par tous les moyens nécessaires.

en espagnol, en anglais

Etats-Unis : Neuf points sur pourquoi il est nécessaire de tout bloquer

Les flics flinguent des gamins et le spectacle continue.
Le marché immobilier s’effondre et le spectacle continue.
Les écosystèmes sont détruits et le spectacle continue.
Les marchés déterminent le prix de nos vies
Et soumettent l’enseignement à leurs besoins.
Bloquons ce mécanisme.
Bloquons tout.
Commençons par le début.

NEUF POINTS SUR POURQUOI IL EST NECESSAIRE DE TOUT BLOQUER

1. Dans une ville dans laquelle la vie est basée sur le commerce et sur l’échange de biens, bloquer tous les circuits commerciaux revient à interrompre la normalité. Vous pouvez dire : “Ça va être gênant.”

Nous répondons que nous ressentons beaucoup plus d’inconfort lorsque l’on prétend qu’il est tout à fait normal que des flics assassinent des adolescents noirs et que les banques et les multinationales décident de notre futur. Quand l’insécurité à propos de la vie se transforme en peur. Quand les dernières limites de la dévastation sociale et environnementale sont sur le point d’être atteintes.

2. Une manifestation spontanée de 200 personnes chaque jour génère plus de problèmes qu’un gros événement organisé de 20.000 personnes une fois par lustre. C’est tout la différence entre l’efficacité et la participation vide.

3. La multiplicité des formes de lutte et des moments de conflit depuis le bas nous rend moins contrôlables. De cette façon, il n’est pas possible de nous faire rentrer dans les voies prévues ou de nous taxer de soutenir partis politiques ou syndicats. Au contraire, nous devenons plus agiles et moins prévisibles. Nous acquérons une richesse de pensée et d’action.

4. Nous vivons dans une société frénétique où la logique de l’économie détermine le rythme de la vie. Production-profit-rapidité dans le parcours scolaire, au travail, au supermarché. Les êtres humains sont des débris abandonnés aux flux des échanges commerciaux, des corps isolés dans des réseaux virtuels, incapables de comprendre où nous allons. Réjouis par les confortables ondes du spectacle, occupés par le fait de courir derrière de faux besoins et le mirage d’une promotion de carrière, nous sommes désormais incapables de saisir la possibilité d’un changement réel. Il est donc urgent que nous nous arrêtions. Nous devons arrêter ce spectacle qui nous écrase.

5. Bloquons tout (des écoles aux rues) pour pouvoir enfin respirer et mettre fin à cette course au profit et à la mort, pour voir les choses depuis une perspective différente, une perspective de surprise et de plaisir en faisant l’expérience partagée d’une liberté inattendue. Créons l’auto-organisation et étendons le conflit pour pouvoir récupérer notre force et nos esprits avant de commencer à inverser la course.

6. Un blocage inattendu et joyeux est un instrument de provocation. C’est un instrument de sabotage des mécanismes d’une machinerie sociale qui nous veut indifférent-e-s au monde qui nous entoure et insensibles à nos passions.

7. Sortir dans la rue veut aussi dire se réapproprier tous les espaces urbains qu’ils nous refusent, se déplacer à travers la ville et rencontrer d’autres réalités sans créer de nouveaux dogmes.

8. Si l’économie bloque la libre circulation des personnes et de la connaissance, nous voulons bloquer l’économie par la libre et naturelle circulation des personnes et par la connaissance. C’est-à-dire : si leur économie a pour objectif de piller et de détruire nos vies, notre objectif est de détruire leur économie et de reprendre ce qui nous appartient.

9. Le blocage n’est qu’un moyen parmi d’autres. Il n’y a pas de voie toute tracée vers la victoire ; Au contraire, de nombreux chemins sont a explorer. Nous laissons les tuyaux d’écoulement à ceux qui afflueront bientôt dans des luttes compatibles avec le Pouvoir. Nous laissons les égoûts à ceux qui surferont sur le vague de la protestation avec pour seul but de rajouter de l’eau à leur moulin politique.

Nous préférons le grand large.

Répandons les blocages et les occupations, pour Mike Brown, et pour chacun-e d’entre nous.

Mexique : Troisième message de la Coordination des Ombres

Guerrero-incendian

Plus de 43 raisons pour se masquer le visage et lutter
Déchaînons la rage, enfilons nos cagoules, que meure l’obéissance !

Troisième message de la Coordination des Ombres.

« L’union dans l’obéissance et le respect des bourreaux a mené les hommes vers l’oppression et la misère ; l’union dans la désobéissance et dans l’action irrespectueuse donnera aux esclaves le pain et la Liberté ».

« La Justice ne s’achète ni ne se mendie. Si elle n’existe pas, elle doit se faire »

Práxedis Gilberto Guerrero. Anarchiste Mexicain du début du vingtième siècle.

Les cœurs agités explosent dans les corps, les silhouettes sous pression avancent pour emboutir les symboles de la disgrâce, et les mains inquiètes cherchent l’arsenal historique des opprimés de toujours que sont les pierres et les bombes artisanales. Les gorges se délient, les cris de rage vandalisent le silence, la paix indigne de la résignation est sabotée, les regards des visages masqués voient au-delà des mensonges et des vérités acceptés dans le monde des esclaves. Pour eux, il n’y a rien à déchiffrer, il s’agit d’une guerre qui nait de l’amour de l’humanité et de la haine envers ceux qui la massacrent. Nous ne parlons pas de fiction. Dehors, tout brûle de nouveau au rythme des enthousiastes qui se sont faits insurgés ce soir. Brûle le monde de l’économie et de la substitution, tombe en fragments de verre le sale spectacle de la normalité des prisons quotidiennes ; les transports et les gardiens de l’ordre, les palais, les bureaux et les maisons de ceux qui s’assument en tant que dirigeants sont dépouillés du respect qui avait mûri dans la population tout au long de siècles de terreur et d’éducation basée sur l’ignorance et sur l’obéissance. Et dans la mort du respect réside la plus grande victoire de ceux qui osions croire qu’il existait un autre monde. Avec la souffrance des blessures, avec le souvenir toujours ardent de nos morts, de nos disparus et de nos prisonniers, voilà notre triomphe, l’honneur des opprimés de toujours. Nous continuerons de le défendre armés de feu, de pierres et de tout ce qui sera nécessaire.

L’indignation se généralise, tous réclament la justice, et ce mot nous désarme. Exiger la justice ? Et les oppresseurs se rient de nous depuis la confort de leur fauteuils et de leurs grandes maisons. Nous continuons de demander pitié aux bourreaux, de demander pardon à ceux qui nous offensent et de demander du soulagement pour éteindre notre rage à ceux qui ne devraient faire que la sentir. C’était l’État, réaffirmons cela et, au nom du bon sens, nous appelons à ne plus rien demander à celui-ci, nous appelons à revenir à l’histoire et à se souvenir comment aucun État ne représente les véritables intérêts communs, et comment la justice ne grandira que de notre haine dirigée contre qui la mérite.

Les sales organisations de « gauche » et leur presse « progressiste » remplissent de façon exemplaire leur fonction de conteneurs. Elles ne parviennent à articuler aucune action qui transforme le mécontentement en lutte, au contraire, elle s’échinent à utiliser leurs formules arriérées et inutilisables, parlent de nouveau d’assemblées constituantes, de grands congrès, qui mis à part leur nom sont tombés en miettes depuis des décades, elles se battent entre elles pour des plans d’action saturés de complaisance envers la normativité des assassins. Et lorsqu’un groupe de rebelles organisés ou spontanés décide de rompre la légalité des criminels, elles n’hésitent pas à mettre en marche leur absurde prédication scandalisée complice de ceux qui ont EFFECTIVEMENT les mains tâchées de (notre) sang.

Nous l’avions dit dans notre premier communiqué, nous ne nions pas ce dont ils nous accusent : nous sommes anarchistes et provocateurs. Mais nous ne correspondons à aucune force du pouvoir, et nous comprenons que dans une société habituée au clientélisme et à la servitude, des gens au double menton et au regard vitreux et craintif nous accusent : « Quelqu’un les paye ! », « Qui est derrière vous ? », « C’est sûr qu’ils sont envoyés par… ». Il ne leur vient pas à l’esprit que nous n’agissons pas tous comme eux, que nous ne cachons pas ce que nous pensons et sentons, même si cela ne correspond pas aux « uniques intérêts » du citoyen moderne : « le succès personnel » et ce genre de merdes.

Que l’État détruise les mobilisations avec des faucons ? L’État peut faire disparaître 43 étudiants sous les yeux de tous, il peut les tuer, et ensuite ? Nous allons nous victimiser ? Nous allons de nouveau leur demander pourquoi, pourquoi ils nous assassinent ? L’État n’a pas besoin de nous criminaliser, l’État nous tue, parce que l’État est une organisation criminelle (il n’y a pas que la pègre et les cartels qui soient des délinquants). Lorsque nous descendons dans la rue, nous disons aussi Viens ! Nous ne voulons pas qu’ils te frappent, donc viens frapper avec nous ! Ni le métro bus, ni les baraques en flammes, ni les congrès, ni le palais national n’ont été brûlés par des infiltrés, et parfois même pas par des activistes ou par un groupe ou une coordination. C’est le peuple qui rompt les illusions, la fausseté de la conciliation et de la normalité. La guerre est déjà ici, et c’est ce que dit le feu ! Elle il n’y a qu’à l’intérieur de celle-ci qu’il est possible de prendre position.

Notre appel est donc d’en finir avec la routine et d’interrompre l’économie, de nous reconnaître comme humanité à partir de la rébellion violente, un espace en-dehors et contre le monde commercial. Un appel au courage et à affronter la crise vers laquelle nous mènera la lutte, à nous organiser depuis celle-ci, en assemblées et en communes, en collectifs, blocs ou noyaux, sur notre lieu de travail, dans les écoles, dans les rues et dans les quartiers, avec nos amis ou avec d’autres personnes qui partagent nos inquiétudes. A être préparés au combat de rue, à nous assumer en tant que partie du peuple et à comprendre que nos intérêts communs sont le seul objectif de la rébellion, et que cela ne nous sera pas donné par les assemblées constituantes, les congrès, les présidents ou les caudillos. Par aucun État ! Seulement par la force qui naîtra du soulèvement social, de notre auto-organisation et de notre capacité à la défendre des opportunistes, des représentants du monde que nous combattons. A faire en sorte que la flamme de la révolte ne s’éteigne pas, a rendre les attaques quotidiennes, par le feu, par les mots, par la propagande, les occupations et les sabotages.

Autodéfense et offensive contre les oppresseurs !

Vengeance pour nos morts, nos disparus et nos prisonniers !

Feu au Buen Fin*, aux Jeux Centre-américains  et à tous les refuges des rats au pouvoir !

Parce qu’il est temps de parler de révolution !

Que viennent une et mille révoltes, violentes et incontrôlables !

Depuis les rues du territoire administré par l’État mexicain raté,
Mi-novembre 2014,

Coordination des Ombres

* Le Buen Fin est un évènement commercial organisé au Mexique chaque année lors d’un week-end de novembre. (Note de Contra Info)

Trentin, Italie : Impressions de novembre

Au rassemblement de trois jours et trois nuits né à Marco di Rovereto pour bloquer les carottages liés au projet du TAV participe également un groupe de jeunes du coin. L’un d’entre eux, au cours d’une partie de cartes, dit : « Ce rassemblement sauve en partie le climat de merde qui s’était créé ici à Marco contre les réfugiés ». En juillet, à partir du prétexte d’une tentative de viol, presque tous les politiciens, du maire du Partito Democratico à la Ligue du Nord, de la circonscription aux fascistes,  s’étaient exprimés pour la clôture du camp de réfugiés. Les discussions qu’on entendait un peu partout, sur les places et dans les bars, avaient l’odeur impossible à confondre du lynchage. S’il avait existé une présence fasciste organisée à Marco, il n’est pas exclu que nous aurions pu assister à une sorte de “chasse au nègre” réalisée avec la participation ou avec le consentement d’une partie de la population.

En octobre, dans toute l’Italie, et aussi dans le Trentin, les clérico-fascistes de Sentinelle in piedi  [Sentinelles debout] étaient durement contestés. La “loi contre l’homophobie” présentée par le centre-gauche est gelée après une interview de Bressan au journal “Vita Trentina”, dans laquelle l’archevêque de Trente compare l’homosexualité à la pédophilie.

Même à Trente la démocrate, les rafles contre les immigrés privés de papiers se déroulent. L’opération s’appelle “Mos maiorum”, c’est-à-dire “les mœurs des ancêtres”. La police aime bien le latin. Il y a deux ans, la DIGOS [police politique] avait nommé “Ixodidae” (“tiques”)* une opération contre 43 anarchistes pour “association subversive à finalité terroriste”, qui s’était conclue par l’absolution des mis en cause. Mais les “mœurs” restent. Le 5 novembre, à Trente, au terme d’un débat sur les groupes fascistes qui s’était tenu dans la faculté de sociologie, trois patrouilles de police (de celles qui tournent en ville pour les contrôles « anti-dégradations » voulus par le démocrate Andreatta) tentent d’interpeller et de fouiller une quarantaine de compagnons, qui s’en vont en cortège pour éviter l’encerclement. Dans l’effervescence du moment, l’un des flics en perd son latin et hurle « Arrêtez-vous, les tiques ! ».

Tandis qu’en Italie la société est divisée entre les journées institutionnelles contre les violences contre les femmes et une violence sexiste qui marque tragiquement la vie quotidienne de milliers de femmes, les femmes kurdes de Kobane défendent les armes à la main leur propre parcours d’émancipation des assauts assassins des mercenaires de l’État Islamique. La morale démocrate défend les femmes en tant que “victimes”. Lorsque les femmes prennent les armes pour se défendre elles-mêmes, la morale démocrate s’en remet à la police (globale).

Selon Renzi, il est criminel d’affirmer que les intérêts des travailleurs et ceux des propriétaires sont différents. C’est le vieux rêve du Capital, et c’est aussi le sien. Mussolini l’appelait corporatisme. Mais aucune politique au monde n’a jamais pu réussir à effacer complètement la réalité de la lutte de classe. Les matraquages des ouvriers de Terni, tout comme les œufs et les émeutes qui accueillent le président du Conseil un peu partout sont, peut-être, les signaux d’un retour à la réalité après des années du mensonge organisé qu’est la paix entre les classes.

Et c’est justement ce retour à la réalité que démocrates et fascistes veulent conjurer, en remettant sans arrêt au goût du jour les “urgences sociales” par lesquelles faire dévier les exploités. Des lames fascistes à la matraque de la police, la politique parle la langue de l’ordre. Même le fleuve Adige, qui risque de déborder de ses rives cimentées à terme, se retrouve désigné comme étant “surveillé spécial par les patrouilles de la Commune et de la Province”par un journaliste.

Du 14 novembre au 17 décembre, le mouvement No TAV de Val Susa invite à la mobilisation diffuse sur les territoires, en solidarité avec les quatre compagnons accusés de terrorisme pour un sabotage du chantier de la Haute Vitesse à Chiomonte.

Tandis que plus de 700 personnes ont participé à la campagne d’achat collectif d’un terrain pour résister au TAV dans le Trentin, et tandis que l’on se lève tous les jours à l’aube pour se retrouver sur les zones des prochains carottages, faisons en sorte que la solidarité envers les compagnons en prison ne nous reste pas en poche.

Il a raison, ce jeune de Marco. Seules les luttes sauvent nos vies du climat réactionnaire qui nous assaillit de la droite comme de la gauche.
Assez de lamentations ou de pleurnicheries. Organisons la contre-offensive.
Contre les fascistes, bien sûr, mais aussi contre le monde qui les arme et qui les protège.

Quelques anarchistes
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*zecche” (“tiques”), est le sobriquet que les fascistes donnaient aux communistes, anarchistes et autres “rouges” sous le régime mussolinien. (Note de Contra Info)

Mexique : Mode ou rébellion ? Rébellion ou mode ?

L’arme la plus importante du révolutionnaire, c’est sa détermination, sa conscience, sa décision de passer à l’acte, sa propre individualité. Les armes concrètes sont des instruments, et, en tant que tels, ils doivent constamment être soumis à une évaluation critique. Il faut développer une critique des armes. Nous avons vu une trop grande sacralisation de la mitraillette, une trop grande sacralisation de l’efficacité militaire. La lutte armée n’est pas un geste qui concerne uniquement les armes. Elles ne peuvent représenter, par elles-mêmes, la dimension révolutionnaire.
Alfredo Bonanno, La Joie armée [1977]

Les défenseurs de l’ordre existant et de la paix sociale ne cessent de s’employer à défaire les expressions de révolte anarchique de notre cru, même par les temps qui courent, alors que la conflictualité sociale est sur le point de déborder du fleuve. Les discours faciles, les bourreaux de l’insurrection arrivent de toutes part. Les manques de perspective et l’absence d’une vraie critique n’ont d’autre issue que la réduction de ce qu’ils ne peuvent contrôler à une simple mode. Il est vrai que parfois, certaines expressions de la révolte peuvent se reproduire elles-mêmes sans aucune perspective, seulement par simple mimétisme ou promues par l’extrême difficulté que représente le fait de devoir survivre à ce spectacle mercantile qu’ils appellent la vie ; même comme ça, ces expressions restent positives sous certains aspects. Elles ne représentent pas la révolution qu’eux envisageaient dans leurs schémas rigides, mais des moments de rupture qui peuvent dériver en une insurrection consciente d’elle-même, et qui prennent forme au sein même du processus d’insurrection.

Il manque aux pacificateurs les mots pouvant expliquer les pourquoi ils sont rejetés. Au contraire, ils débordent de logorrhées. Ce qui n’appartient pas à leurs rangs, ils ne le nomment plus provocation, mais plutôt mode. Ce qui dépasse leurs discours conformistes, pacificateurs et confortables est une simple mode. Ce qui n’a pas l’air de Fédération, de plate-forme ou d’alliance est une simple mode. Ce qui critique même jusqu’à l’organisation armée traditionnelle et propose, au lieu de ça, de sortir pour exprimer dans les rues une rage impossible à contenir de mille et une façons, est une simple mode, ou n’a aucune perspective, ou alors « ne fonctionnera pas », puisqu’il semble que tout doive être soumis à la compétitivité militaire. Celles et ceux qui ne se limitent pas à « attaquer de nuit à la lumière de la Lune » et cherchent au lieu de ça à avoir une incidence depuis leur individualité et en pleine lumière dans l’ample éventail de la conflictualité sociale émergente, sont une simple mode. Celles et ceux qui voient dans l’anarchie non un militantisme rigide ou une idéologie politique, mais voient au contraire en elle la joie de vivre, ne sont qu’une simple mode, parce que leur anarchie semble trop infantile aux yeux de la professionnalisation intellectuelle de certains.

Les pacificateurs de la conflictualité sociale et individuelle, fidèles amis de l’ordre étatique, n’ont plus aucune créativité lorsqu’ils discutent des perspectives des finalités de la lutte anarchique, ni les méthodes, ni les moyens desquels les révolutionnaires se servent afin de rendre leurs désirs possibles ; au lieu de ça, ils réduisent tout embryon de rébellion – tout discutable qu’il puisse être – à une mode. Si la jeunesse et la vieillesse conscientes d’elles-mêmes sentent que le moment est venu et que tous se lancent dans la bataille, pour eux, pour les faux critiques de l’existant, la raison est que la révolte collective ou individuelle est devenue une mode. Celles et ceux qui couvrent leur visage pour protéger un minimum leur identité à la possible répression de l’État, mais aussi pour éviter de « personnifier » la révolte, sont donc à la mode. Pour eux, même être prisonnier « politique » est devenu à la mode, plutôt que d’être une conséquence presque inévitable de la lutte contre le pouvoir. Le besoin d’attaque, d’étendre la conflictualité sociale à un plan beaucoup plus large, de contribuer à un sursaut insurrectionnel est une simple mode pour eux. Admettons que cela puisse être une mode, si leur rigidité le désire, mais une mode qui a dépassé, dans la pratique et dans la théorie, les limites de la « théorie traditionnelle anarchique ».

Au final, que recherchent-ils ? Quelle est donc la révolution sociale qu’ils rebattent tant ?

L’insurrection n’est pas parfaite, c’est un processus douloureux et violent. L’insurrection n’est pas un chemin pavé de roses, tout comme elle n’est pas non plus une expression militaire, mais sociale. Les moments insurrectionnels – grands ou petits, individuels ou collectifs, qui ont été de nombreuses fois précurseurs aux grandes révolutions – peuvent survenir à travers une série de modestes et constantes interventions, et d’un travail permanent des révolutionnaires sur leur terrain, qui en fusion avec différents « moments clés », peut faire déborder la rage, et c’est ce que nous appelons la méthode insurrectionnelle ; ou alors, l’insurrection peut nous prendre par surprise, mais dans tous les cas, elle ne sera jamais « préparée à priori », elle sera simplement présente et ne nous garantit rien de sûr. Même ainsi, il est pour nous préférable d’agir que de seulement parler. Il n’y a que pour ceux qui trouvent dans leurs théories une rigidité et une « perfection » de la méthode révolutionnaire que les divers coups insurrectionnels et les expressions de révolte individuelle ou collective qui sortent de leurs canons peuvent être réduits à une mode juvénile, en plus d’être, selon eux, dépourvue de sens et de perspective.

Par les temps qui courent, la conflictualité sociale est brûlante et ne peut être soumise aux limitations et aux contradictions qui sont au fond inséparables de toute organisation armée ou de guérilla, même si celle-ci se dit « noire ». Mais pas non plus à celles d’une organisation de synthèse anarchiste qui cherche simplement à gagner des adeptes et à faire suffoquer tout début d’insurrection. Une grande mèche est reliée à la poudrière, et personne ne peut la canaliser. L’insurrection n’a pas de sigles ni de représentations spectaculaires, qui en viennent à faire partie du marché des organisations armées, du contre-pouvoir, qu’elles se nomment ERPI, EPR ou TDR-EP ou des milliers d’autres. Pour les anarchistes, l’insurrection collective est anonyme parce qu’en elle participent des individus, pas des masses, tout comme ne participent pas non plus aucune espèce d’organisations représentatives qui cherchent à représenter la rage des exploités, des exclus et des auto-exclus et à les ramener dans leurs filets pour pouvoir perdurer dans l’histoire. Tomber là-dedans signifie simplement dégénérer en politique de la représentation et du succès, qui sont les produits de la compétitivité du système.

La guerre sociale est en cours, est c’est en son sein que nous trouvons nos affinités, les êtres désenchantés du supposé bien-être social. Qui au-delà de simple indignés sont des êtres rageurs, qui n’en peuvent plus de voir passer la vie devant leurs yeux sans une minimale intervention de leur part.

Il est de ce fait important, pour les pacificateurs de l’insurrection, d’injecter à temps l’antidote à la rage, avant que le virus ne se propage et que celui-ci ne devienne épidémie et pandémie.

Comme les nouveaux Tigres de Sutullena qu’ils sont, mais hors contexte, ils cherchent à assassiner de façon littéraire et métaphorique un certain type d’insurrectionnalisme qu’ils croient connaître à la perfection. Sans un argument concret basé sur notre propre réalité et expérience, ils invoquent les vieux tigres espagnols pour expliquer à leurs « sujets fédérés » les maux de la lutte anarchique locale qui ne se soumet pas à leurs limitations. Les dires fallacieux sont leur meilleure arme, et une mode anti « mode » est tout simplement ce qui est en train de devenir à la mode.

La guerre sociale est présente, elle émerge des entrailles du désenchantement et du mécontentement social. Elle émerge aussi de la rage déchaînée d’individus désireux de liberté. Les fameuses conditions sont sur la table. Alors qu’attendons-nous ? Allons au combat, mais les yeux bien ouverts. Déchaînons nos désirs, notre destruction créatrice. Contribuons depuis notre individualité à ce que se propage le conflit, à ce que se dépassent les limitations des pacificateurs, leur mode anti-mode et tout discours modéré provenant de qui, au fond, n’est intéressé que par le maintien de l’ordre. Mais qui dépasse aussi toute revendication. La révolution est ici et maintenant.

De là, cette chose qu’est la rébellion, et qui pour eux n’est rien d’autre qu’une mode, peut être pour nous autres le début d’une expérience absolue de liberté, et nous ne nous contenteront pas de moins.

Quelques compagnons et compagnonnes anarchistes de la région Mexicaine
Novembre 2014

A propos de la guerre en Ukraine

Ce texte a été écrit en tant que réponse aux questions de nos amis de l’étranger à propos de la situation en Ukraine de l’Est et de l’attitude des anarchistes Russes à ce propos. Nous espérons qu’il sera utile a celles et ceux qui sont intéressé-e-s par ces problèmes.

La situation est complexe et controversée, et vous devez comprendre que le texte ci-dessous ne reflète pas (et ne peut le faire) l’opinion de tou-te-s les antifascistes et anticapitalistes Russes. Il émane de discussions au sein de notre groupe, mais même à cette échelle nous avons plusieurs points de vue contradictoires.

Avant tout, notre organisation (« Action Autonome ») adhère en grande partie aux positions contre la guerre des mouvements d’extrême-gauche. Nous ne soutenons pas le gouvernement ukrainien (aucun gouvernement, à vrai dire), et il y a indubitablement d’importantes tendances nationalistes dans l’Ukraine d’aujourd’hui. Cependant, nous soutenons encore moins le gouvernement russe et la soi-disant « République de Novorossiya ». Il semble que les fascistes se battent entre eux des deux côtés de la guerre, derrière laquelle on trouve les capitalistes. De plus, pour Poutine, cette guerre est un opportunité qui lui permet de distraire le peuple Russe de la crise financière et de la récession du système économique du pays, tandis que pour Poroshenko, la guerre est utile pour canaliser la soif de changement des gens en folie patriotique, plutôt que d’essayer de continuer ce qu’ils avaient commencé à Maydan et d’établir une réelle auto-gouvernance.

En ce qui concerne l’attitude des gens de Donbass, nous pouvons dire que la plupart d’entre eux ne font que demander « arrêtez de nous bombarder, tous les deux ». Les leaders des paramilitaires pro-Russes ont plusieurs fois dit en public que « les gens de Donbass ne veulent pas se battre, et c’est pourquoi la Russie doit envahir immédiatement ». En fait, les populations politiquement passives sont caractéristiques dans de nombreux ex-territoires soviétiques. Cependant, on sait aussi que les sondages d’opinion de l’été 2014 montraient que seulement 20% des habitants de Donbass soutenaient l’idée de se séparer de l’Ukraine pour se rattacher à la Russie. Bien sûr, il est aujourd’hui très difficile de pouvoir réaliser des sondages d’opinion dans les zones en guerre. D’autant plus que des dizaines de milliers de personnes ont fui Donbass, vers la Russie comme vers l’Ukraine de l’ouest.

Nous ne sommes pas d’accord avec le point de vue selon lequel la guerre de Donbass serait une sorte de « résistance contre les fascistes Ukrainiens ». Comme nous l’avons déjà exprimé plus haut, il existe des tendances nationalistes dans l’Ukraine contemporaine, mais à peine plus que dans tous les autres anciens pays de l’URSS. En Russie, la propagande patriotique, impérialiste et clairement fasciste s’entend au moins autant qu’en Ukraine, sinon plus. Et la « République populaire » de Donbass reproduit ça. Sur la base de ce que nous avons vu jusqu’ici, aucun signe ne montre qu’il pourrait y avoir un quelconque changement qui pourrait être considéré « gauchiste », ni même « social-démocrate ». A l’inverse, ils continuent de promulguer des « lois » interdisant les relations homosexuelles ou établissant le « rôle dominant » de l’Église Orthodoxe dans la région. La rhétorique de leurs dirigeants est exactement ce que vous appelez le « rouge-brun » : un mélange paradoxal de conservatisme d’extrême-droite et d’impérialisme à la Soviétique. Nous savons qu’il y a des cas d’épurations ethniques sous leur pouvoir : c’est arrivé au moins aux Juifs et aux Rroms. Il n’est donc pas du tout surprenant que les fascistes européens viennent les rejoindre.

Ensuite, nous pensons qu’ici, la « lutte antifasciste » est un simple label, qui n’a strictement rien à voir avec la réalité. Et la réalité est que ces « Républiques » sont une tentative des impérialistes Russes de ramener les groupes nationalistes pro-Russes dans la région et de les fournir en armes, en équipement, et plus tard en forces armées pour y créer des enclaves. L’objectif final est, peut-être, d’utiliser la situation comme un outil pour empêcher l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et, comme il a déjà été dit, de distraire l’attention de la population Russe à l’encontre d’un ennemi extérieur. Il est d’ailleurs assez ironique que les lois Russes proclament dans le même temps que tout appel au séparatisme est un crime grave, passible de plusieurs années de prison si vous demandez un référendum comme celui qui s’est tenu en Crimée en mars 2014.

Il est difficile de parler de résistance anticapitaliste ou de gauche à Donbass en ce moment. La région est entre les mains de dizaines, ou de centaines, de groupes paramilitaires, qui ne sont que très peu réunis derrière des « ministres » et des « gouverneurs » autoproclamés. Il est très possible que certains dirigeants locaux puissent adhérer à des positions d’extrême-gauche. Il n’y a cependant pas de signe visible d’eux, pas de positionnements politiques clairs. De plus, il est évident que la région est sous forte influence Russe (il suffit de dire qu’une grande partie des chefs militaires sont des citoyens Russes), et que Poutine n’est pas très intéressé par une réelle résistance anticapitaliste dans le coin. Nationalistes, monarchistes et orthodoxes zélés lui conviennent bien mieux.

Nous voyons que la propagande de Poutine fonctionne très bien sur les gens des pays Occidentaux, parce qu’ils sont fatigués et en ont marre de leurs propres dirigeants, et que Poutine a l’air d’être un « hooligan » qui menace ces dirigeants et les effraie. Cette propagande a déjà attiré des combattants internationaux vers la république de Donbass. Cependant, nous, qui vivons sous le régime de Poutine, voudrions vous avertir contre l’idée de le considérer comme une sorte de Che Guevara. Il ne l’est pas. L’élite Russe contemporaine est plutôt une bande de riche capitalistes, réunis essentiellement autour de personnes qui sont ou bien de vieux amis de Poutine, ou liés d’une façon ou d’une autre aux services secrets russes (FSB, Service Fédéral de Sécurité). Il serait absurde de penser qu’ils ont quoi que ce soit de progressiste. Ils veulent tout simplement rester au pouvoir aussi longtemps que possible, parce que s’ils le perdaient, ils seraient immédiatement conduits en jugement (la corruption des autorités est énorme ici), et ils le comprennent très bien. Voilà tout.

Une fois cela dit, il est important de dire que les antifascistes Russes (y compris ceux considérés d’extrême-gauche ou anti-autoritaires) n’ont pas un point de vue unifié à propos de la guerre d’Ukraine. Certains pensent que ces Républiques de Novorossiya d’extrême-droite sont préférables aux « fascistes Ukrainiens ». Nous connaissons au moins un cas de militant antifa Russe qui a été tué pendant des combats pour Novorossiya. Dans le même temps, de nombreux antifascistes anarchistes Ukrainiens se sont battus contre Novorossiya, avec des escadrons de volontaires Ukrainiens. Malheureusement, il semble que la notion « d’antifascisme » est tellement utilisée à des fins propagandistes (des deux côtés du conflit) qu’il est impossible de l’appliquer sérieusement à quoi que ce soit ou à qui que ce soit.

Action autonome – Moscou

[Grèce/Italie] Interview d’Alfredo Cospito par la CCF

Des prisons grecques au module AS2 de Ferrara. Quatre mots en “liberté”.

Interview de moi-même par la CCF.

Avant de répondre à vos questions, je voudrais souligner le fait que ce que je dirai est ma vérité seulement. L’un des nombreux points de vue, sensibilités et nuances individuelles à l’intérieur de cet entrecroisement de pensée et d’action qui prend forme sous le nom FAI-FRI. Fédération informelle qui, en refusant toute tentation hégémonique, représente un outil, une méthode d’une des composantes de l’anarchisme d’action. Anarchisme d’action qui, seulement à partir du moment où il se fait informel, sans se renfermer dans des structures organisées (spécifiques, formelles, de synthèse) et quand il n’est pas à la recherche de consensus (et donc refuse la politique), peut être reconnu dans un plus vaste univers chaotique du nom d’« internationale noire ». Pour mieux nous comprendre, la FAI-FRI est une méthodologie d’action que seule une partie des sœurs et des frères de l’internationale noire pratiquent, pas une organisation, et encore moins une simple signature collective. Seulement un outil qui tend vers l’efficacité, et qui a pour objectif de renforcer les noyaux et les individualités des compagnon-ne-s d’action à travers un pacte de soutien mutuel sur trois points : solidarité révolutionnaire, campagnes révolutionnaires, communication entre groupes et individus :

SOLIDARITÉ RÉVOLUTIONNAIRE : Chaque groupe d’action de la Fédération Anarchiste Informelle s’engage à donner sa propre solidarité révolutionnaire à d’éventuels compagnons arrêtés ou en fuite. La solidarité se concrétisera surtout à travers l’action armée, l’attaque contre les structures et les hommes responsables de la détention du compagnon. Qu’il ne subsiste pas l’éventualité du manque de solidarité parce qu’on verrait moins les principes sur lesquels le vivre et le sentir anarchiste se basent. Par soutien en cas de répression, nous ne parlons bien évidemment pas de celui qui a un caractère d’assistance technico-légal : la société bourgeoise offre suffisamment d’avocats, d’assistantes sociales ou de prêtres pour que les révolutionnaires puissent s’occuper d’autre chose.

CAMPAGNES RÉVOLUTIONNAIRES : Une fois lancée une campagne de lutte à travers des actions et les communiqués correspondants, chaque groupe ou individu sera suivi par les autres groupes et individus de la Fédération Anarchiste Informelle selon leurs propres temps et modalités. Chaque individu ou groupe peut lancer une campagne de lutte autour d’objectifs particuliers en « promouvant » simplement le projet par une ou plusieurs actions accompagnées de la signature du groupe d’action spécifique auquel vient ajouté la signature de la Fédération dans le sigle. Si une campagne n’est pas partagée, et si cela est jugé nécessaire, la critique se concrétisera à travers les actions et communiqués qui contribueront à corriger le tir ou à le mettre en discussion.

COMMUNICATION ENTRE LES GROUPES ET INDIVIDUS. Les groupes d’action de la Fédération Anarchiste Informelle n’ont pas à se connaître les uns les autres, il n’y en a aucun besoin lorsque cela mènerait plutôt à prêter le flanc à la répression, à créer des dynamique de leaderisme des individus et à la bureaucratisation. La communication entre les groupes et individus se fait essentiellement à travers les actions elles-même, et à travers les canaux d’informations de mouvement sans nécessité de connaissance réciproque.
(extrait de la revendication de l’attentat du 21 décembre 2003 contre Romano Prodi, à l’époque président de la Commission Européenne, extrait de « Il dito e la luna », pages 15-16)

Ce pacte de soutien mutuel dépasse de fait l’assemblée, ses leaders, les spécialistes de la parole, de la politique et les mécanismes autoritaires qui s’amorcent aussi dans les milieux anarchistes lorsque l’assemblée devient un organe décisionnel. Ce que l’internationale noire devrait pouvoir faire dans les prochaines années serait de reconstituer ce « fil noir » qui s’était étiolé depuis longtemps. Un fil qui rattache l’anarchisme d’hier, qui pratiquait la « propagande par le fait », fille du Congrès International de Londres de 1881, à l’anarchie d’action d’aujourd’hui, informelle, auto-organisée, nihiliste, anti-civilisation, antisociale. Nicola et moi, les uniques membres du « noyau Olga », ne connaissons pas personnellement les autres frères et sœurs de la FAI. Les connaître voudrait dire les voir enfermés entre les quatre murs d’une cellule.

Nous nous sommes convaincus de l’utilité de la FAI-FRI grâce aux mots (revendications) et aux actions des frères et sœurs qui nous ont précédé. Leurs mots, toujours confirmés par l’action, nous ont offert l’indispensable constance sans laquelle n’importe quel projet se réduit, à l’ère du virtuel, en inutiles et stériles paroles lancées au vent. Nous avions besoin d’une boussole pour nous orienter, d’un outil pour reconnaître et démasquer ceux qui ont fait de l’anarchie un simple terrain de jeu pour beaux-parleurs, un filtre pour distinguer les mots creux de ceux porteurs de réalité. Nous avons trouvé dans cette « nouvelle anarchie », dans ses revendications et les campagnes révolutionnaires qui y étaient liées, une perspective d’attaque réelle, qui amplifie nos potentiels destructifs, sauvegarde notre autonomie d’individus rebelles et anarchistes et nous donne la possibilité de collaborer, de frapper ensemble, sans nous connaître directement. Aucun type de coordination ne peut être inclus dans notre façon de nous projeter. La « coordination » présupposerait nécessairement la connaissance réciproque, le fait de s’organiser entre les sœurs et les frères des différents noyaux. Une telle coordination tuerait l’autonomie de chaque groupe et individu. Le groupe le plus « efficient », le plus préparé, le plus courageux, le plus charismatique aurait inévitablement le dessus, reproduisant les mêmes mécanismes délétères que l’on retrouve en assemblée. A la longue, on verrait ressurgir des leaders, des idéologues, des chefs charismatiques, on irait vers l’organisation : l’idée même de la mort de la liberté. On pourrait répondre à cela que dans les groupes d’affinité, dans les noyaux de la FAI pourrait aussi renaître un leader charismatique, un « chef ». Dans notre cas, les dégâts seraient toutefois limités, parce qu’il n’y a pas de connaissance directe entre les noyaux. La gangrène ne pourrait pas s’étendre. Notre façon d’être anti-organisatrice nous préserve de ce risque. Voilà pourquoi il faut se fier aux « campagnes révolutionnaires », qui excluent la connaissance entre groupes et individus, tuant de fait tout balbutiement d’organisation. Il ne faut jamais confondre les campagnes et la coordination. C’est l’informalité, c’est l’essence, selon moi, de notre projectualité opérative. Qu’il soit bien clair que lorsque je parle de groupes d’affinité ou de noyau d’action, je peux me référer à un seul individu comme à un groupe plus nombreux. Pas la peine d’en faire une histoire de nombres. Il est clair qu’une action spécifique est planifiée par les différents membres du groupe, et on ne peut pas parler de coordination à ce moment-là, et cette planification ne doit jamais s’étendre aux autres groupes FAI-FRI. En-dehors du groupe en tant que tel, il faut se « limiter » à ne communiquer qu’à travers les campagnes révolutionnaires et les actions qui en découlent. Notre connaissance de la FAI-FRI doit toujours rester la plus partielle possible, limitée à nos propres affinités. De la FAI-FRI, on ne doit connaître que les morsures, les griffures, les blessures infligées au pouvoir. Il serait mortel de créer quelque chose de monolithique ou de structuré, et chacun de nous doit éviter les équivoques ou les phantasmes hégémoniques. L’organisation limiterait énormément nos perspectives, en inversant le processus qualitatif vers le quantitatif. A travers l’action de l’un, la volonté de l’autre se renforce, par l’inspiration qu’elle lui a donné. Les campagnes se diffusent en tâches de léopard. Mille têtes contre le pouvoir rendent furieux, car il est impossible des les trancher toutes. Ce sont justement ces actions, et les mots qui les accompagnent (les revendications), qui nous permettent à coup sûr d’exclure les purs théoriciens amants des beaux discours, et nous donnent la possibilité de nous rapporter uniquement à qui vit dans le monde réel, en se salissant les mains, en risquant sa propre peau. Ces mots-là sont les seuls qui comptent vraiment, les seuls qui nous permettent de grandir, d’évoluer. Les campagnes révolutionnaires sont l’outil le plus efficace pour entailler, pour frapper là où cela fait le plus mal. En nous donnant la possibilité de nous répandre dans le monde comme un virus porteur de révolte et d’anarchie.

CCF : Pour nous connaître, dis-nous quelque chose de ta situation actuelle.

Alfredo : Il y a peu à dire. Nous avons été arrêtés pour la jambisation d’Adinolfi, administrateur délégué d’Ansaldo Nucleare. Par inexpérience, nous avons fait des erreurs qui nous ont coûté cette arrestation : nous n’avons pas couvert la plaque de la moto que nous avons utilisé pour l’action, nous l’avons garée dans un endroit trop proche du lieu et, surtout, nous n’avons pas vu une caméra de surveillance qui était sur un bar, une erreur extrêmement grave, que nous payons aujourd’hui. Nous avons revendiqué notre action en tant que noyau « Olga FAI-FRI ». J’ai été condamné à 10 ans et 8 mois, Nicola à 9 ans et 4 mois. Dans les mois qui viennent, nous aurons un nouveau procès pour association subversive. Voilà plus ou moins notre actuelle situation juridique.

CCF : Les prisonniers anarchistes et la prison. Quelles sont vos conditions dans les sections spéciales, comment se comportent les matons et quels sont vos rapports avec les autres prisonniers ?

Alfredo : En Italie, l’État démocratique veut nous isoler en utilisant les circuit de la Haute Sécurité, qui comportent de nombreuses restrictions, en nous reléguant dans des sections complètement séparées du contexte général de la prison. Aucun contact n’est possible avec les autres prisonniers, nous n’avons pas la possibilité de sortir, seulement deux heures par jour dans une petite cour de ciment. La censure contre moi et Nicola a toujours été renouvelée, nous recevons donc difficilement, et en retard, notre courrier et les journaux. Les choses les plus intéressantes nous sont confisquées à l’entrée et à la sortie. En ce moment, nous sommes enfermés dans une section AS2, c’est-à-dire une section de haute sécurité spécifique aux prisonniers anarchistes. Les « rapports » entre nous et les matons est un rapport d’indifférence réciproque et d’hostilité naturelle. Que pourrais-je dire de plus ? De mon point de vue, les protestations « civiles » à l’intérieur et à l’extérieur des prisons sont inutiles, l’aspect « vivable » de l’intérieur est une simple question de rapport de force. De la prison, il faut en sortir, et c’est à qui s’y trouve de s’en donner les moyens… Continue reading [Grèce/Italie] Interview d’Alfredo Cospito par la CCF

Sans Patrie distro anarchiste & internationaliste: Recueil de textes de compagnons incarcérés au Mexique

Recueil de textes de compagnons incarcérés au Mexique (janvier 2012/août 2014), ed. Sans Patrie, août 2014 (64 p., A5).

Cliquez sur l’image pour lire/imprimer la brochure au format PDF.

Pour toute demande, écrire à : toujourssanspatrie (at) riseup.net

Chili : devant les menaces du pouvoir

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Devant les menaces du pouvoir. Contre le silence et l’immobilisme :
!!! Propageons la révolte par la libération totale avec toute forme de lutte, contre toute type d’autorité !!!

Dans les dernières semaines, nous avons vu comment à travers de la presse des puissants une nouvelle offensive médiatique/répressive a été lancée contre le milieu anarchiste/anti-autoritaire. Avec l’idée d’attraper les responsables d’attaques incendiaires et explosives qui se sont produites de 2011 jusqu’à cette date, des “coupables présumés” se configurent de nouveau à travers des pages de journaux et des écrans de télévision afin de valider de futurs coups répressifs devant “l’opinion publique”, en glissant des identités possibles, des accusations et des pistes d’enquêtes.

C’est un contexte qui n’est pas nouveau pour la continuité des stratégies que le pouvoir développe à travers l’histoire afin d’écraser toute expression de lutte radicale et révolutionnaire. De plus, nous avons le cas récent de ce qui s’est passé en 2010 avec la campagne médiatique qui a ouvert la voie à la répression du 14 août de cette année, l’opération «Salamandre» par l’ancien procureur Peña, dans laquelle plus d’une douzaine de domiciles ont été perquisitionnées, des centres sociaux et des maisons squattées et l’arrestation de 14 compas et d’autres personnes pour les accusations de la dénommée «Caso Bombas”, qui, après avoir passé près d’un an en prison, ont fini par être acquitté-es pour manque de preuves

Aujourd’hui, l’ennemi recommence à renforcer son déploiement communicatif et répressif pour donner des signaux de gouvernabilité et de contrôle devant l’augmentation croissante du nombre d’actions explosives et incendiaires revendiqués par des anarchistes et d’autres groupes sans revendication attribuées par le pouvoir à des groupes du même type. Le pouvoir a maintenant défini un scénario qui favorise la psychose collective pour les attentats à la bombe tandis que, dans le même temps, les médias déploient les anciennes et nouvelles thèses de la police sur l’identité des auteurs de ces attaques, la nécessité sociale d’arrêter. Ce déploiement de communication et de son homologue répressif, avec des réunions entre les hauts responsables des services de renseignement, de l’exécutif, du ministère public et de la police, ont eu comme point de repère la vague d’attentats qui ont eu lieu pendant les mois de mai et de juin 2014 (revendiqués par des anarchistes), et plus récemment la bombe qui a explosé à la mi-juillet contre ​​un véhicule du métro durant les heures de service ouvertes aux passagers (qui n’a pas été revendiqué), entre autres. 

Mais au-delà de ce dispositif d’urgence récent, le pouvoir et ses appareils de renseignements ont réactivé ses communications offensives suite à l’arrestation en Espagne des compagnon-nes Monica Caballero et Francisco Solar en novembre 2013, accusé d’attentats à la bombe contre des églises. Puis il a continué la diffusion des thèses et des suppositions policières dans la presse après la mort dans l’action du compagnon Sebastian Oversluij en décembre 2013 au milieu d’une expropriation de banque, alors même chose se produit après l’arrestation de la compagnonne Tamara Sol, qui a tiré sur un vigile d’une banque en janvier 2014, et avec tout ce qui entoure le procès et la condamnation des accusés dans le “Caso Security”

Qu’est-ce que cherche l’ennemi aujourd’hui? Simple, il suffit de regarder de près la presse officielle dans son rôle de porte-parole dans le domaine. Ce que cherche le pouvoir, c’est l’idée que, derrière les dernières attaques, ce sont principalement les compagnons sous enquêtes et accusés du “Caso Bombas” qui ont joué un rôle actif dans la solidarité avec les prisonniers de la guerre sociale. L’ennemi cherche à valider l’idée que la solidarité révolutionnaire revient à placer des engins explosifs et que la lutte anarchiste est uniquement soutenue avec des bombes, parce que tout sujet actif dans cette lutte peut être la cible de persécution. Pour ce faire, les représentants du domaine seront également tenter de modifier la loi anti-terroriste pour renforcer sa capacité répressive avec des agents d’infiltration et d’autres techniques propres à l’action policière contre le trafic de drogue.

Cependant, comme cela a déjà été dit, l’expérience révolutionnaire à travers l’histoire montre que de telles tactiques font partie de l’arsenal varié avec laquelle les agents du domaine tentent de neutraliser et d’anéantir les mouvements et milieux de lutte qui propagent la rébellion contre le système de domination, empêchant ainsi l’extension du conflit contre le pouvoir vers d’autres acteurs de la lutte et la propagation des idées et pratiques de liberté à d’autres secteurs de la société.

Cependant, ce qui est recherché à moyen terme est l’emprisonnement de compagnon-nes et attaquer un milieu de combat collectif.

Compte tenu de cela, notre position n’est pas la victimisation ou la tentative de nettoyer l’image de l’offensive anti-autoritaire ou de  l’idéologie “anarchiste”, mais aussi permettre que l’immobilité et le silence laissent place aux projets de ceux qui souhaitent faire de la société un cimetière de l’obéissance, de la résignation et de la lâcheté.

Nous appelons les compagnon-es anti-autoritaires à assumer ce contexte dans une perspective collective, de donner la priorité à la solidarité avec nos compagnon-nes visé-es par la presse et de défendre nos positions à combattre par tous les moyens à notre disposition face au pas en avant du pouvoir. La lutte anti-autoritaire ne hiérarchise pas entre les compagnon-nes ou les moyens de lutte, dont chaque geste, aussi petits qu’ils puissent paraître, peuvent apporter pour lutter contre le cercle que tente d’imposer le pouvoir si nous voulons répandre des idées, des valeurs et des pratiques anti-autoritaires qui identifient clairement l’ennemi.

Que le fait d’être au courant des avancées du pouvoir ne peut pas être une raison de tomber dans la paranoïa, l’immobilité et dans l’auto-silence des idées. N’attendons pas que ce soit les autres qui agissent et aillent de l’avant concernant les aspects d’auto-organisation de notre lutte, la propagande et l’action multiforme, avec des discussions et des débats qui renforcent l’affinité, avec des liens qui permettent de rendre plus fort la camaraderie et de la solidarité pour faire face à d’éventuelles coups répressifs, la lutte ne s’arrête pas une minute. Tirons les leçons de nos erreurs passées, comme l’ennemi apprend des siennes.

Parce que la guerre contre le pouvoir, aiguisée aujourd’hui, les luttes et rébellions continues qui nous unit avec tant de compagnon-nes anarchistes et révolutionnaires dans l’histoire et le présent, dans ce pays et dans d’autres plus lointains, nous appellent à l’action devant l’attaque contre nos idées et compagnon-nes en lutte, en combattant contre l’atomisation et souhaite s’extirper du contexte actuel.

Que le silence et la commodité quotidienne ne laissent pas la voie ouverte à la répression. 

Montrons aujourd’hui que nous sommes vraiment en lutte.

Propageons l’offensive anti-autoritaire contre le pouvoir et tout type d’autorité !

Quelques anarchistes qui ne se rendront pas. 
Août 2014, Chili.

« Avalanche – Correspondance anarchiste », numéro 2

cliquez sur l’image pour lire le numéro deux (juillet 2014)

Il n’y a pas d’autre chemin. Nos parcours ne devraient pas consister à courir en avant avec un bandeau sur les yeux. Il faut trouver le temps, l’espace et l’énergie pour maintenir une attitude critique devant ses propres activités, ses propres projets. Non pas le criticisme qui t’enlise dans l’inactivité, le compromis et le défaitisme, favorisant uniquement l’absorption lente, mais certaine par la société autoritaire, mais la critique qui réussit à prendre sans cesse le pouls de la lutte. Oui, nous parlons d’une critique qui te permet de vérifier que tu es toujours en train d’agir en cohérence avec les idées que tu chéris, qui permet d’approfondir les perspectives et qui peut transformer les expériences de lutte en terrain fertile pour l’assaut ultérieure contre l’autorité. Et cela vaut aussi pour le projet très modeste de créer un espace de correspondance anarchiste internationale.

Un troisième numéro alors, et donc aussi quelques questionnements et doutes. L’idée initiale de ce projet n’était pas tellement de feuilleter les publications anarchistes existantes et de sélectionner quelques textes significatifs pour les republier dans Avalanche. Non, l’idée, c’était – et ça l’est toujours – que des compagnons contribuent des mots et des analyses, des idées et des remises en question, depuis leur propre contexte, leurs propres parcours, leurs propres expériences (comme en témoignant plusieurs contributions qui ont été envoyées pour ce numéro), afin de insuffler de la vie à cette correspondance et la rendre dangereuse. Dangereuse, car en dehors du bombardement incessant d’informations qui ne semble qui promouvoir la passivité, en dehors des scènes théâtrales de représentation politique qui a aussi infesté le mouvement anarchiste, en dehors de l’obsession particulièrement moderne pour des faits et des chiffres, de la matière morte incapable de fertiliser le tandem inséparable des idées et de la dynamite qu’est l’anarchisme.

(…) nous envoyons nos salutations à tous les compagnons et compagnonnes, partout où ils et elles sont, dans toutes les situations dans lesquelles ils et elles peuvent se retrouver.

Juillet 2014

correspondance@riseup.net // avalanche.noblogs.org

Berlin: quelques impressions sur les manifs anti-expulsion à Kreuzberg

Voir tous les articles à propos du squat de réfugiés de la rue Ohlauer à Kreuzberg

berlin-kreuzberg-june2014

Voici une brève mise à jour des manifs dans les rues contre le siège du squat de réfugiés rue Ohlauer, à Kreuzberg, menacé d’expulsion depuis le 24 Juin. Nous écrivons cela pour partager ce que nous avons connu le 1er Juillet, en espérant que cela peut aider en quelque sorte camarades afin de former un récit de la situation.

Nous avons atteint le quartier aux environs de 16h00 et après s’être déplacés pour vérifier où les flics avaient mis leurs barrages, nous nous sommes dirigés vers la rue Ohlauer, où l’école squattée est située, encerclée par les forces de police en masse. Sur le toit de l’ancien bâtiment de l’école, on pouvait voir 2 ou 3 personnes, tandis qu’au croisement de la rue Ohlauer avec la rue Reichenberger, il y avait une foule d’environ 500 manifestants. Les flics anti-émeute avaient déplacé leurs barrières métalliques avant, gagnant quelques mètres de terrain, et ont été mis en ligne avec le corps armuré en entier et des dizaines de cars de police derrière. Il n’y avait pas moyen pour les gens de se rapprocher de l’entrée de l’immeuble, à l’exception de briser violemment les lignes de police, quelque chose qui était hors de question pour le moment, étant donné que nous étions en infériorité numérique avec les porcs, mais surtout en raison du caractère du rassemblement qui était tout sauf combatif.

A l’extérieur de la Bibliothèque “Tempête”, il y avait deux tables d’informations, c’est-à-dire 2 tables avec un tas de gens assis derrière et qui organisaient des trucs (nous n’avons pas réussi à comprendre exactement ce dont il était question). Dans le même temps, au milieu de la rue il y avait une petite camionnette avec un sound-system, d’où les gens (principalement des réfugiés et migrants artistes de hip-hop) rappaient et chantaient sur le son. La plupart des manifestants était assis sur le sol, étant dos à la police et regardant le concert improvisé. Nous constatons que les moments de la libre expression dans les rues sont très importants au quotidien, mais nous considérons que les festivités joyeuses lors de périodes cruciales comme celle-ci sont sont du moins naïves, sinon réactionnaires. Le sentiment général était celui d’une manif pacifiée pour les droits-civiques ou une fête de rue, dépouillé de toute notion de rage contre la militarisation de la zone par les forces de police. En outre, la musique et les annonces via le microphone étaient continues, ne laissant aucune place pour des slogans scandés, obligeant pratiquement les gens à un rôle de spectateurs.

Néanmoins, ce que nous trouvons tout à fait irresponsable de la part de ceux qui appellent à et/ou organisent ces manifestations est le fait d’accepter (si ce n’est inviter) la presse sur place. Des camionnettes de télévision, les appareils photo, photo-reporters et des journalistes ont été mêlés aux manifestants, filmant, prenant des photos et généralement enregistrant et surveillant tout. On ne savait pas s’il y avait des camarades parmi la foule qui avait le même avis que nous, mais nous avons préfèré garder profil bas. Cependant, personne n’a eu de réaction visible contre cette présence de facto des bâtards des médias de masse. Nous nous sommes d’abord adressés à un point d’information, expliquant qu’on ne sentait pas un environnement sûr pour les manifestants, puisque tous nos mouvements étaient sous surveillance et pas seulement par les flics, mais aussi par la presse, pour recevoir la réponse qu’il y avait des gens qui voulaient que les médias soient présents (parmi eux aussi des réfugiés). Nous avons essayé de crier des slogans («La presse travaille pour l’État; des journalistes nous niquent en ce moment!). Mais en vain, puisque nos voix ont été couvertes par le sound-system.

Après un certain temps, nous sommes allés à l’angle des rues Lausitzer et Reichenberger, à un pâté de maison de l’école des réfugiés, où les flics avaient encerclé un groupe de près d’une centaine de manifestants qui effectuaient un sit-in pour bloquer plusieurs fourgons de police qui se dirigaient vers la rue Ohlauer. L’esprit était un peu mieux ici, vu que les gens criaient des slogans clairs et forts, mais l’action n’a pas dépassé les limites de la désobéissance civile. Dans certaines circonstances, des sit-ins peuvent en effet être efficaces en termes de bloquer l’avancée des flics, mais il n’est pas garanti pour les militants que les bottes de police ne leur marcheront pas sur la tête à chaque fois qu’ils en auront envie. Les flics ont exercé la violence contre les manifestants, mais n’ont pas réussi à prendre d’assaut le sit-in; puis ils ont fait en sorte de diffuser plus de terreur en mettant en avant des escadrons de police en uniforme et des cagoules noires couvrant leurs caractéristiques faciales. Il ne fait aucun doute; l’État est le seul terroriste.

Nous sommes restés dans la zone jusqu’à environ 20h00, se déplaçant d’un sit-in à l’autre (il y en avait au moins 2 plus dans le quartier). Avant de décider de quitter les lieux, nous sommes brièvement intervenus dans les festivités de la rue Ohlauer quand la musique s’est arrêtée, affirmant haut et fort que les médias de masse, c’est la voix de l’ennemi et qu’ils doivent donc être chassés immédiatement. La presse est dans une large mesure responsable de la préparation de cette expulsion en terme de propagande, et il est vraiment triste de voir que certaines personnes ne reconnaissent pas l’évidence. Cette lutte, comme tout autre combat partiel, sera soit radicalisée et prise en charge par les réfugiés et les personnes dans la solidarité comme un épisode continu de la guerre sociale, ou elle finira par être médiée et dissimulée par le pouvoir.

Ici un document daté du 1er Juillet avec diverses revendications (signé par un certain nombre de différentes personnes), dans une tentative de certains réfugiés de parvenir à un «accord» avec les fonctionnaires du quartier de Friedrichshain-Kreuzberg, et d’empêcher leur poursuite judiciaire et l’expulsion violente de l’école Gerhart Hauptmann.

Pendant ce temps, le ministre fédéral de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a appliqué de toute urgence un vote sur le durcissement de la législation sur l’asile, qui sera pratiquement rendu impossible pour les gens (il vise les Roms en particulier) en provenance de Bosnie-et-Herzégovine, de Macédoine ou de Serbie entre autres, d’obtenir l’asile en Allemagne depuis que la loi va changer le statut de ces régions en “pays d’origine sûr”. Le Parlement allemand doit se prononcer sur ce projet de loi raciste dans une procédure accélérée.

Le texte en anglais ici